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Johannes Zacherl

Back to list Added Jan 27, 2019

Démarche artistique

JOHANNES ZACHERL



Bien qu’il y ait des courants, des recherches qui se croisent ou des similitudes qui se superposent, des suites et déroulements logiques qui se rencontrent, face à sa toile vierge, le peintre est toujours seul. Rares sont les moments quand il peut partager cette solitude et jamais il ne peut raconter l’histoire de quelqu’un d’autre. L’œuvre commence véritablement quand le peintre essaye de traduire ou mieux, essaye de transformer, cette expérience individuelle en une histoire collective et, au meilleur des cas, en une histoire universelle.


Nous n’avons absolument pas le droit de ne faire que « des jolies peintures ». Nous faisons partie d’une longue chaîne, qui commence sûrement avant Cogul, Altamira et Lascaux, qui voyage à travers les continents et les millénaires, qui passe du sacré au profane. Sans l’artiste, quelle image fidèle aurions-nous des personnes de Julius César ou de Saint François d’Assise ?

Innombrable sont ceux dont j’admire leur sérieux et leur acharnement et dont l’œuvre a participé activement à l’évolution de la culture humaine. Et je suis sûre qu’El Greco, comme Leonardo, Goya, Vermeer, Bonnard, Matisse et les autres enragent à chaque fois que quelqu’un prétend faire croire que la peinture se réduirait à l’élégance d’une trace de pinceau déposée sur un support.


Peindre n’est pas un acte gratuit. Il répond à un besoin intérieur, aussi bien physique que mental. Il est la traduction immédiate d’une pensée, l’expression directe d’une émotion, d’un sentiment, qui ne passe pas par la voie de la parole. Le raccourci des yeux aux mains. Les connexions cérébrales de l’être humain se traduisent tout d’abord en symboles, et seulement ensuite elles peuvent être transformées en parole. C’est peut être ce qui expliquerait une force immédiate d’expression comme l’universalité que possède la peinture.


« Si j’étais capable de le dire, de l’expliquer, je l’écrirais ».

Hors des limites de la parole, le peintre tente d’inventer son propre langage. Un langage pictural. La peinture se situe exactement dans cet espace de non-dit. La peinture obéit à ses propres lois et expérimente ses propres règles. Et même avec mille explications, un peintre ne pourrait jamais vraiment faire ressentir avec des mots la force d’un orange posé sur un jaune, la tendresse d’un gris coloré, la violence de la rencontre d’un vert avec un rouge, un bleu, l’insolence d’un noir et d’un blanc ( quand ils sont utilisés comme couleurs entières et non pas comme ombre et lumière). Les couleurs doivent se voir, se sentir, se toucher. Il faut se laisser porter et s’émerveiller, sans essayer d’en comprendre le pourquoi, s’ouvrir complètement. Il faut avoir le courage de se laisser submerger et peut être  retrouverons-nous l’insouciance de notre regard d’enfant : Curieux, ouvert et sans jugement extérieur préconçu (traditionnel comme culturel).


L’importance d’une ligne, d’un trait. Le jeu entre le fond et la forme. Les couleurs et surtout l’univers de ce qu’il se passe entre les couleurs. La magie quand un rouge touche un vert. Le même rouge posé sur un fond bleu ou sur un gris change sa densité, ses vibrations, disparaît au fond du tableau ou saute en avant.


Et je pars d’un fond gris foncé, déjà avec l’intention que, ce même fond pourra devenir forme par endroit, (qu’il ne se contentera pas de rester au niveau d’une sous-couche), donc venir en avant le cas échéant, et participer activement comme toute autre couleur qui sera posée après, voir même faire part d’un premier plan (…en arrière pensée, ce fameux arbre bleu de Cézanne en premier plan…). Pas de construction dans le sens du terme classique, et sans perspective centrale : toute l’illusion de profondeur est donnée uniquement par les valeurs de couleur. Le modèle dans une main, j’esquisse et je mets en place le dessin de l’intérieur vers l’extérieur de la toile, avec un orange-rouge. Le pinceau est choisi en relation avec le trait à tracer, car chaque trace a sa signification. Déjà au stade du dessin, les traits de rouge-orange doivent avoir cette vibration et nervosité pour se suffire à eux-mêmes et s’équilibrer avec le fond, afin de pouvoir déterminer qu’elles seront les zones du tableau qui viendront en avant, de celles qui viendront en arrière. Uniquement quand cet équilibre est établi, peut intervenir la troisième couleur.


Ajouter une seule couleur, donc une vibration, fait basculer l’équilibre du tableau : tout, mais entièrement tout change, la peinture est en mouvement et le peintre est absorbé par cet élan, par la propre vie du tableau. Il écoute, il regarde et il sent les besoins de cette nouvelle image soumis à ses règles propres. Là commence enfin la réelle aventure : la lutte enter volonté et décisions du peintre, et les lois propres du tableau et de la peinture. Là commence cet émerveillement et cette magie. Creare, latin. Sortir du néant, partir de rien et construire quelque chose. Réflexions et choix, surprises et découvertes, risques et partis pris. Avancer. Regarder. Oser. Devenir soi-même une partie de cette peinture. Se baser sur ses acquis, pour tenter de faire reculer les limites de son propre langage. Curiosité et apprentissage.


A ce stade du tableau, intervient alors la rapidité des décisions, les besoins de la toile même. La travailler sur toute la surface et gérer sa totalité en même temps : L’appel des autres couleurs. Anticipation : Une trace jaune en haut à gauche va nécessiter un aplat vert au milieu à droite qui lui engendrera le besoin d’un gris juste à coté. Une diagonale aura besoin une structure circulaire comme contre-pouvoir, un trait, l’aplat d’une couleur claire souvent nécessite une couleur en dessous pour la faire éclater et vibrer d’avantage…(Merci encore à tous les coloristes qui ont préparé ce chemin pendant des siècles et siècles, et surtout aux expressionnistes allemands qui sont malgré-moi ma première imagerie, mes pères spirituels, et qui sont devenus à la longue des années de travail, des amis, des fidèles compagnons  et conseillers. Comment pourrai-je affronter cette tentative de funambule dans ma peinture, sans Johannes Itten et sans Wassily Kandinsky ?)


L’ensemble est porté par un ordre intérieur que moi, peintre, je n’ai qu’à suivre, qu’à regarder pour me laisser entraîner dans cette danse ancestrale. Par moment il faudra casser les structures préétablis, intervenir, changer l’ordre pour expérimenter, afin de guider ou se laisser guider à un nouvel ordre ou structure. Etre en attente de tous ses moments fragiles pour se laisser surprendre, analyser, digérer et réutiliser justement ces nouvelles acquisitions dans un immédiat, ou bien volontairement garder cette expérience pour la toile suivante… 



Johannes Zacherl


Artmajeur

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