LE SYNDROME DE LA GRENOUILLE (2023) Malerei von Jean-Paul Becker

Dans le "syndrome de la grenouille", j'ai voulu traduire un sentiment d'urgence douce, presque silencieuse, celle d'une menace qui monte lentement sans faire de bruit. Cette inondation qui envahit les murs rouges d'un musée n'a rien d'explosif ou de dramatique à première vue, et pourtant, elle est irréversible. Je pense à cette fameuse métaphore de la grenouille, qui, placée dans de l'eau tiède qu'on chauffe doucement, ne réagit pas et se laisse prendre au piège.
C'est exactement ce que je ressens face à notre monde, face à cette lente montée des eaux, face à notre passivité collective.
Le spectateur de cette scène, assis sur un banc, c'est un peu chacun de nous. Je l'imagine contemplatif, absorbé par une peinture de bateau en pleine tempête, comme hypnotisé. On sait que l'eau monte autour de lui, mais il reste immobile, absorbé dans une contemplation qui, si elle est belle, ne changera pourtant rien à la situation.
C'est ce paradoxe qui m'obsède : notre capacité à observer la catastrophe, presque fascinés, tout en restant incapables d'agir. La tempête dans le tableau est un écho de notre propre situation : comme ce bateau en détresse, nous naviguons en eaux troubles, menacés par une force que nous continuons d'ignorer.
Les pigeons, eux, sont les témoins silencieux, indifférents pour l'instant mais pas pour longtemps. Ils incarnent cette nature que nous affectons sans même nous en rendre compte. Ces oiseaux qui volent au-dessus de l'eau montante, rappellent qu'ils sont eux aussi en sursis, tout comme nous.
C'est une manière de dire que, dans cette montée des eaux, nous ne sommes pas seuls : toutes les créatures, tout ce qui vit sur cette planète, sont entraînés avec nous dans cette vague. Les pigeons sont libres mais pour combien de temps encore ?
Et puis il y a les couleurs. Ce rouge profond, presque velouté, des murs du musée, symbole de la tradition, du prestige, de ce que nous croyons être immuable. Ce rouge est là pour nous dire que même ce que nous pensions être éternel peut être balayé. Et l'eau, bleue, puissante, vient contraster avec cette couleur, vient briser cette impression de stabilité. C'est comme si je voulais crier doucement que rien n'est permanent, que même les lieux où nous entreposons nos plues belles œuvres, nos plus belles histoires, peuvent être emportés par la marée si nous ne faisons rien.
Avec cette peinture, je n'essaie pas de moraliser. Ce n'est pas un cri de révolte mais plutôt une invitation à ressentir, à voir la beauté fragile de ce qui nous entoure, à prendre conscience de cette lente montée des eaux. C'est une manière de dire : combien de temps encore allons-nous rester spectateurs ? Combien de temps encore allons-nous attendre, hypnotisés avant de comprendre qu'il n'est plus question de simple contemplation ?

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