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Françoise Aubert-Moreau

Back to list Added Feb 19, 2010

Mon atelier - Expo permanente entre 1988 et 2000

Je ne me souviens plus de la date exacte de la photo qui est de mauvaise qualité. Nous avons pensé à prendre ce cliché lors du choix des toiles à exposer, alors que la plupart étaient déjà dans le coffre, et les lumières éteintes. Et je n'ai que celle-ci....
Sur cette photo vous pouvez voir au premier plan , deux sculptures.
Celle à droite de la photo est Eléa,
Celle de gauche La Gardienne. En effet de toute cette série c'est la seule qui possède une tête et qui veille sur tout le troupeau de femmes ailées au nombre de huit si je me souviens bien, qui se sont éparpillées un peu partout et dont il ne me reste que 3 spécimens.

Lorsque j'ai commencé à sculpter, j'avais une idée en tête, bien particulière.
J'errais entre l'éternel combat du cœur et de la raison, sachant qu'un jour ou l'autre, et malgré l'éducation stricte que j'avais reçue, il faudrait que je m'en affranchisse, si je voulais avancer.
Donc après maintes réflexions, j'en suis arrivée à la conclusion, que les femmes devaient êtres libérées de toutes leurs entraves, et que le cœur parle et agisse en laissant la raison de côté de temps en temps.
(C'est ma conviction , aujourd'hui encore)

J'ai donc entrepris de sculpter des bustes de femmes ailées, et sans tête, non pas parce que nous femmes n'avons pas les neurones aussi développés que ceux des hommes, mais parce que le cœur était devenu le siège des émotions et des décisions à prendre.

ELEA, Première de mes sculptures :

Mon nom est Eléa, à l'origine, je n'étais qu'un bloc de béton cellulaire qui dormait tranquille dans un entrepôt de matériaux. Un jour une nana est venue me réveiller, m'a observé sous toutes les coutures pour voir si je n'avais pas de failles. Puis délicatement elle m'a enveloppé dans une couverture et fourré dans le coffre de sa voiture.
Le voyage n'a pas été long et je me suis retrouvée quelques minutes plus tard dans ses bras, franchissant la porte de son appartement.

Elle m'a déposé sur sa table de cuisine, a dessiné quelques rapides traits avec un gros crayon de menuisier et a commencé à me grattouiller de ci de là avec une râpe à bois.
Elle avait mis de la musique et je me laissais faire, contente que l'on me chatouille.
De temps en temps je l'entendais râler, toute seule, dans son nuage de poussière.
Elle s'arrêtait un instant, me contemplait, se passait la main dans ses cheveux, buvait un verre d'eau et reprenait son travail, et moi je prenais vie petit à petit. Je naissais et elle vieillissait au fur et à mesure qu'elle râpait.
Elle devenait petite vieille à la chevelure blanche, mais n'en avais cure.

"Tu seras basique, étroite, juste une ébauche d'ailes", l'entendis je murmurer, tandis qu'elle s'affairait autour de moi me tournant et retournant, dans tous les sens


Elle me caressait en éliminant la poussière accumulée dans les parties creuses.

Elle jeta un rapide coup d'œil à sa montre et hocha la tête, l'air ennuyé.
"5 heures déjà" ronchonna-t-elle, il va falloir que j'arrête. Mais elle se mit à râper plus vite, et d'un coup un petit cri jaillit, sur ses doigts du sang perla....

Elle jura, puis continua son travail encore un moment, et d'un coup laissa tomber son outil sur la table.


'Fini ma petite me dit-elle, tu resteras comme ça. Allez à la douche, faut être belle pour Paikan".

Voilà l'histoire d'Eléa qui n'a pas trouvé de Paikan mais qui l'attend toujours toute seule cachée dans la montagne.

Artmajeur

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