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Sandrine Wely

Back to list Added Apr 2, 2004

Sandrine Wély, l’ivresse de la peinture

Comment dire, comment toucher du doigt et du regard cette intensité frémissante qui prend corps dans la peinture de Sandrine Wély sans déflorer les émotions qu’elle suscite ?

 Saisissant la fugacité du temps qui passe, tentant de s’arracher au passé pour se projeter dans l’avenir, Sandrine Wély déplie ses souvenirs et fait défiler des images allusives comme un film dans ses séries successives. Autant de touches et de retouches qui lui permettent d’avancer dans son processus de création caractérisé par une genèse fiévreuse entre le geste et la matière générant des images mentales qui se superposent ou se substituent à des images à la frontière du réel. Le recours à la série que l’on épuise est récurrent chez les artistes mais pour Sandrine Wély, il s’agit « d’un engagement en peinture « avant tout poétique pour in fine, travailler sur la peinture elle-même quelque soit le sujet développé » selon ses propres termes. On l’aura compris, cette artiste passionnée s’est débarrassée de la servitude de la représentation et de celle du concept. Elle est dans l’urgence du moment de grâce cueilli et du souffle du monde recueilli pour les partager avec nous.
 
 Celle qui a décidé à l’âge de 7 ans qu’elle « serait peintre » a  une formation académique et classique. Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Paris, elle a aussi été formée à la peinture en décor et enseigne le dessin et la couleur. Maîtriser la technique pour mieux l’oublier, faire de la peinture son sujet, telle pourrait être sa devise. Ce qui subsiste de son cursus, c’est précisément son goût immodéré pour la peinture pure. Cela donne une touche « à la Bonnard » virant vers une forme d’expressionnisme et une écriture automatique qui nous entraîne dans le monde selon Sandrine Wély où tout est volupté, sensualité, gourmandise. On se délecte devant ses peintures avec le même bonheur que l’on prend à écouter de la musique ou à se repaître d’un paysage. Alors le temps semble s’arrêter de filer pour rester suspendu au geste de Sandrine Wély, à la mélodie et à la musicalité de ses couleurs qui vibrent, saisissant l’âme, l’œil et le cœur. Car au delà de la légèreté de la matière et de la fluidité des compositions, se dégage aussi parfois une sourde angoisse incommensurable qui rôde et ce sentiment nous envahit lorsque l’on revient sur les œuvres après un premier coup d’œil ou lorsque l’on égrène les titres de ses séries : « Savonarole et les Papes »… « Les femmes voilées » « les ponts et les cales » « Un long moment de silence »…. « Les métamorphoses »….ces mots sans innocence racontent les maux d’une vie malmenée même si elle est sublimée dans le vertige de la peinture. Ainsi ces « métamorphoses », empreintes de lyrisme et de puissance racontent l’histoire de l’homme écartelé entre spiritualité et animalité. Corps flottants, corridas échevelées et chevauchées de couleurs écartèlent le blanc et martèlent le silence sur la toile.
 
La paroxysme est atteint avec cette dernière salve tirée à bout portant contre les fantômes du passé : « d’innombrables heures » (2008-2009) où défilent des chaises dans tous leurs états : vides, habillées ou habitées, ces chaises ne sont pas des objets mais des personnes. Elles dansent dans une sarabande poétique ou inquiétante, tantôt esquissées avec quelques traits de pinceau ou écrasées dans une touche plus épaisse. Ces chaises qui symbolisent les heures de la journée, de la vie et « d’innombrables présences et absences » déchirent des pans de souvenirs honnis mais surtout délivrent une ivresse de la peinture communicative.

Brigitte CAMUS

Artmajeur

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