Added Jul 16, 2004
LE MATRICULE DES ANGES, janvier 2004 :
"À Grenoble, deux libraires militantes parient sur la vitalité de la petite édition indépendante. Un lieu d'intimité et de curiosité. (...)
Le magasin s'étend sur 30 m2 et propose un choix éclectique : poésie, romans, récits de voyage, jeunesse, mais aussi livres d'art, livres d'artiste et tirages de tête. On peut ainsi repérer parmi les rayons quelques raretés, comme ces ouvrages tirés sur papier filtre, spécialité des éditions Jacques Brémond ; s'émerveiller du texte de Jacques Moussempès à la Bibliothèque du lion ou encore celui de Llorca illustré par Joël Leick ; feuilleter Là l'abandon, l'étonnant travail de l'écrivain Joanna Mico et de la photographe Brigitte Kohl, aux éditions de L'Entretoise."
LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ, Claude Veyret, février 2004
"Joanna Mico expose ses livres-vivants, ses textes-tentures à la médiathèque Diois-Vercors. Plongée dans le règne de l'écriture, source de vie.
"tu laisses couler le passé. rideau d'eau sur les mots déversés. ton radeau de peu. sur le vague l'intime reflux"... Joanna Mico parle de cette exposition comme de son "premier vrai travail d'offrande (...) au regard libre, vague de textes en textures, glane des mots-sens en espace libérés". Délivrés. Car ces livres sont de chair, de verre, de bois, de pierre, de minéral comme pour une écriture primitive. Sobre. Epurée. "Égoûtée" comme la qualifie l'artiste-poétesse.
"Bientôt il n'y aura plus de noms. nous serons tous des étrangers. les mots auront soif. secs. plus de bouche à nourrir. les mots resteront à jamais coincés en travers de la gorge (...)".
Alors Joanna Mico a voulu les sauver du déluge des livres-objets-marché pour les ramener, à la nage, à la marge sur une île... où le lecteur est un aventurier, un découvreur privilégié. Et comme des statues des îles de Pâques, les textes vous regardent, vous dévisagent. Pour créer le trouble. Éveiller les sens. Éveiller la mémoire : "quand l'indifférence escalade, quand tu n'es que paroi". Couleurs et phrases longtemps pensées, mariées, travaillées, tissées, caressent et griffent...
La parole soustraite, débusquée, défrichée est restituée comme au premier matin du monde par l'arbre, la roche, la trâme qui ne seraient rien sans les liens qui les enrichissent. "Elle met le feu aux mots sur sa parcelle de terre où tremble le peu d'écho / si j'étais une femme" : les poèmes emportent le regard et le visiteur oublie le temps. Perdu dans ce labyrinthe de symboles et ces bourrasques évanescentes. Le livre qui nous a si souvent éloignés de la nature sensible des éléments, ici nous ouvre le passage, nous réinsère dans les éléments naturels, dans l'essence originelle, dans l'essentiel."
JOANNA MICO
OU LE LIVRE DÉ-LIVRÉ
Catherine Flament, K éditions, mars 2004
"Ma stupéfaction a été énorme quand j’ai rencontré Joanna Mico et ses livres-arbres, -pierres, -tentures. Je pensais depuis longtemps, à la suite de Caillois, Segalen et d’autres, que oui, de l’arbre ou de la pierre au livre, il y avait là une des connivences du monde, une de ces réverbérations mystérieuses dont se trouve marqué ou éclairé l’épiderme du monde, là où celui-ci est unitaire, tissé d’écho et de duplication.
Joanna, poète et artiste, avait donc retrouvé l’antique sente ?
LA RIME DES FORMES, LES LIVRES SONT DES ARBRES
Pour moi les livres sont des arbres. Ils expriment une même loi, dont les transformations à travers les règnes empruntent immanquablement des aspects inédits : pierres entaillées du monde minéral, arbres dans le règne végétal, livres sous le régime de l’imaginaire humain. J’ai donc cherché à retrouver cette continuité, sous-jacente. Le livre partage avec l’arbre le déploiement émerveillant des feuilles – au printemps, et celles du livre qu’on feuillette pour la première fois. Ils appartiennent tous deux à la fois au monde sous-terrain – l’arbre par ses racines, et le livre sorte de mini tombeau avec ses dalles-blocs-de-texte – et au monde le plus aérien, frondaison du texte, ramifications infinies et impalpables de l’imaginaire. Des machines totales, des mondes, tous deux.
Restait la question du tronc, qui bien sûr correspond à la reliure… dans le livre-arbre de Joanna Mico. Certes c’est un arbre préhistorique, davantage une fougère arborescente du Jurassique qu’un angiosperme, il est un peu rigide. Mais on voit que la reliure est vraiment un tronc où s’enquillent des feuilles-branches, d’où sourdent des Paroles d’arbres ; pleurant le repli perdu des mots et la folle bourrasque qui en arrache les noms nomades, elles tissent alors une correspondance de l’arbre au langage.
LE LIVRE-MICA DE MICO
La pierre à son tour se feuillette, se fend, schiste ou mica. Joanna en a dressé et relié six, stèles où résonne l’écho de Segalen.
Mico : les noms n’ont plus d’air. la pierre respire bas. / versus Segalen : n’est pas digne du nom de stèle l’inscription de fortune privée de socle et d’espace et d’air quadrangulaire à l’entour ; Mico : tes mots sont tes rides. ton visage n’a pas de noms. tu ne dis presque. ton visage cette pierre jetée dans le vide. / Segalen : car la table aveugle des caractères a l’inexistence ou l‘horreur d’un visage sans traits…
LIVRES-ARBRES, STÈLES & TENTURES
Dans certaines éditions de Segalen, Stèles est suivi de Peintures : de longues et sombres peintures soyeuses, chargées de suie et couleur du temps des premiers âges [qui] se déroulent de haut en bas [et autour desquelles] il se fait un enveloppé de paroles. C’est presque de même chez Joanna Mico… et ç’a été mon deuxième étonnement, et surtout une émotion très forte : face au livre dé-livré, cette oxymore face à ses livres-tentures. D’abord, parce que sur le fond je pense qu’on n’a jamais rien inventé de mieux que le livre (je veux dire, ce bloc fermé, relié, soumis au feuilletage), et les livres-objets d’artistes pèchent vite, souvent, à s’en éloigner. Or là, ça fonctionne.
Voile-tenture qui dévoile, mise à nu : de l’Hypothèse, si j’étais une femme. Sans doute ça ne fonctionnerait pas avec n’importe quel texte. Cette question ne peut être qu’en éclats ; face à la tenure, on ressent la menace de dissémination et on s’en sent protégé : les fils vont tenir, il y a de la structure – la forme rectangle, la page centrale, la répartition bicolore des feuillets. Ces fragments de texte et de page, reliés néanmoins, tissés en un méta-texte-texture, une tenture, un voile, corps de femme : c’est la réponse formelle à l’hypothèse inquiète. La question peut insister, je suis protégée de l’éclatement psychoïde : la réassurance, légère, volette là devant moi, au moindre souffle.
Le livre-tenture témoigne à son tour, par delà sa singularité, de quelque chose du livre : qu’un texte est texture, et qu’en cette extrême limite du livre « dé-livré », les pages néanmoins, doivent rester re-liées ? Ici elles le sont, et plutôt 8 fois qu’une.
Jusqu’où le livre l’est-il encore ? Comment le livre prolonge-t-il les autres règnes ? Joanna Mico explore ces passages, régions extrêmes, en artiste inventeur de formes, et surtout en poète, avec de vrais textes : car le livre est la terre natale (ou presque) de l’écrivain, ce n’est pas avant tout le lieu de l’artiste. Le texte ne doit jamais y être prétexte.
[Les textes en italique sont des citations, dans l’ordre : de Roger Caillois (notamment Le fleuve Alphée, 1978, et Approches de l’imaginaire, 1974) ; de Victor Segalen (Stèles, peintures, équipée, Plon, 1970) ; d’Yves Peyré (Peinture et poésie. Le dialogue par le livre, Gallimard, 2001)… et bien sûr de Joanna Mico.]"
LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ, 5 mai 2004
"Dans le cadre du premier festival pour les sourds et entendants réunis Vice et Versa qui se déroule jusqu'au 15 mai, l'exposition "Regards croisés sur la mixité" est visible à la salle Mitterrand.
Initialement ils étaient deux artistes visuels en arts plastiques à exposer pendant toute la durée du premier festival pour les sourds et entendants réunis Vice et Versa organisé en collaboration avec la compagnie Songes et l'association Écoutez voir ! Et finalement, seules les créations artistiques de Joanna Mico sont présentées. Des œuvres originales étonnantes à travers lesquelles l'artiste, créatrice de livres-objets et de tentures-textes, ses "textures", propose un projet autour de la parole comme tissage au croisement des cultures. Diplômée d'un DEA de Lettres, Joanna Mico écrit depuis plusieurs années, met ses textes en matière depuis un peu plus de cinq ans et crée ses tentures depuis environ deux ans. Parallèlement à cette pratique artistique et culturelle, l'artiste publie ses textes chez une éditrice parisienne Isabelle Sauvage ainsi qu'aux éditions de l'Entretoise à Grenoble.
Exposition "Regards croisés sur la mixité" présentée à la salle François Mitterrand, mairie de Bourg-lès-Valence jusqu'au 10 mai puis au théâtre Le Rhône du 11 au 15 m