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Gabriel Claude Ancenis

Listeye geri dön. 27 Şub 2018 Eklendi

Par le Docteur Pierre-Yves Touzeau Nantes

Gabriel Claude ou Portrait de l'artiste en Odysseus

« DANS SON BERCEAU DE BRUME, L'AURORE AUX DOIGTS DE ROSE... »

Le premier tableau -et pour l'instant le seul- que j'ai acquis auprès de Gabriel Claude, n'est plus dans notre appartement : un jour je l'ai décroché du mur où il se trouvait !?

Il s'agit d'une toile de 80x70cm recouverte sur le mode abstrait d'un mélange de couleurs s'associant en de savants fractionnements, couleurs dont j'ai cru pouvoir évaluer le nombre à dix, n'étant toutefois pas tout à fait sûr de son exhaustivité : ivoire- blanc cassé- rose-gris de lin-violine-magenta-garance-saphir-incarnadin et aigue marine.

Les couleurs les plus foncées se trouvent au niveau du tiers médian, les plus claires en périphérie (de chaque coté si la toile se lit horizontalement- en haut et en bas si elle se lit verticalement).
Mais comment se lit la toile ?

Deux faits importants à signaler : la toile n'est pas « nommée » (elle n'a pas de titre) ; la toile n'est pas « signée » (l'artiste s'autorisant parfois seulement l'apposition d'un G et d'un C sur la tranche latérale du cadre, non visible et que l'on a du mal à retrouver si par extraordinaire on pensait à les chercher). L'oeuvre elle-même est donc apparemment anonyme : elle est de « Personne », elle pourrait donc, ainsi, être de « Tout le monde » !!
Tiens-Tiens ! Quelqu'un qui se fait passer pour personne, qui signe en quelques sorte « Personne », cela ne vous rappelle rien ? Cherchez bien dans vos souvenirs...Je vous aide : il y a un voyage, des dieux, un cyclone...Ulysse, bien sûr! (c'était une parenthèse mais je gage que nous le rouvrirons!).

Revenons au tableau.
Dans ce mode abstrait, l'utilisation de ces couleurs, leur disposition sur la surface encadrée, réalisent une composition sans rapport direct aux références visuelles habituelles et l'on ressent, selon la reconstruction à laquelle on procède soi-même, ce que ce foisonnement de lignes et de taches colorées, nous apprend, nous évoque, nous conduit à penser ou nous fait souvenance.

Que voir ? (et bien sûr, ne faut-il que voir?), qu'évoquer ? Que conceptualiser ? Cela peut être des paysages ou des êtres vivants, mais cela peut être aussi des correspondances , une transcendance vers une autre dimension mystérieuse perdue dans quelques limbes qu'il est bien ardu de vouloir définir (« ou va le blanc quand fond la neige ? »- dit magnifiquement Shakespeare et bien justement, cela pourrait être là...). Mais, ce peut être aussi, et à l'extrême, une approche de Rien, chère je crois à Kandinsky, ou bien encore de l'invisible.

Pour ma part, incorrigible, impénitent, définitivement « voyeur », je ne suis jamais parvenu à ces quintessences, à ces abstractions spirituelles : il me faut visualiser, me représenter des formes connues, des corps vivants (ou morts) à la silhouette reconnaissable, des objets du quotidien, des paysages, passés, à venir aimés, rêvés...

Devant cette toile en ma possession, qu'allais-je donc « voir », qu'allais-je recréer, qu'allais-je bâtir comme construction visuelle conforme à mes réalités, moi si mal à l'aise dans l'abstrait pur ?

Et bien, cela dépendait, en fait de la façon dont elle était disposée sur le mur où elle était placée : on pouvait s'y attendre ! Selon qu'elle était accrochée verticalement ou horizontalement, je n'en avais pas la même perception :

VERTICALEMENT,
je voyais apparaître, au bout de quelques temps, sortant du flou de mon imagination soudoyée par la création de l'artiste, un paysage de littoral, de plage, de grève, dans une sorte « sfumato » à la fois blanc et rose tandis que j'y discernais la mer un peu violine, surmontée par un ciel où l'on avait l'impression que le soleil se levait (ou se couchait?) bordant un littoral de sable lisse aux teinte roses, tachetées de quelques rares et discrètes flaques d'eau saphir ou aigue marine.
HORIZONTALEMENT ,
tout changeait ! Ce que je voyais ici (comme je l'ai déjà dit, « aveugle » à tout les autres sens) n'avait rien à voir avec la première évocation.
C'était une SILHOUETTE un peu figée (contrainte ?), peut-être fantasmagorique dans une sorte d «espace inquiet » : un homme (l'attitude « figée » dont je parle, éliminant incontestablement une femme qui aurait apporté une note beaucoup plus aérienne, plus gracile) vêtue d'un manteau ou plutôt d'une variété de raglan qu'on appelle, je crois, un « ulster », de couleur foncée tirant sur le violet, se détachant sur un fond évoquant un mur un peu lépreux de tonalité dominante blanc-cassé ou ivoire . Cette silhouette n'est pas intégrale : elle est amputée, en haut et en bas, approximativement à hauteur des épaules et des genoux, de telle sorte que l'on n'aperçoit ni les pieds ni, surtout la tête ce qui contribue, bien sûr, à cette inquiétude dont je parlais plus haut . Seule la manche de son bras droit (ou gauche ?) apparaît distinctement.

Voilà ! J'en était là : De l'importance des coordonnés dans l'espace, et au moins pour ce qui me concernait, comme un esthétisme de mots croisés :
Verticalement : une sérénité de plage au bout de la terre dans les premiers matins du monde !
Horizontalement : L'espion qui venait du froid !
Ce n'était tout de même pas la même chose : « Personne »pouvait-il m'aider ?

En attendant, quand au sens de la disposition du tableau, l'appartement où nous habitons devait régler, au moins pour l'immédiat, le problème de l'hésitation.

En effet, dans l'étroitesse des lieux et la disposition des meubles faisaient que la seule surface disponible pour accueillir le tableau ne permettait, sauf disproportion des perspectives, que le sens horizontal, au détriment du vertical : la « silhouette au manteau »l'emportait sur la « grève au soleil naissant », ce n'était pas notre préférée ! Alors, pendant quelques mois, nous en vîmes à alterner les positions, décrochant le tableau pour le disposer sur le plancher pendant quelques jours, afin de le contempler dans le sens de notre préférence : on peut le comprendre, c'était bien sûr un pis-aller.

Pourtant cette période me permit d'affiner mon interprétation des deux représentations. J'en revenais toujours à Ulysse, cela me convenait bien. Qu'on en juge.

-La grève où mer, ciel et sable se mélange dans le rose d'un soleil naissant ou mourant, devenait le rivage d'Ithaque que, de retour enfin ; il foulait à nouveau : Athéna : « Mais regarde avec moi le sol de ton Ithaque. La rade la voici... »

Ou bien
-La silhouette au manteau qu'on appelle Ulster c'était à l'évidence son avatar irlandais : Léopold Bloom, le personnage de Joyce, déambulant dans les rues de Dublin le 16 juin 1904. « Il arrivait près de Larry O'Rourke. Du soupirail de la cave, montait les effluves de la bière brune ».
Oui, c'était vraiment un pis aller que d'alterner ainsi : il fallait une solution, il fallait choisir.

Nous avons choisi.

Le premier tableau – et pour l'instant le seul – que j'ai acquis auprès de Gabriel Claude, n'est plus dans notre appartement : je l'ai décroché dur mur où il se trouvait .

Quant, à la mort de mon père, je me suis vu attribuer la maison du Croisic, juste en front de mer, nous nous sommes dit que là était sa place. Un mur entier lui fut dédié : nous pouvions le disposer comme nous le voulions. Là-bas il trouvait un théâtre à sa hauteur, j'allais dire à sa dimension. Nous choisîmes celle d«Ithaque ».

Il s'agit d'une toile accrochée face à la mer, l'une étant le miroir de l'autre, se contemplant mutuellement. Par beau temps, deux fois par jour, à l'aube et au crépuscule, elle se confondent totalement dans la teinte rosée et bleuâtre des éléments qui les composent. Cela dure une dizaine de minutes, et puis chacune reprend sa liberté jusqu'au soir ou au matin suivant.
Parfois des visiteurs amis viennent nous rejoindre. Presque tous, admiratifs de ce tableau, m'interrogent : - « Il n'est pas signé ! Vous connaissez l'artiste ? »

- « Oui, je dis oui ; il se fait appeler Gabriel Claude ; mais je crois que c'est un nom d'emprunt. Jugez plutôt : un prénom d'archange et un nom d'empereur ! Ce ne peut être qu'un surnom d'artiste !
Moi, j'aime bien qu'il s'appelle « Personne »!- « Tiens comme Ulysee dans l'Odyssée » dit presque toujours le poseur de question.
- « Je dis oui .»

Et puis l'autre interrogation:- « Vous dites que le tableau n'a pas de titre, mais vous, lui en donnez-vous un ? »
- « Oui, je dis oui : depuis longtemps ( depuis toujours) : je l'ai appelé :

« DANS SON BERCEAU DE BRUME, L'AURORE AUX DOIGTS DE ROSE... »

Nantes 2015
Dr. Pierre-Yves Touzeau

Artmajeur

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