Colombe ivre (2008) Painting by Abdelaziz Mouride

Il y a chez Abdelaziz Mouride une générosité intellectuelle qui fait de lui un écrivain-artiste à part. Son travail n’est pas une confection d’artifices ni une fiction bon marché, mais se soutient d’une expérience et d’une vision orientées vers l’accomplissement du deuil de la captivité. Ce sont en effet les dix ans d’incarcération qui l’ont initié, forcé, à une sorte de familiarité avec les ténèbres et les fantômes. Aussi il ne brade ni ne brandit la souffrance de la prison comme un calvaire, mais tente avec application d’en faire un matériau de créativité. A cet égard, il est l’un des rares prisonniers politiques peintres à faire de son corps une toile. Bédéiste, il épouse dans son album On affame bien les Rats ! ( Paris-Méditerranée) et le coiffeur, la déchéance imposée par les tortionnaires. C’est de ce vivier singulier que puise Abdelziz Mouride pour animer son univers et habiller ses fantômes ; des fantômes qui deviennent dans l’espace de la toile chair en lambeaux, fragments en dislocation. Par son travail, surtout le travail des couleurs et le burinage des formes, l’artiste rassemble avec amour et dans un geste rituel des plus subtils ces membres éclatés. Du dessin à la peinture et vice versa glisse la main de l’artiste pour doter les lignes évanescentes de formes, de couleurs et de rythmes. C’est ce que l’on appelle l’acte de créer, un acte restitué par peu d’artistes Marocains. Dans le présent travail, il s’attaque aux murs, thème on ne peut plus d’actualité puisqu’il renvoie à la limite, la frontière, l’emprisonnement etc…devant toute une population, notamment celle du Sud se dressent des murs visibles et invisibles. En Palestine, le peuple palestinien se voit encerclé par un mur de la honte. Où aller ? « Où fuir » s’interrogeait Tarik Ibn Ziyad ? Les murs d’Abdelaziz Mouride sont d’une autre échelle, d’une dimension différente. Ils enserrent le corps dans un geste kafkaïen, le rapetissent à souhait. Aller à la découverte de murs travaillés par le temps, c’est recouvrir cette mémoire de l’entre quatre murs. L’artiste en prélève pour les restituer avec force les craquelures, voire les fissures, la densité, les matériaux. Le mur devient ainsi éloquent, une dictée de la mémoire qui nous interpelle dans notre oubli confortable.
Paris- Maati kabbal (de l’Institut du Monde Arabe)

• Nationality: MOROCCO
• Date of birth : unknown date
• Artistic domains:
• Groups: Contemporary Moroccan Artists