Boyfred

POETIQUE DU COLLAGE

Réalité observée
dans la rue et sur papiers glacés, papiers couchés, papiers lisses ou grainés
papiers bruts ou apprêtés, abîmés, tachés ou froissés
papiers jetés, abandonnés
papiers qui ont vécu.

Je n’imprime pas tel ou tel motif, je prélève – dans le National Geographic, Archtectural Digest, Polka, Jésus… dans les poubelles aussi – je cherche, je regarde beaucoup
L’œil affûté comme à la chasse, mais il n’y a pas de sang versé
– Seulement le mien si la lame achoppe le bout de mon doigt –
Et la proie sur le papier collée est plus vivante d’une façon nouvelle
Et renouvelée par celui ou par celle qui la voit, elle devient un collage.

Quand un trou ou un relief dans la réalité survient,
Une chose cocasse, rieuse, impromptue par ses dissonances ou ses accords singuliers
– une musique, une scène, des mots –
Sa résonance soudain déflagre ce moment et fait sentir plus fort ce désir de le saisir.

Papiers découpés, papiers déchirés, je coupe et je découpe
Je montre les coups de ciseaux
J’assemble et je colle
Et des rebus je façonne des représentations nouvelles.

Mécanique singulière à défaire les images et à faire des collages
Comme des poèmes visuels ou des mélodies imagées
Avec des lettres, avec des mots, avec des chiffres aussi.

Parce que les images nous font et nous refont sans cesse,
Et parfois nous défont pour mieux nous faire
Les collages recomposent la réalité et mettent à nu la mécanique du regard.

De la dénudation à la nudité
Il y a des corps nus dans la végétation
Des corps recomposés, interrogés, façonnés selon le désir ou l’ironie
Comme dans certains collages où scènes de vie et réalités sont transformées
Pour exprimer ce qu’elles disent silencieusement de ridicule et de bêtise humaine
Parfois aussi de rêves ou de sourires malicieux.

Tous ces papiers collages s’exposent et s’imposent
Comme des espaces où briser les chaînes, crever les illusions et se rapailler.

Tous ces papiers collages s’exposent pour mettre le monde à l’envers
Et garder la tête à l’endroit.

Une mécanique du regard – Fred mandon