Ajouté le 8 avr. 2010
Youssef Satouri est un artiste peintre
qui vit en Italie à Agrigente.
Il a commencé
très jeune à exposer ses toiles, à Fès
alors qu'il avait à peine accédé à la Faculté de Dhar El Mehraz.
Sa carrière d'artiste l'a amené aux différentes
galeries nationales,
françaises,
espagnoles
et italiennes.
Il est actuellement en train de préparer sa contribution
à la Biennale de Venise de 2011. Entretien.
Libé : Quel regard portez-vous sur la scène des arts plastiques marocaine depuis l'Italie, pays où vous
vivez?
Youssef Satouri : Bien sûr, j'ai eu ma petite expérience dans mon pays. Elle représente mes repères de base
pour toute compréhension de cette scène qui n'a jamais cessé d'être riche culturellement et pauvre
matériellement. On ne peut s'empêcher de comparer, d'essayer d'établir des formes de différences et de
similitudes avec la scène locale, car la scène européenne s'est développée comme un grand émetteur en se
transformant d'abord en géant récepteur ! Et c'est la richesse de cette ''réception'' qui manque de
développement sérieux dans notre culture. Une réception a deux sens : l'autre culturellement indépendant et
nous culturellement dépendant. Car, on a l’impression d'une forme de cloisonnement qui se dégage de ce
libre arbitre qui doit concerner toute forme de création artistique, qui d'ailleurs n'a jamais cessé de se
développer malgré tout. On peut faire le constat avec Chaibia comme exemple, qui s'est formée en contact
avec la réalité marocaine mais s'est développée grâce à cette réception culturelle européenne ! C'est pour
cela qu'il nous est très difficile de mettre en place un vrai ministère de la Culture, des manifestations
culturelles authentiques qui ne cloisonnent pas nos ''traditions'' mais les mettent à nu sans aucune raison
d'avoir peur de l'Autre. La liberté est le principe absolu de toute création artistique. Dans le domaine de l'art,
il faut aborder tous les sujets sans pudeur et laisser le public porter son propre jugement.
Quelle influence ont les tendances artistiques italiennes sur votre style ?
J'essaye d'être ouvert à toutes les tendances, qu’elles soient européennes, africaines, américaines…. car ce
qui compte, c'est d'arriver à un résultat, celui de participer à la liberté de création et de la défendre sur le plan
culturel. Ce qui fait que devant les tendances italiennes, je me sens plus africain par des formes arabes pour
les mouvements et méditerranéen pour les couleurs.
De quelle tendance êtes-vous le plus proche en matière d'art plastique ?
J'essaye d'être plus proche de l'art moderne, car j'ai la sensation d'indépendance et de faire tout ce que je
veux et ce que je peux.
Vos toiles sont pleines de corps féminins dans leur abstraction la plus large, comment expliquez-vous ce
choix artistique ?
D'abord au niveau de la forme, le corps féminin représente l'extase dans la conception culturelle masculine.
Au niveau mouvement, c'est la représentation la plus parfaite de l'homme. Concernant la couleur c'est plus
complexe. A mon avis, c'est la couleur de notre culture arabe, dans laquelle on est toujours en conflit infini
pour la quête de la liberté. Ainsi j'y suis motivé par le symbole parfait, le plus complexe de notre liberté
culturelle. Dès qu'on représente le corps de la femme sur la scène, on se situe déjà dans le conflit. Sur la
scène européenne, c'est une forme de confirmation, mais au niveau arabe en général, c'est une forme
d'engagement.
Arrivez-vous déjà à vous situer sur la scène artistique italienne ?
Ce qui rend la création artistique plus excitante, c'est qu'elle est une aventure très hasardeuse et à haut
risque personnel. Il faut un certain temps pour se placer sur la scène, malheureusement il n'y a pas que le
facteur de la création, il y en a d'autres, et dès lors qu'on est étranger, ça se complique un peu plus… On
n'arrive pas à se faire une place au soleil facilement.
Quelle philosophie traduit votre vision sur l'art en général ?
Ma philosophie est très simple : c'est être à la hauteur de ce qui se passe, c'est-à-dire faire partie de ceux
qui participent à l'événement et non ceux qui contemplent le fait. Pour cela je devrais acquérir les moyens et
croire à « l'absolu relatif et au relatif absolu ». C'est ma devise philosophique, ma formule qui caractérise le
sens même de la vie.