Source (2014) Peinture par Sylvain Clercant

« Est beau ce qui plait sans concept », cette affirmation de Kant guide mon appréciation des productions artistiques et oriente mes choix, mes goûts éclectiques au delà de tout cloisonnement, opposition, manichéisme, me permettant de goûter aussi bien à l’abstraction qu’au figuratif. La grammaire plastique, la sémiurgie totale des signifiants (Baudrillard), l’expression des idées et affects en nous surprenant sans cesse dépassent souvent la raideur du concept qui, suivi à la lettre, peut s’avérer frustrant. Aussi pour en venir à mon travail, je laisse souvent une part au hasard à l’étonnement à l’interprétation, parfois aussi piégé par l’éternel retour du concept, de la grille de lecture, de la carte, du lisible, de la répétition… J’essaye alors pour préserver la sérendipité, l’adventice, l’inattendu, d’instaurer un équilibre, au moins une dialectique entre ces tendances… J’essayerais de faire suivre cette appétence pour la recherche du surprenant, de l’étonnant, du débridé, de l’inattendu, du parfois chaotique, par cette presque performative injonction rabelaisienne du « Fais ce que voudra » (Gargantua) qui ouvre les appétits de la renaissance… Au delà de ces appétits très classiques, un philosophe en particulier à retenu mon attention, Nietzsche, avec un livre qui m’a beaucoup impressionné, « La naissance de la tragédie ».
En effet j’y reconnu, jeune artiste, l’angoisse, le tiraillement, la dichotomie, entre les forces de vie parfois indomptées, instinctives, chaotiques, névrotiques, qui s’affrontent dans les pulsions de créer, une certaine « ivresse », ce que Nietzsche nomme le dionysiaque opposé à l’ordre, la béatitude de la contemplation de l’image qui unifie le disparates dans l’harmonie, « l’apollinien ».
Dès lors il me semble primordial d’accéder, au delà des « névroses » qui viennent s’affronter, par delà les différentes instances de l’hydre créative, à l’ordre du contemplatif.
Cela parfois même grâce, pourquoi pas, au « chiffre du chaos » dont la grâce justement me semble être la lecture de ce « chiffre » comme une contemplation. Déchiffrer voilà une clef !
Cette propension à l’interprétation positive du chaos n’est pas sans rappeler aussi les démarches d’organisation de la complexité que l’on retrouve dans les mandalas, l’ordonnancement de l’inconscient. Elle peut-être la recherche d’archétype pour faire échos à un autre philosophe, Jung. La somme de ces intérêts pour les conceptions précédentes participe donc à l’articulation des quelques concepts qui malgré tout tendent à donner un sens à la sémiurgie primitive de ce travail.
D’autres lectures ont façonnées, bien sûr, cet intérêt pour ordonner cette profusion des signes presque machinale, organique, souvent. Des formules talisman émergent de ces lectures qui peuvent, pourquoi pas, s’accorder avec des mouvements artistiques. Me les rendant parfois accessible à postériori selon une logique qui m’est particulière et peut-être contestable, hors étiquette. Je prends par exemple la célèbre formule de Marshall Mc Luhan « le média est le message » tirée de son ouvrage « Pour comprendre les médias » que j’associe volontiers au mouvement support surface…
Quelques lectures de Jean Baudrillard, Gilles Lipovetsky, Guy Debord, Roland Barthes ont beaucoup contribué également à l’élaboration d’un début de piste pour dompter la jungle des signes!

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