Ajouté le 6 nov. 2007
Dans ces quelques mots, j’essaye de trouver un sens à ma démarche autour du nu. J’ai parfois observé les attitudes du public dans mes expositions, entendu des remarques plus ou moins éloquentes, et constaté l’énorme contraste des comportements…
Je ne vais pas enfoncer de portes ouvertes très longtemps, mais il y a pourtant tellement d’évidences qui ont l’air si difficiles à envisager, semble-t-il. Je ne peux pas retenir ces réflexions…
La nudité n’est il pas un sujet abordé depuis des siècles dans l’Art ?
Comment cela peut-il encore choquer, par exemple ? Au nom de quelle morale, ou de quel féminisme préfabriqué ?
La nudité n’est elle permise que sous la couverture de la création artistique ?
Oui c’est l’Art, ce pauvre prétexte qui donne son autorisation au déshabillage des corps…C’est déjà ça de pris ! Pardonnez mon ironie.
L’Art n’est-il pas expression avant tout ? L’artiste qui met en œuvre son travail, le fait il par hasard ? Le montre-il sans intentions ?
Mes images ne sont pas provocantes parait-il, j’aimerais que ces mots le soient…Qu’ils choquent certains esprits, pour leur révéler enfin la mesure de leur médiocrité.
Sujet tabou… La pudeur empêche la nudité…
Mais c’est bien ma pudeur qui a déshabillé ces femmes, c’est un regard timide qui a construit des images autour de leur corps, c’est grâce à cette discrétion d’âme qu’elles se sont offertes à mes yeux…
C’est une leçon d’intelligence sensible.
Une preuve d’humilité…
Un début qui recommence à chaque fois.
Un secret révélé à sa solitude…
Une intimité dévoilée à la lumière.
Une respectable sensualité…
Une modestie qui s’affiche et s’affirme…
La sincérité qui se partage, comme un bas-les-masques !
Le don qui s’échange.
Une multitude de paradoxes tellement logiques !
Une subjectivité libérée…
Photographier le nu n’est pas un art si l’on se contente d’être objectif…Et le nu artistique devient l’expression d’un acte subjectivement pudique.
La représentation des femmes nues dans l’art est-elle l’abreuvoir de la misogynie ?
Je réalise avec bonheur que les femmes sont très nombreuses à aimer mon travail, et à le dire…
Je désespère presque de trouver un homme qui me suive dans mes projets à venir…
En général, la femme cherche à se confronter à elle-même, elle se découvre surtout elle-même lorsqu’elle décide de poser nue. C’est une démarche d’acceptation, et elles se trouvent toujours « belles » une fois qu’elles se sont reconnues…
L’homme lui, a sans doute très peur de ne pas se trouver « beau », il préfère renoncer à affronter sa propre image…
Les nus féminins démontrent alors la faiblesse de l’homme…
La femme qui se voit nue, découvre sa vérité, abat les règles qui l’avaient complexée, devient encore plus forte… mythiquement belle.
La féminité est un des souffles qui donne vie et valeur à l’humanité… Peu d’hommes auront cette chance.
Les images que j’aime montrer sont féministes !
L’honneur est presque sauf si on conditionne le nu artistique à ne pas être érotique…
Une fois encore je souligne les confusions d’un vocabulaire approximatif, où l’érotisme souffre du raccourci de la pensée vers la pornographie…et l’absence de morale.
Un nu est toujours source d’érotisme, c’est une des premières émotions ressenties par chacun, aussi discrètement cela puisse-t-il être, une attirance ou un rejet. Et ces sentiments existent dans tous nos regards, même sur des corps vêtus.
L’érotisme est une émotion, il n’est pas honteux de le reconnaître. La pornographie n’est finalement qu’un thème.
Le déshonneur le plus évident ne serait-il pas plutôt la vulgarité ?
Celle qui consiste à délaisser l’individualisme, l’originalité, l’intelligence, et le respect de soi, au profit de la facilité, et d’émotion plus matérialistes, si l’on peut encore appeler cela des émotions…
Cette vulgarité là est indécente, et l’érotisme assumé est un affranchissement qu’elle ne saurait s’offrir.
La représentation du nu se moque des bonnes mœurs…
Il n’y a pas de vice dans la chose regardée, celui là vient du regard lui-même, cette première phrase est trop convenue pour être un argument valable.
Le nu est avant tout présentation de l’humain dans son apparence physique naturelle, en opposition avec son existence sociale et culturelle qui lui a imposé l’habit. A nous de lui donner son sens, en le montrant comme en l’observant.
Ce n’est qu’une question d’interprétation… l’image vient à notre rétine, transite par un chemin simple jusqu’à notre cerveau, c’est, plutôt concret. Ensuite on ne sait pas toujours ce qu’elle peut devenir… Elle se disperse dans nos hémisphères, devient message chimique, électrique, elle subit l’interprétation. Enfin, il est possible qu’elle provoque une réaction, c’est un sentiment, une émotion, elle s’exporte dans le reste du corps, une première victoire pour l’image. La seconde est de s’installer parfois dans notre mémoire…
Mais l’homme n’a pas pu s’abstenir de classer ces émotions en principes, de juger leur conformité aux règles inventées par lui.
Les cultures font de nous les hommes que nous sommes, mais nous en sommes à l’origine. Nous avons transformé nos instincts et nos impulsions en moralité et devoir, et plus nous avançons plus nous nous en écartons, c’est l’ambiguïté du devenir social de l’humanité, qui ne s’assume même plus.
La morale énonce ses règles, renforce les interdits… et les hommes les brisent, puis essayent de se faire pardonner par leurs maîtres. Les cultures du monde cherchent à s’imposer les unes aux autres, et déchirent les peuples, détruisent des vies.
L’homme dans son état de nature paraît finalement plus humble, fragile et sincère… Un rustre qui a tout mon respect et mon admiration.
L’homme moderne, le social, ne serait-il pas simplement victime de frustrations qu’il aurait lui-même provoqué ? Plus il revendique sa liberté, plus il s’en éloigne en imposant des règles et des références, au nom de la liberté même. A trop croire réfléchir, et cultiver un savoir de surface, il est devenu incohérent, intolérant, et incapable d’une authentique intelligence, intuitive, rationnelle et sensible.
Le nu est un symbole à dimension socialement variable
J’écris en réalisant le nombre des ces individus qui se croient libres, mais qui ne peuvent entrer simplement dans un univers artistique…sans chercher des pourquoi, sans essayer d’identifier les sujets, sans s’identifier eux même juste avant de se sentir gênés et se détourner…sans se contenter d’esthétique, et d’émotion pure, sans laisser de coté les préjugés, et les règles dictées par leur éducation.
Je réalise ma chance, comme un pouvoir que j’exerce sur moi-même, et qui me rend heureux. Je ne la dois qu’à moi-même, sans rien attendre du hasard.
Le nu dans tout art provoque une attirance honteuse, un évitement lourd de regrets pour ceux qui n’ont pas eu le courage de reconnaître la vérité, leur vérité, la vérité nue…
La seule vérité que je leur laisse est celle de leurs leurres avec leurs incroyables censures !
Une sorte de clientélisme intellectuel sévit au dépend de l’affirmation de soi… des codes vénaux pèsent sur la pensée originale, et créent un art vulgaire, qui a, semble t’il, l’avantage de se répandre sans effort.
C’est sur ces réflexions que je m’explique ce goût pour l’art du nu, car c’est bien pour me défendre de l’hypocrisie des regards qui m’entourent que je m’exprime ainsi. Pour me protéger contre l’aliénation des codes sociaux, et élever mon esprit vers une culture sans leurres, plus autonome.
En quête d’absolu, la nudité ainsi montrée devient un symbole combiné de vérité et de liberté. Un art sans doute païen… peut-être incorrect… mais un salut.
A mon tour, je me dénude…
Dans l’acte artistique je me mets à nu également, pour livrer aux autres la vérité sur ma personne… En offrant les images nées de mon regard et construites avec mon esprit, c’est bien de mon âme entièrement nue qu’il est question.
Cette réflexion vaut sans doute pour beaucoup d’artistes.
C’est une envie d’esthétique, le recul permis à la réflexion, et le plaisir, qui ne font que nous nourrir. C’est un besoin de communication qui nous pousse…
C’est un fantasme de possession qui s’anime, commun à beaucoup de photographes, trop souvent inavoué... Saisir un instant l’image d’une personne, c’est lui prendre une partie d’elle.
S’emparer de sa personnalité en révélant son expression, et la priver de son corps en la couchant sur la surface de papier.
Cette possession si elle est consentie, devient belle, car elle se retourne contre son auteur.
L’un se voit au travers du regard du photographe, et au photographe d’être dépendant des ondes visuelles que son sujet lui offre… C’est un pouvoir mutuel justement partagé, qui devient moteur de création.
Cette possession est un acte consensuel de don, au service de l’ego de chacun, ce que j’avais appelé un jour « l’égoïsme généreux ».
Le nu évolue aussi dans l’art grâce à la photographie, le corps qui servait de modèle est devenu sujet… Il est dorénavant la matière brute… en réagissant avec la lumière il est l’œuvre instantanée… la photographie en apporte juste une preuve.
Je joue avec l’union de la lumière et des formes, et je démontre que les ombres n’existeraient pas sans elles, et que la belle image est une simple combinaison de tout cela.
Je ne m’égare pas, c’était une manière d’évoquer la complexité d’une démarche artistique, et d’inviter les esprits à aborder l’image du nu avec différents regards, de les analyser, et de tous les accepter pour l’art.
Franck Olivas