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Sidi Mohammed Mansouri Idrissi

Retour à la liste Ajouté le 25 mars 2008

Un lever de voiles, un appel d’Air…

« Je travaille tôt, pour pouvoir juger ma création, voir si elle mérite de vivre jusqu’au soir »
Jean –Michel Folon

Parmi nos grands artistes, il existe des peintres qui créent des œuvres remarquables, qui vivent dans l’amour de leur art, et qui travaillent sans relâche, faisant sans cesse évoluer leur univers par une constante recherche esthétique, intellectuelle et spirituelle…nous ne parlons donc pas de ces « maîtres » qui pavanent dans les salons et ne font que reproduire en variant les couleurs ce qui un jour, il y a loin déjà, leur donna le statut de gloire locale…. Vous chercher à voir Mansouri, vous voulez toucher du doigt sa peinture ? Rien de plus facile, vous le trouverez dans son atelier ! Comme Jean –Michel Folon, qui à Monaco me disait « je travaille tôt, pour pouvoir juger ma création, voir si elle mérite de vivre jusqu’au soir »…
Sidi Mohammed Mansouri Idrissi, c’est l’exemple du peintre né pour peindre, il concentre sans le vouloir, naturellement, les images classiques que l’on a de l’artiste véritable : une vie sociale et familiale riches, une régularité dans le travail quotidien, une recherche permanente de la transcendance par le débat avec des artistes de tous les horizons, avec des hommes de bonne spiritualité et de cultures variées…
Comme un alchimiste d’expérience, chaque matin il passe de l’Oratoire au Laboratoire, sa préparation est une sorte de rituel magique, il allume les spots, met sa blouse de travail, boit une gorgée de café, et fait étrangement le tour de la pièce du regard, comme pour dire : « il va se passer quelque chose, attention, il faut se préparer à vivre une autre naissance, un miracle de plus, extérieur à moi, mais passant par moi… »…l’environnement est comme sacralisé, l’espace est purifié, soumis à l’esprit de l’Art…. les plus rationalistes diront « mis sous contrôle »…ils ne savent pas les pauvres, combien il y a de fantastique dans la peinture de Mansouri . Je discutais un jour avec Pierre Restany, grand critique d’art et écrivain décédé il y a quelques années, qui m’expliquait que quand, dans une œuvre abstraite chacun découvrait non seulement des formes, mais voyait aussi les couleurs différemment, c’est que l’artiste avait réussi à nous faire entrevoir quelques parcelles d’un autre monde... et qu’ainsi, le peintre accédait également au statut de magicien…Alors, vous qui posez le yeux sur une toile de Mansouri, sachez qu’il vient de finir une recherche sur la pensée de Saint François d’Assise et sa correspondance spirituelle avec Ibn ‘Arabi…L’expérience mystique personnelle, le voyage de l’âme, les visions, la peinture de Mansouri est riche de tout l’univers soufi, et le rythme qu’on y trouve est celui que Mawlana ressentait comme une preuve de la présence divine dans la danse des derviches…
Tout se transforme, dit-on souvent, et cela doit être encore plus vrai pour l’art né de l’homme… la force du « Corpus », style et mouvement inventés par Mansouri, c’est qu’il mute sans se cloner, et que tel un père pour son fils, Mansouri nourrit et élève son art en puisant au cœur des cultures, ne gardant que le meilleur du beau et du spirituel, pour notre plaisir, notre éducation , et on l’oublie trop souvent, la richesse et la force du patrimoine artistique de notre pays…/.
…Je viens de passer quelques heures dans l’atelier de Sidi Mohammed… étions-nous seulement deux ou accompagnés d’invisibles âmes inspiratrices ?
Voici ce qu’en rentrant chez moi j’ai écrit :

« … de la théorie des Nuages … « l’Air »
Dans sa « Théorie des Nuages » développée par F. El Meknassi dans le livre « Dits dans l’atelier du peintre », Mansouri annonce d’emblée : « le tableau a 4 côtés, comme le monde fait de 4 éléments : Terre, Eau , Feu, Air. Ces 4 sont QUATRE ET pourtant UN ».
Et Mansouri, de passer de longues heures sur sa terrasse, à observer le ciel et son mouvement perpétuel… Les nuages faisant partie du grand cycle de la Nature, le Coran précise que c’est « Dieu lui-même qui nous fait voir l’éclair, source de crainte et d’espérance, et qui fait naître les nuages lourds… ».
Si-Mohamed Mansouri a donc légitimement et au travers du filtre soufi pu développer une vision artistique et spirituelle de l’élément « Air » et de ses variantes. Peintre créateur, vivant et contemporain, en harmonie avec son monde quotidien et sa sensibilité profonde, il projette ainsi sur ses toiles un flot d’éléments sacrés et réels, qui nous touche et nous interpelle au premier regard.
Une touche du pinceau fait apparaître du rouge sous un voile bleuté ? C’est l’évidence mystérieuse de la fumigation, le benjoin (djaoui) qu’on brûle aux portes du sanctuaire maraboutique. Une étincelle jaune d’or aux pieds d’une ombre violine ? C’est là aussi l’encens (bkhour) au parfum d’Aloès et d’Oliban qui crépite en chassant les démons entre les antiques racines de « l’Arbre du Monde », cher à Ibn Arabi.
Ici, le mot « inspiration » est à prendre dans sa dimension plurielle. Il est l’air que l’on respire et que son voyage au centre de l’être transforme en « souffle » riche de mystères (ou miracles ?) et que l’artiste nous renvoie traduit en œuvre peinte.
Mais à un autre niveau d’interprétation, d’autres images simples nous sont accessibles : les brumes matinales à l’embouchure d’un oued proche, les vapeurs d’un Hammam accrochées au toits d’une Medina, ou la fumée douce d’un four à pain au détour d’une ruelle ; pourquoi pas ? Tout participe de la présence immuable de l’Air.
Ainsi, l’artiste peintre Mansouri nous donne une leçon de liberté, car en effet libre à nous, selon notre vouloir ou notre imagination, de voyager enveloppés de symboles jusqu’à la Divinité, ou d’accepter en couleurs la simple représentation de notre univers quotidien.
Alors bien-sûr, Mansouri est aujourd’hui un artiste reconnu, récompensé par plusieurs Académies étrangères et aimé dans notre pays, mais il est un des rares créateurs plastiques marocains à faire naturellement évoluer son art, sans modifier son style. Muer sans Muter, c’est dans l’ordre de la Nature, et dans le sens de l’épanouissement.
Mansouri nous pousse au contact de l’air, comme pour nous mieux pénétrer du bonheur de la vie elle-même, sur la Terre et au Ciel…
Comme il existe des Cycles obligés dans l’Evolution des Mondes, Mansouri nous donne à contempler les beautés et les mystères de sa création, vraie quête du meilleur, pour notre propre devenir, ici comme dans cet Ailleurs qu’il semble si bien révéler par la danse Soufique du bout de ses pinceaux.
Un lever de voiles, un appel d’Air… »
ERIC DESTOBBELEIRE
Critique d’art

Artmajeur

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