Lieux incertains V (2025) Incisioni, stampe da Lionel Morateur

Estampe numérique sur toile, livrée chassis démonté.

« Lieux incertains » plonge le spectateur dans une atmosphère de mystère et de vertige métaphysique, incarnée par une architecture fantastique et presque cauchemardesque. Cette œuvre oue sur les notions d’instabilité, de doute, de seuil, en proposant un espace qui défie notre perception.

La première chose qui frappe est la monumentalité labyrinthique de la structure. Des escaliers monumentaux surgissent, s’élèvent selon des angles inattendus, pour donner naissance a des portiques massifs qui paraissent suspendus entre deux mondes. L’architecture ici n’a rien de rationnel ; elle évoque tout à la fois Piranèse et Escher, maîtres de l’espace impossible. Cet enchevêtrement de marches et de volumes dresse le portrait d’un lieu sans logique, où chaque montée semble promesse d’un abîme.

La lumière joue un rôle crucial dans la composition. Un halo spectral perce la voûte des nuages, créant un violent contraste avec l’obscurité tenace des profondeurs. Cette lumière, blanche et froide, n’éclaire pas tant qu’elle révèle le vide : elle nimbe les pierres, fait luire les arêtes, dessine des ombres acérées, mais ne guide pas vraiment, accentuant la confusion topographique du spectateur. Les vapeurs et les brumes ajoutent un voile d’incertitude supplémentaire. Ici, le ciel tourmenté semble entrer en résonance directe avec la matière de l’édifice : tout est trouble, mouvance, hésitation entre destruction et apparition.

L’humanité n’est pas exclue de cette scène, mais elle apparaît bien fragile et marginale. Des silhouettes indistinctes, assises dans la pénombre du bas de l’image, regardent vers les hauteurs avec une forme d’effroi ou de recueillement : témoins impuissants d’un monde qui leur échappe, ou pèlerins d’une épreuve initiatique ? Plus haut, un personnage isolé gravissant les escaliers accentue la question du sens : doit-on lire cette ascension comme une quête de vérité ou l’ultime illusion d’un chemin vers l’inconnu ? Ces figures ajoutent à la tension dramatique du lieu, les ramenant à leur condition d’êtres vulnérables face à l’infini et l’inexpliqué.

La touche marie des empâtements expressifs, presque orageux, pour les masses nuageuses et les ombres, à la minéralité sèche et précise des structures. Cette opposition matière/formalité renforce l’impression de lutte entre l’ordre et le chaos, entre l’homme et un cosmos inhospitalier. Les couleurs, restreintes à une gamme de gris, blancs crayeux et bruns funèbres, servent le propos : elles excluent toute chaleur, tout espoir de refuge.

Sur le plan symbolique, « Lieux incertains » propose une réflexion sur la condition humaine. L’escalier, traditionnellement associé à l’élévation ou à la progression, se trouve ici perverti : il ne mène jamais vers une destination claire, mais invite au doute et à l’angoisse existentielle. L’œuvre devient ainsi méditation sur l’incertitude fondamentale de nos parcours, la solitude de nos tentatives d’ascension, l’épreuve intérieure de la quête de sens.

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