inferno II (2025) Incisioni, stampe da Lionel Morateur

Edition originale limitée à 30 exemplaires numérotés et signés. Estampe numérique sur Arches 640g - grain satiné, format 56x76, blanc tournant, papier bord frangé. Marge blanche tournante de 4cm. Neuf / jamais encadré

« Inferno » frappe immédiatement le spectateur par sa puissance visuelle et l’ambiguïté de ses formes. Le spectre chromatique, résolument monochrome, marque une prédominance du noir et du gris, ce qui accentue l’atmosphère sombre et infernale, fidèle à la suggestion du titre. La lumière, rare et dirigée, vient frapper la masse centrale, sculptant vigoureusement les volumes dans un clair-obscur dramatique, évoquant les tourments de l’enfer.

Au cœur de la composition siège une créature hybride, torturée, à la fois organique et mécanique. Son torse, humanoïde, évoque la vulnérabilité de la chair, mais la posture voûtée et le dos déchiré laissent entrevoir une souffrance quasi mythologique. De cette figure émergent, ou peut-être l’entravent, des appendices sinueux rappelant d’immenses tentacules. Ils envahissent l’espace, tourbillonnant autour du corps principal comme s’ils cherchaient à le posséder ou à l’arracher à lui-même. L’on ne saurait dire avec certitude s’il s’agit d’une transformation ou d’une agression, tant l’ambiguïté morphologique est savamment entretenue.

La partie inférieure ancre solidement la créature au sol — ses jambes semblent emmurées ou figées dans la pierre, accentuant l’idée de damnation, de stagnation éternelle. Autour, le sol luit, luisance froide et acide, peut-être de quelque fluide inconnu, ruisselant, renforçant la sensation d’un lieu hors du monde, à mi-chemin entre la réalité et le cauchemar.

Le fond, indistinct et saturé d’obscurité, laisse émerger quelques structures indistinctes, évoquant à la fois la ruine architecturale et la machinerie démente. Cela contribue à l’aspect chaotique, comme si l’artiste avait cherché à représenter un univers où se mêlent les restes d’une humanité passée et les germes d’une nature hostile et extraterrestre. L’intrication du biologique et du mécanique, du tangible et du spectral, fait écho à des visions tout droit sorties du romantisme noir ou des cauchemars de H.R. Giger.

Sur le plan symbolique, « Inferno » semble traiter de la lutte intérieure, de la déchéance de la chair, du destin inévitable, mais aussi du renouvellement possible dans la souffrance. Il s’agit d’une plongée en apnée dans les limbes de l’angoisse humaine, où la monstruosité du corps devient le miroir de la monstruosité de l’âme. La complexité des formes, tour à tour repoussantes et fascinantes, invite le spectateur à une contemplation troublée, oscillant entre fascination et malaise.

En somme, cette œuvre se distingue tant par sa maîtrise technique — usage virtuose du clair-obscur, précision dans le rendu des textures — que par sa profondeur iconographique. Elle s’inscrit dans la lignée des grandes représentations de l’enfer, capables de heurter autant que de captiver, tout en modernisant le genre par une hybridation audacieuse du corps et de la machine, de l’humain et de l’abîme. Une véritable descente aux enfers, où l’art transcende la simple illustration pour atteindre la puissance du mythe.

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