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Agnan Kroichvili

Retour à la liste Ajouté le 9 nov. 2020

CHEMIN DE CROIX, CHEMIN DE CHOIX

Lentilly, France

samedi 3 octobre 2020
dimanche 11 octobre 2020

img-20201009-0001.jpgCHEMIN DE CROIX, CHEMIN DE CHOIX                          07/10/2020

 

Les coïncidences, l’écho ainsi danse et en cette période des Covids  d’écho vide, et pourtant c’est si dense ce silence.

 

Qu’en est-il ? Des résonnances et des raisonnements, analyse du geste et du fait, une nouvelle exposition ou comment se construit la pensée dans l’action,  le lien avec le lieu et le sens de lecture qui s’impose au-delà du sens de circulation, celui du chemin de croix, un chemin de choix en temps de distanciation et de mesure sanitaire. Comme me le disait récemment un ami de surcroit président de l’association des amis d’Agnan Kroichvili pour ne pas le nommer Qui choisit qui ?

 

LE PEINTRE OU LE LIEU

 

Une invitation à participer à cette cinquième « Faites de l’Art » à Lentilly (Rhône) le thème «  le jeu »,

Un lieu proposé : l’église à partager, un face à face de part et d’autre de la nef dans les allées collatérales qui à vrai dire ne m’enchantait guère d’autant que je venais de le refuser pour un autre lieu. Lors de la première réunion après avoir fait part de mon souhait de bénéficier de l’espace dans son intégralité au vu de la prégnance des vitraux déjà bien présents pour une cohabitation picturale, la première idée qui me vint est celle d’une litre funéraire, un bandeau gris en opposition à hauteur des yeux scindant l’espace en deux dans la hauteur, neutralisant la ronde des saints, un clin d’œil au béton gris du couvent de la Tourette, si proche, œuvre de Le Corbusier, un premier lien possible. Nous en étions là, il me restait à confirmer ma connaissance du père auxiliaire de cet église Saint-Laurent, le père Jean Roux pour le nommer, celui de mes premiers pas du retour à la foi, celui qui baptisa mes enfants, il y a presque trente ans, celui qui le premier accueillit ma peinture pour une messe de noël des enfants, une crèche, l’éveil à la foi des petits, qui en ce temps me parla déjà du Révérend Père Marie Alain COUTURIER, dominicain, artiste et théoricien de l’art, un autre lien puisque c’est lui qui en 1952, propose à Le Corbusier de construire ce nouveau couvent celui de la Tourette cherchant à réconcilier l’art vivant et l’Église, dénonçant l’ignorance de l’Église à l’égard des artistes ! un second lien.

 

Puis l’été a passé dans l’attente de cette rentrée, avec toujours ce questionnement du sens. Je savais le chemin de croix détaché, les toiles de grand format souhaitées devaient suivre ce rythme, par expérience déjà pour l’exposition de Bathernay en   2012, les toiles d’après les dalles funéraires adoptèrent cette mesure, intercalées de petites bandes de toile grise évoquant la litre funéraire en partie disparue peinte au moment du décès du seigneur du lieu. C’est dans ce cadre de la manifestation « L’art et la matière » que depuis je sillonne les sites avec un ancrage par rapport à l’histoire du lieu, un point d’ancrage qui débuta en 2009 avec l’anniversaire de la fondation de Cluny, sur les sites de Baume-les-Messieurs et Gigny-sur-Suran puisque de là partirent l’abbé Bernon et douze moines pour fonder ce monastère. Qu’en était-il pour Lentilly, une église récente construite en 1856 qui prit place aux côtés d’une église plus ancienne dont il ne reste que les vestiges des fonds baptismaux mais pas de trace ni de dalle funéraire, ni d’inscription dédicatoire ou obituaire, une église paroissiale avec aucun rattachement à Cluny et son ordre, le seul point commun ce Y final, commun à Cluny et Lentilly, ce Y si proche de la lettre Ψ (psi) 23ème lettre de l’alphabet grec, l’âme en attente ou la lumière.

 

 

 

 

 

Au début de cet hiver des relevés de deux dalles à l’abbaye de Montmajour et à Tarascon m’amenèrent également à faire des relevés de graffitis marins sur les murs du prieuré de Manthes, (Drôme) site clunisien, une façon de prendre le large, la crise sanitaire nous était alors encore inconnue. Il  fallait bien jeter l’ancre, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine, les deux toiles furent accrochées avec à leurs côtés deux autres de «  la présence absente ».

 

« LA PRÉSENCE ABSENTE ».

 

C’est sans doute cette action qui m’amena à réitérer ce geste en regard des vitraux de Saint André, Saint Étienne, Saint Benoit fondateur des bénédictins nous reliant alors à Cluny puis Saint Laurent, patron de l’église,  pour la nef latérale gauche, six toiles de la présence absente avec leur parallèle dans le latéral opposé sous les Saintes Madeleine, Catherine, Philomène et Anne. Douze toiles évoquant aussi les douze apôtres des chapiteaux participant ainsi à cette dynamique du lieu. Sous Saint Joseph à l’emplacement de la première station du chemin de croix, « vers d’autres cieux » une grande toile annonciatrice et prémices   de cette forme retenue dans la  « Présence absente ». À l’opposé sous la Sainte vierge la toile d’après la  dalle funéraire de Jean de Corrorbert relevée à l’abbaye Saint-Claude introduction au travail plus récent sur ce type de mobilier que l’on retrouve avec d’autres productions dans l’espace baptismal avec Kalo de Saux, Pierre Thézat et Guillaume Crespin capitaine du château de Tarascon.

 

Accrochés à la tribune, les douze apôtres et le christ en gloire fresque sur papier kraft de 2007  et « ils ne sont pas là où on les attend » prolongement de « vers d’autres cieux » et juste en dessous l’alpha et l’oméga, le début et la fin, deux toiles que j’avais à cœur d’exposer et qui trouvent toute leur résonnance, leur ancrage dans ce lieu avec le cheminement proposé par l’architecte, des huit tommettes gravées au sol dans l’allée centrale nous retiendrons celle de la  lettre Ψ si proche du Y celle du « Je suis » et à la même hauteur l’alpha et l’oméga nous renvoyant un signe par leur présence, un signe peu perceptible mais justifiant à nos yeux le lien, d’autant que le « je suis » nous renvoie à un travail sur le thème de l’autre avec le « je suis un autre » nous rappelant le « je est un autre » de Rimbaud mais aussi le « Je suis Charlie ». Rappelons que ce sont les petits bonhommes exposés dans le sas d’entrée qui nous ont conduit sur ces différents temps, le temps du passage à l’an 2000 puisqu’ils furent 2000,  2000 figures de papier kraft suspendues à des ficelles, qu’ils furent aussi 1200 reconstituant les deux tours  Du World Trade Center avec l’exposition « Ce qui reste d’humanité » nous étions alors en décembre 2001. Ce furent ces mêmes bonshommes que l’on retrouve aujourd’hui  à l’abbaye de Baume-les-Messieurs (Jura) symbolisant la date de fondation de l’abbaye de Cluny un 11 septembre 909 ou 910, il y a 1111 ans. Les voilà dans cette série « pages détachées » comme arrachées d’un livre, un détachement nécessaire pour pouvoir vivre, un détachement de ce qui fut un temps encré à l’encre de chine.

 

Une pensée attristée pour fr. Martin Hillairet qui nous accueillit si chaleureusement à l'espace Agora tête d'or pour "visages d'hommes" en 1991, je voulais lui annoncer mon exposition à l'église de Lentilly, "chemin de croix, chemin de choix" il aurait apprécié me savoir encore en chemin lui qui nous a quittés le 19 septembre de cette année, lui qui avait fait sa profession solennelle au couvent de la Tourette et qui fut  responsable du Centre Albert le Grand à Éveux.

 

Nous aurions pu baptiser cette exposition « Dédalenomad »  au regard de l’exposition LE MURAL-NOMADE  du couvent de par cette phrase de LE CORBUSIER  « J’ai baptisé mes tapisseries du terme “ Muralnomad “, ce qui signifie que ce sont des œuvres éminemment murales mais qu’on peut décrocher et rouler sous le bras quand on veut les changer de place ou de maison. » , il en est de même pour ces toiles.

 

 

                                                                                                                              

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