Ajouté le 3 juil. 2025
L’ornement a traversé les âges. Il était là bien avant les musées, les traités, les catégories.
Il a orné les corps, les seuils, les objets rituels. Il a accompagné l’humanité dans ses gestes les plus quotidiens comme dans ses quêtes les plus sacrées. Et pourtant, il reste mal aimé.
On l’accuse d’être accessoire, décoratif, superficiel.
Comme si le motif, dès qu’il se répète, cessait d’être art.
Ma pratique s’inscrit à rebours de ce malentendu.
Je compose des œuvres qui ne racontent pas : elles tiennent.
Elles ne cherchent ni à séduire ni à illustrer.
Elles tiennent par leur structure, leur souffle, leur présence silencieuse.
Elles posent un rythme, transpirent une densité, laissent échapper une respiration.
Un équilibre entre tension et apaisement, entre rigueur et intuition.
Chaque forme, chaque ligne naît d’un geste patient, répété, attentif.
Ce n’est ni un automatisme, ni du remplissage.
C’est une écoute : du support, du vide, du motif à venir.
C’est un travail de juste mesure, de lente élaboration.
Un dialogue entre la main et ce qui résiste.
Ce que je construis n’orne rien.
Cela s’érige en soi.
Cela prend place, sans s’imposer.
Cela invite à voir autrement — sans récit, sans décor — mais avec profondeur.
Je ne viens pas d’une école. Je viens d’un héritage — amazigh, andalou, méditerranéen —
et d’un rapport intime au motif transmis par le travail de mon père, maître maroquinier.
Je poursuis ce lien, sans nostalgie.
Mon ambition? Un équilibre entre structure et souffle.
Un art du silence, du détail, de la présence.
Grabar l’avait formulé : l’ornement structure le sensible.
Papadopoulo parlait d’un langage plastique autonome.
Je fais mienne cette voie : un art ornemental rigoureux, libre, exigeant loin du simple décoratif.
Mais profondément vivant.