Hu/Lie, cherche la différenciation

Hu/Lie, cherche la différenciation

Olimpia Gaia Martinelli | 11 janv. 2023 8 minutes de lecture 0 commentaires
 

Hu/Lie était complètement fasciné par la culture du skate et du hip-hop dans les années 1990. Il y voyait un style de vie fait de liberté, de dépassement de soi, de transgression et de créativité...

Qu'est-ce qui vous a poussé à créer des œuvres d'art et à devenir un artiste ? (événements, sentiments, expériences...)

Adolescent, dans les années 90, j’étais complètement fasciné par la culture skate et hip-hop. J’y voyais un style de vie imprégné de liberté, de dépassement de soi, de transgression et de créativité. J’ai commencé le graffiti pour exprimer mes émotions en m’inspirant des graffeurs des crews parisiens et new-yorkais et plus particulièrement de Lee Quinones.

Mon blase « Hu/Lie », contraction de « Humanity is a lie », est né de cette époque et je l’ai gardé par la suite car il marque mes origines artistiques.

Petit à petit, je me suis intéressé à l’histoire de l’art et à l’infinie diversité des créations dont les installations et les happenings, qui représentaient pour moi une source inépuisable d’expressivité.

Quel est votre parcours artistique, les techniques et les sujets que vous avez expérimentés à ce jour ?

J’ai intégré la faculté d’Arts Plastiques de Strasbourg où j’ai pu toucher à différents médiums dont la peinture et la sculpture mécanique. Ce fût très riche d’enseignements et c’est à partir de cette période que j’ai commencé à théoriser ma pratique artistique et à m’investir pleinement dans la recherche esthétique et technique.

J’étais très investi dans le travail de la matière et plus particulièrement dans l’assemblage bois et métal que je déclinais en installations éphémères dans des lieux extérieurs insolites tels que des parcs urbains, des marchés, des usines…

Le sujet de l’usage de l’humain dans notre monde prédominait déjà mes créations, notamment notre incapacité collective et individuelle à préserver la nature. J’inventais des arbres hybrides dont les troncs de métal étaient recouverts d’écorces figées dans la résine pour dénoncer la déforestation au profit de notre confort individualiste.

Je suis ensuite revenu à la peinture car j’avais besoin de poser des sentiments plus spontanément en manipulant la matière et les couleurs dans des compositions dérangeantes mais toujours en plaçant l’humain au cœur de mes réflexions.

Quels sont les 3 aspects qui vous différencient des autres artistes, rendant votre travail unique ?

Je ne créé pas en cherchant la différenciation…  je m’exprime en utilisant l’art pour rendre visible ce que j’ai enfoui au plus profond de moi. Cependant, je me définis comme un artiste engagé qui veut rendre visible les invisibles, qui défend des causes justes et indispensables comme l’écologie. D’autres artistes font aussi ça très bien mais chacun à sa manière et c’est ce qui fait notre singularité.

D'où vient votre inspiration ?

De manière générale, je m’inspire du comportement de l’Homme dans son environnement et de ses incohérences, ce qui m’emmène m’amène à traiter des sujets qui me sont chers comme la lutte contre l’injustice sociale, les discriminations, la préservation de la nature etc

Quelle est votre démarche artistique ? Quelles visions, sensations ou sentiments voulez-vous évoquer chez le spectateur ?

Je cherche à questionner le spectateur sur sa propre identité, ses propres actions en opposant 2 modes, celui de la consommation à outrance (symbolisée par l’utilisation de collages d’affiches déchirées ou par des graffitis incrustés) et celui de la survie, sociale ou climatique.

J’aimerais que mes tableaux agissent comme un miroir dans lequel chacun s’interroge à travers un jeu de regard.

Je précise que je ne veux pas me placer dans la position du moralisateur fataliste ! Au-delà du constat parfois tragique, l’espoir de trouver des solutions viables doit émerger. Quelles actions suis-je prêt à mettre en place pour réduire les inégalités ? Quel est mon comportement face à la misère ? Que puis-je faire pour limiter la dégénérescence de notre écosystème ?... ce sont des questions que je me pose à moi-même avant tout et ma peinture m’aide à trouver des réponses, à changer mon propre comportement.

Si mes créations permettent en plus d’éveiller les consciences, d’apporter un éclairage sur des situations sociales, de susciter le doute ou l’empathie, de sensibiliser aux enjeux environnementaux, alors j’aurai atteint mon but.

De l’introspection à l’expansion, c’est comme ça que je conçois mon émancipation plastique

Quel est le processus de création de vos œuvres ? Spontané ou avec un long processus préparatoire (technique, inspiration des classiques de l'art  ou autre)?

J’ai d’abord un long processus préparatoire dans le sens où je mène des investigations autour des sujets que je veux explorer à travers ma peinture. Pour ma série « Pursuit of dignity » où je mets en scène des femmes et des hommes qui ont traversé des épreuves incroyables, je vais j’ai d’abord étudier les différents mouvements migratoires, les raisons de l’exil, les étapes de la survie, les solutions apportées, les comportements de solidarité ou de rejet.

Je veux comprendre mon sujet pour ensuite commencer à transformer mes réflexions en esquisses plastiques. Croquis, test de couleurs et de composition et essais techniques constituent un préalable indispensable à la création.

Ensuite, face à la toile, je rentre dans une sorte de méditation et je me laisse guider par les flux qui me traversent.

Utilisez-vous une technique de travail particulière ? si oui, pouvez-vous l'expliquer ?

Mes techniques varient en fonction de mon humeur mais surtout en fonction du sujet. Je privilégierai la peinture au couteau pour un regard dur alors que j’utiliserai davantage le pinceau pour dessiner des traits fluides autour d’un regard empli d’espoir.

Toutes mes réalisations contiennent un élément qui évoquent la société de consommation, que ce soit le graffiti ou le collage d’affiches que j’ai arrachées dans la rue

Y a-t-il des aspects novateurs dans votre travail ? Pouvez-vous nous dire lesquels ?

D’un point de vue outils, j’utilise de plus en plus des matériaux recyclés ou éco responsables. Je pense que nous, artistes, devons aussi faire partie des solutions et agir en responsables. Je consacre aussi 5% de mes recettes en dons auprès d’associations de préservation de l’océan et de son littoral

Concernant mes sujets, j’utilise des faits réels pour alimenter mon processus de création. Ma nouvelle série intitulée « Human impact » évoque les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement. Les titres de mes tableaux font partie intégrante de l’œuvre et ils font référence aux records de chaleur établis un peu partout dans le monde.  Le but est de percuter les consciences en stigmatisant des phénomènes d’actualités qui peuvent nous sembler isolés et sans conséquence.

Avez-vous un format ou un support avec lequel vous êtes le plus à l'aise ? si oui, pourquoi ?

Je peins essentiellement sur des toiles d’environ 1 m et principalement en format portrait car c’est ce qui correspond le mieux aux visages et aux expressions que je projette dans mes peintures. Acrylique, encre, bombe aérosol, collage… j’aime également mélanger les techniques pour transmettre certains messages

Où produisez-vous vos œuvres ? A la maison, dans un atelier partagé ou dans votre propre atelier? Et dans cet espace, comment organisez-vous votre travail de création?

J’ai la chance d’avoir une pièce dédiée dans ma maison mais j’aspire à intégrer un collectif d’artistes avec des ateliers partagés pour me nourrir de l’énergie collective et sortir de mon cadre

Votre travail vous amène-t-il à voyager afin de rencontrer de nouveaux collectionneurs, pour des salons ou des expositions ? Si oui, que cela vous apporte-t-il ?

Je vis chaque échange entretenu avec mes spectateurs avec un réel engouement et une volonté d’en apprendre davantage sur l’histoire personnelle de chacun, sur ses ressentis vis-à-vis de mes créations. Le regard, la sensibilité, l’expérience du spectateur nourrit mon travail et c’est pourquoi les expositions, quelles qu’elles soient et où qu’elles soient, demeurent indispensables à mon processus de création.

Comment imaginez-vous l'évolution de votre travail et de votre carrière d'artiste dans le futur ?

Je n’ai pas de plan de carrière à long termes car j’essaie de profiter de l’instant présent le plus possible. Je me laisse guider par mes inspirations et mes envies du moment pour avancer dans cette vie singulière.

J’aimerais prochainement me consacrer à la conception de plusieurs projets d’installations. Cela nécessite une certaine logistique mais je sais que ce sera bientôt une réalité. J’ai hâte de retravailler en 3 dimensions en utilisant différents médiums comme la vidéo, les objets recyclés mais toujours avec une tonalité sociale.

J’aimerai aussi développer des collaborations avec des associations environnementales pour que nous puissions nous enrichir mutuellement et échanger avec d’autres artistes pour construire des expositions collectives autour de thématiques communes mais toujours dans un esprit engagé

Quel est le thème, le style ou la technique de votre dernière production artistique ?

La peinture que je suis en train de réaliser s’intitule « Base Esperanza (AQ) : 18°C ». Elle fait référence au récent record de chaleur établi en Antarctique et qui résonne comme un message d’alerte. Pour évoquer ce thème, j’ai choisi de peindre un explorateur au regard imprégné de 2 sentiments opposés : la détermination et la résignation. Ce visage s’articule sur fond de paysage aux couleurs chaleureuses mais évocatrices d’un bouleversement climatique sans précédent

Pouvez-vous nous parler de votre expérience d'exposition la plus importante ?

Même si elles ne sont pas encore planifiées, chaque exposition à venir sera certainement la plus importante !

Cependant, ma dernière exposition autour de ma série « Pursuit of dignity » fût très significative car elle symbolisait l’aboutissement d’un long processus personnel et elle était organisée dans la galerie d’une association dédiée à la lutte contre les discriminations. Cela formait un ensemble puissant, sensible, militant.

Si vous aviez pu créer une œuvre célèbre dans l'histoire de l'art, laquelle choisiriez-vous ? Et pourquoi ?

Sans hésiter : Guernica de Picasso !

J’aurais aimé ressentir la puissance créatrice de Picasso lorsqu’il a peint ce chef d’œuvre.

La rage, la folie des hommes, l’incompréhension, la colère, la violence mais aussi la taille, les couleurs et la composition contribuent à faire de cette peinture ce que je considère être l’œuvre ultime de la dénonciation engagée

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre (mort ou vif) à dîner, qui serait-ce ? Comment lui proposeriez-vous de passer la soirée ?

J’aimerais inviter les artistes du mouvement Fluxus dont Alison Knowles, Marina Abramovic, Nam June Paik, Ben et Georges Brecht pour échanger sur leur vision de l’art aujourd’hui, eux qui rejetaient la notion même d’œuvre d’art et qui prônaient l’interdisciplinarité, l’art à la portée de tous et la création collective.

Cela se ferait sous la forme d’un pique-nique nomade où on déambulerait dans la rue, dans des musées d’art contemporains, des salles de spectacle, des réunions de bénévoles militants, des bars… pour finir dans un hangar disposant de nombreux objets et autres instruments propices à la création d’une œuvre éphémère et collective.


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