Top 5 des Natures Mortes les plus Célèbres de l’Histoire de l’Art

Top 5 des Natures Mortes les plus Célèbres de l’Histoire de l’Art

Bastien Alleaume | 22 oct. 2021 8 minutes de lecture 3 commentaires
 

Certaines sont connues pour leur beauté, certaines sont célèbres pour leurs mystères, et d’autres encore pour les anecdotes qui gravitent autour d’elles. Aujourd’hui, tour d’horizon des natures mortes à travers les âges : de la coupe de fruits aux paniers à légumes, en passant par les crânes dégarnis et les vases fleuris, vous risquez d’être surpris !  

La nature morte est un exercice aussi fascinant qu’énigmatique pour les artistes. Fascinant par la technique, car beaucoup de peintres se sont « fait la main » sur ces peintures de genre, facile à réaliser puisqu’elles ne nécessitent pas de modèles, pas de longues heures de poses, mais également parce qu’elles peuvent directement être peintes en atelier, souvent même à la lueur d’une bougie.

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Vincent van Gogh, Vase avec douze Tournesols, 1888. Neue Pinakothek, Munich, Allemagne.

Surtout, de nombreuses natures mortes se révèlent particulièrement mystérieuses, parce qu’elles renferment des significations plus profondes qu’une simple représentation d’objets inanimés. Même si on l’oublie souvent, les natures mortes sont l’héritage des vanités, ces peintures de genre qui rappellent l’inéluctable fuite du temps et la nature périssable des choses que l’on aime. En peinture, un fruit abimé peut illustrer un décès, et un tournesol épanoui peut représenter la mélancolie.

Alors, quelles sont les natures mortes les plus célèbres de l’histoire de l’art ?

1. Fede Galizia, Nature Morte, vers 1610. 

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Fede Galizia, Nature Morte, vers 1610. Collection privée.

Et si on commençait par remettre un peu de justice dans l’histoire de l’Art ?
Cela pourrait surprendre, si l’on considère la place laissée aux femmes dans l’épopée artistique de ces derniers siècles, mais l’émergence de la nature morte en tant que style à part entière résulte principalement d’une farouche volonté féminine.

Une femme ? Non, DES femmes. C’est au début du 17ème siècle que fleurissent les premières véritables expérimentations autour des natures mortes, dans le sens moderne du terme (donc éloigné des anciennes vanités), c’est-à-dire des compositions regroupant des objets inanimés, généralement des fruits, des denrées alimentaires, des ustensiles et des animaux.

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Fede Galizia, Nature morte avec pommes et coupelle, ca. 1612. Localisation inconnue.

A cette époque, les natures mortes ne sont pas dépréciées mais coexistent avec les autres genres traditionnels : les peintures mythologiques et religieuses, les portraits ou les paysages. Toutefois, les peintres réalisent majoritairement des portraits (parce qu’on les paye pour), puis des peintures mythologiques et religieuses (parce qu’elles les rendent célèbres), et délaissent peu à peu les vanités, natures mortes et paysages qui ne leurs apportent ni gloire ni fortune. L’Europe est en pleine effervescence artistique, des Pays-Bas à l’Italie, en passant par la France, nombreuses sont les places artistiques bouillonnantes de talents en tout genre. Parmi ces artistes, trois femmes vont se détacher du sens commun pour consacrer l’essentiel de leur créativité à la réalisation de natures mortes.

Mais qui sont ces Super Nanas de la nature morte ?
D’abord, à Milan (Italie), Fede Galizia réalise des séries de paniers de fruits délicieux. Quelques milliers de kilomètres plus loin, l’une de ses contemporaines, Clara Peeters, installée à Anvers (Pays-Bas) s’épanouie à travers des centaines de natures mortes représentant des tables dressées pour de copieux et raffinés repas. Enfin, quelques années plus tard, vers 1630, l’artiste française Louise Moillon réalisera également de nombreuses natures mortes dans la veine de Fede Galizia.

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Clara Peeters, Nature morte avec tazza en vermeil, 1613. Collection privée.

Ces trois femmes ont indéniablement popularisé ce genre à travers l’Europe, autant auprès des collectionneurs qu’auprès des autres artistes. Cependant, ce sont leurs homologues masculins, arrivés plus tard, à qui l’on octroie une place de choix dans l’histoire de l’Art. Rendons aujourd’hui justice à ces trois femmes injustement oubliées malgré un travail précurseur qui mérite d’être redécouvert

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Louise Moillon, Nature morte avec panier de fruits et asperges, 1630. Art Institute of Chicago. 

Si la réhabilitation des artistes femmes dans l’histoire de l’Art est un sujet qui vous tient à cœur, consultez sans attendre nos articles dédiés : 4 Femmes Extraordinaires qui ont Bouleversé l’Histoire (très patriarcale) de l’Art et 4 Artistes Talentueuses Eclipsées par la Célébrité de leurs Maris.

2. Jean-Siméon Chardin, La Raie (1728)

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Jean Siméon Chardin, La Raie, 1728. Musée du Louvre, Paris.

Pour ses contemporains, Jean-Siméon Chardin était considéré comme un maitre absolu du genre, notamment pour son habileté technique et ses étonnantes compositions. Ce chef-d’œuvre, exposé au Louvre, est un témoignage implacable de son efficacité picturale.

Dans cette composition, nous découvrons un petit établi en bois sur lequel sont disposés différents objets : des ustensiles de cuisine et des récipients trouvent leur place aux côtés d’un chat, de carcasses de poissons et d’huitres. Au-dessus de cet étrange désordre, un mur de brique impose sa pénombre et une raie, au centre de l’œuvre, se retrouve maintenue par un crochet en métal.

Pourquoi un tel désordre ? Cet enchevêtrement d’objets inanimés (à l’exception de cet intrépide félin) permet à l’artiste d’exprimer plus librement sa volonté picturale : ici, par exemple, il fait le choix d’une construction pyramidale pour structurer la composition. La pyramide centrale est évidemment représentée par la raie, puis deux autres pyramides inférieures se dévoilent de chaque côté de l’animal : l’une prend son sommet au bout de la queue du félin, l’autre sur l’extrémité de la louche disposée en équilibre sur la marmite en fonte. 

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La nappe blanche, quant à elle, instaure une dualité au centre de l’œuvre et divise la composition en deux. Enfin, les entrailles visibles de la raie apportent une surprenante brutalité à l’œuvre : disposée ainsi, son étrange expression faciale nous fait face et nous met mal à l’aise. Chardin nous emmène loin du romantisme avec cette raie éventrée, qui se révèle aussi sinistre que perturbante.

3. Edouard Manet, Une botte d’Asperges et L’Asperge (1880)

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Edouard Manet, Une Botte d’Asperge, 1880. Musée Wallraf-Richartz, Cologne, Allemagne.

Voici une histoire peu conventionnelle dans le monde de l’art, et une anecdote rigolote pour briller en société. Ces deux natures mortes n’en font qu’une, et sont plus connues pour l’histoire liée à leur réalisation que pour leurs qualités esthétiques pures.

Il était une fois, en 1880, un collectionneur d’art et bon ami des impressionnistes : Charles Ephrussi. Celui-ci décide de commander à son artiste favori, Edouard Manet, une nature morte représentant une botte d’asperges. Pour la réalisation de cette œuvre, il lui propose la somme de 800 francs. Manet accepte, peint ces asperges, puis envoi le résultat à son mécène. Après réception, c’est la stupéfaction : Charles Ephrussi adore le tableau, il est enchanté par cette magnifique botte d’asperges et donne 1000 francs à Manet (donc, 200 francs de plus que prévu). L’artiste décide alors d’offrir à ce généreux commanditaire une autre nature morteL’Asperge – accompagnée du commentaire suivant « Il en manquait une à votre botte. ».

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Edouard Manet, L’Asperge, 1880. Musée d’Orsay, Paris, France.

Il n’en faut pas plus pour qu’une œuvre d’apparence insignifiante entre au panthéon des légendes de l’histoire de l’Art Moderne. Aujourd’hui, les deux œuvres sont séparées : l’une est au Musée d’Orsay à Paris, l’autre au musée municipal de Cologne, mais parce qu’elles sont toutes deux intimement liées, nous espérons de tout cœur qu’elles parviendront à se rejoindre un jour.

4. Paul Cézanne, Nature morte au crâne, vers 1898

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Paul Cézanne, Nature morte au crâne, vers 1898. Fondation Barnes, Philadelphie.

Comment aborder les natures mortes les plus célèbres de l’Histoire de l’Art sans évoquer le maitre incontesté de cet exercice de style : l’étrange et fascinant Paul Cézanne. Cet artiste, amoureux du Sud de France, a réalisé plusieurs centaines de natures mortes tout au long de sa carrière, toutes plus sublimes les unes que les autres.

Pour Wassily Kandinsky, Cézanne « élevait la vie immobile à un tel point qu’elle cessait d’être inanimée. Il a peint ces choses comme des êtres humains parce qu’il avait reçu le don de deviner la vie intérieure de toute chose. ». Un bel hommage pour ce peintre passionné, qui s’appliquait à analyser la peinture sous le prisme des mathématiques.

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Paul Cézanne, Le Panier de Pommes, vers 1892. Art Institute of Chicago.

Si les pommes de Cézanne sont si envoutantes, c’est qu’il les voyait comme des sphères et des cylindres, et non comme de simples objets à représenter. Si ses compositions sont si naturelles, c’est qu’elles ne sont pas réalisées à partir de lignes et de formes, mais par l’alchimie des contrastes. La forme se crée au moyen d’une concordance exacte de tons, et si cette coordination est harmonieuse, alors le tableau se fait de lui-même. Dans le langage des artistes, « modeler » signifie surtout « moduler »

L’œuvre de Cézanne est un élément essentiel de l’histoire de l’art, préfigurant les courants artistiques majeurs du 20ème siècle, notamment le cubisme.

5. Georges Braque, Violon et Bougie, 1910

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Georges Braque, Violon et Bougie, 1910. Musée d’Art Moderne de San Francisco.

C’est avec Pablo Picasso que Georges Braque cofonda le cubisme, style artiste dominant du vingtième siècle. Le cubisme est un mouvement artistique qui se caractérise principalement par l'abandon de la perspective classique, l'éclatement des formes en différentes facettes géométriques (ce qui donne l’impression de « cubes ») et l'indépendance des différents plans de la composition. Pour donner du sens à leurs recherches, Braque et Picasso devaient réaliser des œuvres selon ces procédés : Braque réalisa d’abord des paysages, puis il s’attela à déconstruire le thème traditionnel des natures mortes.

Violon et Bougie est certainement la nature morte cubiste la plus célèbre de l’histoire de l’Art. Réalisée en 1910, elle fait partie de la première phase du cubisme, que l’on appelle communément le cubisme analytique. Ici, les éléments de la composition sont représentés par des formes simples, en utilisant de multiples points de vue dans un style purement monochromatique : l’artiste n’a utilisé que les différents tons d’une même couleur. Avec Braque et Picasso, l’art devient un exercice logique et mathématique.

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Georges Braque, Verre, Bouteille et Journal, 1914. MoMA, New York.

Et voilà, ce classement est terminé et on espère qu’il vous aura plu ! Pour aller plus loin, vous pouvez consulter ici notre article sur les autoportraits célèbres, ou bien découvrir ici notre collection de natures mortes disponibles sur Artmajeur.

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