La représentation du temps qui passe dans l’Art

La représentation du temps qui passe dans l’Art

thomas laugier | 21 oct. 2020 6 minutes de lecture 0 commentaires
 

Le thème du temps a souvent été abordé dans la peinture sous l'angle des différents âges de l' homme, auquel de nombreux tableaux sont consacrés.

Alors que nous serons comme chaque année invités à reculer nos horloges d’une heure ce samedi, Artmajeur en profite pour vous proposer un retour sur ces œuvres qui ont réussi à représenter le temps qui s'écoule de manière impalpable et inexorable.


Memento mori, mosaïque de Pompéi, Ier siècle A. J.C.


memento-mori-man-napoli-inv109982.jpg

Memento mori, mosaïque polychrome de Pompéi, Ier siècle, Musée national d'archéologie de Naples © Archives surintendance spéciale Beni et archologici Naples et Pompei 

Parmi les plus anciens Memento mori, ces représentations qui nous rappellent que tout homme doit mourir un jour, il faut certainement mentionner cette célèbre mosaïque retrouvée à Pompéi et qui est aujourd'hui conservée au musée archéologique de Naples. Ce genre de compositions sera repris à la fois au Moyen Âge et, de manière plus raffinée, à l'époque baroque avec la peinture des « vanités». L'œuvre est facile à lire car les symboles sont restés dans un très bon état de conservation pendant environ deux millénaires grâce à la récupération archéologique. La roue symbolise ici la chance. Elle tourne tant que l'homme est vivant et peut interagir avec elle, que ce soit par le fait du hasard ou de ses propres actions. Elle dirige le cours de l’existence vers la richesse représentée par le beau manteau à gauche, ou vers la pauvreté avec une tenue de vagabonds à droite.  Quand la mort (symbolisée ici par le crâne) arrive, la roue s'arrête et rien n'a alors plus de valeur. Les notions de richesse et de la pauvreté perdent alors tout sens. La mosaïque provient d'un triclinium romain (une salle à manger) d'une maison pompéienne, où les repas étaient pris. Une façon de rappeler au propriétaire et aux convives de rester humbles en tant que simples mortels, et de ne pas confier leur destin au hasard.


Philippe de Champaigne (1602-1674), Vanité.


8ed60a169747be4ea3eae0c815adb466.jpg

Philippe de Champaigne Vanité, huile sur bois, 28 cm x 37 cm, musée de Tessé, Le Mans

Au tout début du XVIIe siècle, des peintures d'un nouveau genre apparaissent, les Vanités. Ce nom tient sa racine du terme « vain », qui renvoi à ce qui est vide, illusoire. Ce sont des tableaux classés dans le genre des natures mortes, et contiennent un ensemble d'emblèmes et d'objets dont la possession semble futile, dérisoire comme sur l’œuvre représentée ci-dessus de Philippe de Champaigne (1602-1674), Vanité.  Parmi les éléments caractéristiques que l’on retrouve le plus souvent figurent le crâne, la bougie éteinte, ou le silence des instruments de musique comme symboles de la mort. Le sablier ou l'horloge, comme symboles du passage du temps, mais aussi des bulles de savon symbolisant à la fois la fugacité de la vie et des biens terrestres. Une fleur fanée, comme une tulipe ou une rose, renvoyant à l’image de la vie qui se terminera tôt ou tard.


Les Trois Ages de l'Homme - Giorgione


giorgione-giorgio-barbarelli-the-three-ages-of-man.jpg

Les trois âges de l'homme, c.1500-01 (panel) - Giorgione da Castelfranco, Palazzo Pitti, Florence, Italie

Le thème du temps a également souvent été abordé dans la peinture sous l'angle des différents âges de l' homme, auquel de nombreux tableaux sont consacrés. Prenons l'exemple du tableau du peintre italien Giorgione : « Les trois âges de l'homme ». Cette œuvre représente trois personnages masculins. Au centre un jeune homme tenant une feuille de musique, à droite un adulte qui lui parle en montrant la partition, à gauche un vieil homme qui, par derrière, se retourne pour regarder le spectateur.  Les personnages émergent doucement de l'arrière-plan, soulignés de couleurs ombrées. Aujourd’hui le sujet du tableau est encore très débattu. Toutes les toiles de Giorgione cachent un second niveau de sens, souvent obscur : cette leçon de chant est probablement une allégorie et une réflexion intime sur le flux de l'existence, dans laquelle il est important de passer le relais aux générations futures avant qu'il ne soit trop tard, comme le confirme le regard mélancolique du vieil homme qui attire l'attention du spectateur.


Salvador Dali’s “La Persistance de la mémoire”


la-persistance-de-la-memoire-2-salvador-dali-thumb.jpgSalvador Dali’s “La Persistance de la mémoire” The Museum of Modern Art, New York 

La persistance de la mémoire fait partie des peintures les plus mémorables de Salvador Dalì. Comme élément caractéristique de l’œuvre on retrouve les célèbres horloges fondues.  Dalì a expliqué comment lui est venue cette inspiration. L'artiste s'est retrouvé à regarder une tranche de fromage fondre au soleil. Cette vision lui a inspiré l'idée des horloges qu'il a immédiatement peintes sur la toile. L'image qu'il peignait représentait un paysage de Port Lligat, en Espagne, où il vivait avec son épouse Gala au moment de la réalisation de l'œuvre. Certains objets irréels sont disposés dans un paysage fantastique. Quelques horloges à la texture déformée dominent la scène. Des montrent moles qui marquent encore le temps, mais semblent avoir perdu leur solidité. On peut imaginer que les horloges fondues représentent la relativité de la perception temporelle. Chacun de nous, en effet, a sa propre sensation temporelle par rapport aux mêmes situations. De plus, chaque horloge affiche des heures différentes. Notons également la présences de fourmis noires sur une montre au premier plan, une image courante signifiant la décomposition liée au temps, et évoquant une peur de la mort. 


Roman OPALKA : OPALKA 1965/1 - ∞


unnamed.jpg

OPALKA Roman (1931-2011), OPALKA 1965/1-∞, Détail 1-35327, détail, 1965, - acrylique sur toile, 196x135 cm.

En 1965, tandis qu’il était en train d’attendre sa femme, Roman Opalka a une idée qui aiguillera sa création durant quarante-six années. Sur des toiles de 196x135 cm, il s’épuisa à inscrire sans relâche la progression numérique. Les chiffres font environ 5 mm de haut, peints avec un pinceau taille 0. Il commença à peindre en blanc sur fond noir et à partir de 1972, il ajouta 1 % de blanc à chaque fond de nouvelles toiles. En 2008 arriva le moment où il finit logiquement par peindre en blanc sur blanc. Il appela cela le « blanc mérité »... Cette œuvre est le résultat d'une énergie artistique dédiée à la recherche de la représentation la plus vraie du concept du temps, dans l'art. Le peintre polonais était profondément préoccupé par la capture matérielle de l'immatériel. Son œuvre reflète toute une vie de réflexion sur la meilleure façon de distiller le «temps» sous forme physique. OPALKA 1965/1 - ∞, constitue donc une proposition innovante à la représentation des questions temporelles et esthétiques.


Melting Men : Néle Azevedo


feeldesain-minimum-monument-project.png

« Minimum Monument » aussi mieux connu sous le nom de « Melting Men », est une idée née en 2002 dans l’esprit de l’artiste brésilien Néle Azevedo. Une installation artistique itinérante et éphémère composée de milliers de petites sculptures de glaces. Une représentation d’hommes de glace fondant au soleil, assis sur les marches des monuments des plus belles villes du monde. L’installation a en effet été présentée à Brasilia, à Tokyo, puis à Belfast et aussi à Florence en 2008 avec 1200 sculptures de glaces disposées sur les marches du Spedale degli Innocenti. Melting Men est une œuvre dont les intentions originales était de représenter un contraste entre l’éternité de l’art officiel représenté par les monuments sur lesquels étaient disposés les sculptures, par rapport à l’aspect éphémère de l’art contemporain. Une œuvre jouant sur différent niveaux de contrastes comme sur la taille minuscule des sculptures, ou leurs matériaux de composition: la glace. L’ouvrage a cependant été immédiatement repris par les associations environnementales qui en ont fait leur symbole, l’associant à une réflexion critique sur le changement climatique et à la fonte des glaces dans l’arctique.


Le temps qui passe, un sujet qui vous parle ? Retrouvez notre sélection d'œuvres qui évoquent ce concept sur Artmajeur. 

Voir plus d'articles

Artmajeur

Recevez notre lettre d'information pour les amateurs d'art et les collectionneurs