Bruno Capredon

A 47 ans, il exerce depuis 17 ans le métier de restaurateur de sculptures, un moyen sûr de rester en contact avec une réjouissante variété de matériaux et couleurs. Mais un jour, il devient évident que cette activité masque son profond et ancien désir de créer. La mosaïque vient alors à lui pour donner corps et lumière aux idées si longtemps contenues : c’est une vraie entrée en matière...

At the age of 47, Capredon has spent a good 17 years of his professional life practising the restoration of sculpture. It has been an excellent way to remain in contact with the marvellous variety of materials and colours. However, one day it became evident that his work was also masking a deep and long-standing desire to create. He turned to Mosaic, a medium that has given structure and light to the ideas he has been forming over many years : it has been a real initiation.

Au sujet de mon approche de la création : "J'aime bien cette tension entre la fugacité de l'idée première et la souvent lente et laborieuse réalisation qui se donne pour mission de préserver jusqu'au bout l'intensité du début. Même si cette réalisation doit s'étirer dans le temps - et c'est le plus souvent le cas car la mosaïque c'est long - j'essaie de maintenir cette tension ...
Le plus souvent, j'utilise le plâtre - armé - comme support, celui-ci permettant le relief - mais depuis peu, j'essaie des cartonnages alvéolés, assez rigides et beaucoup plus légers mais aussi hydrophiles...Je voudrais résoudre ces problèmes de poids et de solidité pour réaliser des oeuvres de grand format.
Les matériaux utilisés sont assez divers, empruntés pour la plupart au monde minéral, souvent"récoltés" par mes propres soins :les silex par exemple proviennent des vignes autour de chez moi.
J'ai l'impression d'en être au début, j'ouvre des portes et je sonde, émerveillé, l'infinité des possibles qui s'offrent à la création plastique à condition d'être avant tout dans un état de grande réceptivité".

Mardi 9 décembre 2003. Texte complété le 21 février 2006.

Depuis 17 ans que j’exerce le métier de restaurateur de sculptures, l’envie de créer est constamment restée embusquée, attendant son heure.
Il me semble que ce moment est arrivé où toutes ces idées si longtemps portées et ajournées peuvent enfin voir le jour : c’est une question de maturité, le fait de commencer à entrevoir un sens pouvant structurer mon travail.
D’emblée, j’aurais tendance à dire que ce travail est relié à un besoin d’exploration intérieure, sans nier que l’appréciation d’autrui joue un rôle que je ne mesure pas encore. Il voudrait prendre la forme d’un questionnement incessant: ainsi, la notion de mystère, de ce qui est caché, est pour moi un puissant stimulant dans cette recherche. Il me semble que la création artistique est une voie royale pour sans cesse nous rappeler que sous ses apparences familières le monde peut être perçu comme une énigme.
Je voudrais réaliser un juste équilibre entre ce qui m’appartient : mon regard de 47 ans, ma pratique de restaurateur - qui entretient une familiarité avec le monde de la matière, des formes et des couleurs - et ce qui ne m’appartient pas : le surgissement de l’imprévu, de l’ineffable, du Mystère. Chaque production se voudrait une rencontre entre ces deux choses.

J’aime à penser que l’idée de l’œuvre me « tombe dessus » ; comme cela s’est produit peu après le 11 septembre 2001 alors que je ressentais le besoin de transformer l’onde de choc en quelque chose de positif : l’image d’une grande double spirale constellée de ses milliers d’appliques lumineuses se déroulant dans la nuit s’est imposée à moi. Pour être plus précis, il me semble que l’acte créateur ne se définit pas comme une quête, mais plutôt comme une disponibilité de la plus grande qualité possible. L’origine parfaitement mystérieuse de l’œuvre se situe en dehors de notre sphère mentale et l’artiste est un récepteur dont les moyens doivent sans cesse s’affiner pour recueillir l’intensité précieuse de cette impulsion.
Une chose est sûre : je n’ai pas envie d’en dire plus sur un éventuel contenu pour ne pas influencer le contact du témoin avec l’œuvre, à cet égard, les titres jouent leur rôle d’indices souvent presque trop explicites.

Je me suis toujours senti en phase avec la musique de la mosaïque: elle me soustrait à l’activité mentale désordonnée par sa matérialité ordonnée, la lenteur d’exécution qui lui est attachée, le côté laborieux donné par la répétition des gestes, l’addition méticuleuse des tesselles. Mais ce qui m’attire le plus en elle est peut-être ce rapport intime qu’elle peut entretenir avec la lumière : une sorte de clavier sur lequel cette lumière peut jouer sur une partition que je propose.

Bruno Capredon