"Q" abécédaire russe - 2004 (2004) Tekening door Baptiste Vanweydeveldt

Depuis que je mets en ligne cette série de dessins, que l'on pourrait qualifier d'automatique et abstraits, je tente de retrouver les sentiments et les affects qui m'ont conduit à leurs réalisations...
Pensé comme un abécédaire, un corpus de 27 feuillets A4 (sur un papier on ne peut plus ordinaire) correspondant chacun à une lettre +une couverture A3, ils se résument en une recherche esthétique qui se dépouille de l'idée première de la représentation académique; en somme la création d'un vocable plastique qui emploie toute les autres formes de traces qu'un ustensile ou un médium peut faire sans faire preuve de technicité particulière... Être plus dans l'expression et le ressentis interne que la prouesse et la primauté de la vue...
Pour sortir des habitudes, j'ai engagé cette recherche en situation de voyage, faire avec ce que j'ai sur le moment et sortir de situation du confort de la table ou de l'atelier...
Cet abécédaire fut en grande partie réalisé entre 2001 et 2004, à New York d'abord et Moscou et St Petersbourg ensuite...

Pour m'expliquer un peu plus, et je m'en rends particulièrement compte aujourd'hui, j'étais (et je le suis peut-être encore...) sous l'influence de quatre artistes, dont une artiste qui a été mon professeure et avec qui l'influence fut plus de l'ordre de l'échange intellectuel qu'une simple fascination esthétique, ainsi Tania Mouraud, pour la citer en premier bien que j'en parlerai plus longuement au prochain feuillet "R" comme "Rencontre" ...

Des trois autres artistes, je commencerai par Antonio Tapiès car depuis l'adolescence, l'emploi et la facture des matériaux qu'il emplois me donne envie de faire ! Comme un gâteau peut donner faim...
Il me semble important d'ajouter que Tapiès, que l'on classe dans le mouvement de l'arte povera, a construit son style en réaction à la situation d'après guerre... L'une des questions principale qui a dû le porter est : "Comment peut-on encore faire une" belle" image comme un joli pot de fleur après le trauma des génocides et destructions... Comment ré-interroger la force d'une image tout en étant employant des matières qui racontent l'histoire humaine de cette période pour en faire un témoin actif plutôt qu'un faible modèle à suivre?"
Le second artiste est Joseph Beuys, dont le résumé de son oeuvre est difficile en peu de ligne... Juste pour dire, il a réellement fait sortir l'Art du carcan esthétique pour faire converger d'autres dimensions plus politiques (au sens grec du "vivre ensemble") et voire anthropologique comme l'action de l'homme (et pas que l'artiste) sur la société... Le dessin ou l'aquarelle de Beuys qui me touche le plus est la silhouette d'une femme debout portant de chaque coté un seau, idée de la balance , de l'équilibre, de la force qu'il faut pour se maintenir en équilibre et l’évocation du contenant/contenu... Ainsi debout au milieu de la page, il a a peine esquissé ces pieds, toute la force est dans le bassin et les genoux (j'entends personnellement la relation du "Je/Nous"), plus fort encore c'est qu'en appliquant la forme du trait pour représenter les seaux, le papier s'est plissé autour des deux récipients est crée une aura, figurant par là, la complète compréhension du support page et rendant visible la force et le poids de l'eau... cette simplicité qui se dégage de ce dessin est tout le génie de cet artiste à inspirer le potentiel du dessin contemporain...
Enfin l'artiste Robert Rauschenberg qui dans un geste plus intellectuel encore à effacer un dessin d'un autre artiste (avec sa connivence bien sur!) mais attribuer le geste du retrait, de la remise à zéro des codes établis, de rendre la présence d'une absence , d'un laborieux passage de gomme, d'un premier dessin qui devient autre chose qu'un dessin, une idée de dessin... Comme la présence d'une absence qui redéfini les possibles d'un nouveaux dessin à venir avec un nouveau langage du dessin (pensez au tablette graphique aujourd'hui !!)...

Ce dix-septième feuillet, la lettre "Q", qui peut-être l'Autre, celui qui n'a pas les mêmes codes, l'autre ouverture, ce commentaire du "dit" dessin fut long en explication, peut-être trop mais au moins j'ai posé une pensée rétrospective sur ce qui gît derrière ces simples traces, que n'importe qui pourrait faire... Pour dire que je m'autorise à faire effectivement n'importe quoi mais pas n'importe comment ... Même si ça échappe à la lecture ce fut là dans ma tête au moment de sa composition...

Baptiste Vanweydeveldt,2019

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