Toutes les oeuvres de Steve Drevet
L'instant indécis • 26 oeuvres
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L'instant indécis, par Steve Drevet et Romaric Mandelblat
Ces images sont nées d'une contrainte choisie.[...]
L'instant indécis, par Steve Drevet et Romaric Mandelblat
Ces images sont nées d'une contrainte choisie. Celle de n'avoir recours à aucun logiciel de trucage numérique. Il ne s'agit pas d'une défiance à l'égard de la technologie, notre intention est plutôt de vivre une expérience troublante, extatique, qu'un ordinateur ne peut reproduire. Après avoir composé, travaillé la lumière mais aussi l'ombre, peint les fonds, il y a cet instant en studio, où la scène en trois dimensions qui est sous nos yeux, devient une peinture en deux dimensions.
A ce moment là, il y a un choc perceptif. Nous sommes figés. L'œil est trompé, le cerveau ne parvient plus à "décider" de ce qu'il voit. Ce moment suspendu , nous l'avons appelé "l'instant indécis". Transcrire par des mots cette sensation à cet instant est aussi difficile que de transcrire ce que l'on pourrait ressentir en traversant un tableau avec sa main... C'est une brèche qui s'ouvre dans le réel et nous plonge dans une expérience étrange qui relève presque de l'apparition fantastique.
L'acte photographique survient à ce moment et nous déclenchons. La photographie se pose comme un témoignage, un souvenir de cet instant. Imprimée, encadrée, mise en situation d'exposition, l'image vu par le public se veut une fenêtre sur cette "brèche" dans le réel. D'une certaine manière, nous "passons le relais" au spectateur et le laissons décider de ce qu'il regarde après qu'il ait éprouvé sa propre confusion. Peinture, photographie ? Ou quelque chose qui se situerait dans un espace intermédiaire ?
La lumière et l'ombre sont les deux principes fondateurs de nos images. Nous ne les considérons pas comme des moyens d'éclairer ou d'assombrir mais plutôt comme des éléments à part entière de la composition, au même titre qu'on objet ou un fruit. Le travail sur l'image s'apparente dès lors à celui du sculpteur et du chef d'orchestre. Il s'agit tout à la fois de façonner l'ombre, la lumière et d'en moduler les textures, l'intensité et bien évidemment le rythme.
Car si nos images achevées se regardent sur un support photographique, nos compositions originelles, en studio, s'entendent. Chaque objet, élément, tente d'accorder son instrument par rapport à l'ensemble. Survient alors un dialogue, parfois dissonant, qu'il convient d'harmoniser. Pour nous, composer, c'est comme assembler les rouages d'une horlogerie aux engrenages instables.
Même si nous continuons à étudier des tableaux, à disséquer méthodiquement les "manières" des peintres du passé, les italiens de la Renaissance, les flamands et d'autres maîtres plus tardifs, nous cherchons in fine à absorber émotionnellement ce qui dans une peinture est au-delà du dicible.
Nous travaillons avec des objets historiques, voire archéologiques, prêtés par des collectionneurs, des musées, ou bien des reproductions. Les fonds, les tables, les décors sont créés de toute pièce, parfois en collaboration avec des peintres.
Après de nombreuses expérimentations, nous avons choisi d'imprimer nos photographies sur un papier Hahnemühle constitué de 70% de fibres d’agave et de 30% de coton. Au-delà de son excellent rendu de couleurs et de détails, il conjugue une texture à la fois picturale et photographique tout à fait appropriée à notre démarche. Il garantit également une conservation de plusieurs centaines d'années.
Nous répondons parfois à certaines commandes particulières.
Ces images sont nées d'une contrainte choisie. Celle de n'avoir recours à aucun logiciel de trucage numérique. Il ne s'agit pas d'une défiance à l'égard de la technologie, notre intention est plutôt de vivre une expérience troublante, extatique, qu'un ordinateur ne peut reproduire. Après avoir composé, travaillé la lumière mais aussi l'ombre, peint les fonds, il y a cet instant en studio, où la scène en trois dimensions qui est sous nos yeux, devient une peinture en deux dimensions.
A ce moment là, il y a un choc perceptif. Nous sommes figés. L'œil est trompé, le cerveau ne parvient plus à "décider" de ce qu'il voit. Ce moment suspendu , nous l'avons appelé "l'instant indécis". Transcrire par des mots cette sensation à cet instant est aussi difficile que de transcrire ce que l'on pourrait ressentir en traversant un tableau avec sa main... C'est une brèche qui s'ouvre dans le réel et nous plonge dans une expérience étrange qui relève presque de l'apparition fantastique.
L'acte photographique survient à ce moment et nous déclenchons. La photographie se pose comme un témoignage, un souvenir de cet instant. Imprimée, encadrée, mise en situation d'exposition, l'image vu par le public se veut une fenêtre sur cette "brèche" dans le réel. D'une certaine manière, nous "passons le relais" au spectateur et le laissons décider de ce qu'il regarde après qu'il ait éprouvé sa propre confusion. Peinture, photographie ? Ou quelque chose qui se situerait dans un espace intermédiaire ?
La lumière et l'ombre sont les deux principes fondateurs de nos images. Nous ne les considérons pas comme des moyens d'éclairer ou d'assombrir mais plutôt comme des éléments à part entière de la composition, au même titre qu'on objet ou un fruit. Le travail sur l'image s'apparente dès lors à celui du sculpteur et du chef d'orchestre. Il s'agit tout à la fois de façonner l'ombre, la lumière et d'en moduler les textures, l'intensité et bien évidemment le rythme.
Car si nos images achevées se regardent sur un support photographique, nos compositions originelles, en studio, s'entendent. Chaque objet, élément, tente d'accorder son instrument par rapport à l'ensemble. Survient alors un dialogue, parfois dissonant, qu'il convient d'harmoniser. Pour nous, composer, c'est comme assembler les rouages d'une horlogerie aux engrenages instables.
Même si nous continuons à étudier des tableaux, à disséquer méthodiquement les "manières" des peintres du passé, les italiens de la Renaissance, les flamands et d'autres maîtres plus tardifs, nous cherchons in fine à absorber émotionnellement ce qui dans une peinture est au-delà du dicible.
Nous travaillons avec des objets historiques, voire archéologiques, prêtés par des collectionneurs, des musées, ou bien des reproductions. Les fonds, les tables, les décors sont créés de toute pièce, parfois en collaboration avec des peintres.
Après de nombreuses expérimentations, nous avons choisi d'imprimer nos photographies sur un papier Hahnemühle constitué de 70% de fibres d’agave et de 30% de coton. Au-delà de son excellent rendu de couleurs et de détails, il conjugue une texture à la fois picturale et photographique tout à fait appropriée à notre démarche. Il garantit également une conservation de plusieurs centaines d'années.
Nous répondons parfois à certaines commandes particulières.
Encre de Chine • 5 oeuvres
Voir toutL'ile des chamans • 21 oeuvres
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L'ile des chamans, par Steve Drevet et Claude Parent-Saura
Découverte en 1946 par l’explorateur franco-néerlandais[...]
L'ile des chamans, par Steve Drevet et Claude Parent-Saura
Découverte en 1946 par l’explorateur franco-néerlandais Cleeve Sutherland, l’île des chamans est une terre nimbée de mystère située dans l’océan Atlantique. C’est là que vivent "ceux qui soignent le monde" . Issus des quatre continents, des sorciers, guérisseurs ou magiciens, comme on les appelle parfois, se sont réfugiés sur cet îlot pour assurer la survie de leurs croyances ancestrales et transmettre leurs savoirs, fuyant le monde moderne qu’ils surnomment "l’avaleur de peuples" .
En 2010, le photographe Steve Drevet et le plasticien Claude Parent-Saura découvrent les carnets de voyage de l’explorateur Cleeve Sutherland, alors âgé de quatre-vingt dix ans. Après une longue correspondance, ils finissent par rencontrer le vieil homme. Sujet à des transes que ses médecins associent à de la démence, il vit dans un établissement psychiatrique d’Amsterdam.
Cleeve Sutherland leur confie ses découvertes ethnologiques sur cette île dont il n’a jamais voulu dévoiler l’emplacement. Ses dernières volontés sont claires : il souhaite révéler à ses deux amis les visions qu’il a eues sur l’île des chamans.
Guidés par les transes et les souvenirs de l’explorateur, Steve Drevet et Claude Parent-Saura vont reconstituer l’univers étrange de cette île et donner chair et matière à ces chamans, affublés de masques les dotant de prodigieux pouvoirs. De ce voyage allégorique naîtra un récit aux frontières de deux mondes. Les photographies, qui figurent la superposition de deux regards : celui du plasticien et du photographe, sont accompagnées d’un journal de bord compilé et revisité par Steve Drevet à partir des fragments de notes parfois obscurs légués par Sutherland lui-même.
Cette série a été présentée au festival international de photojournalisme : VISA pour l'image en 2013, et au Collège de France, par deux anthropologues à l'occasion d'un cours sur l'anthropologie de l'art.
Découverte en 1946 par l’explorateur franco-néerlandais Cleeve Sutherland, l’île des chamans est une terre nimbée de mystère située dans l’océan Atlantique. C’est là que vivent "ceux qui soignent le monde" . Issus des quatre continents, des sorciers, guérisseurs ou magiciens, comme on les appelle parfois, se sont réfugiés sur cet îlot pour assurer la survie de leurs croyances ancestrales et transmettre leurs savoirs, fuyant le monde moderne qu’ils surnomment "l’avaleur de peuples" .
En 2010, le photographe Steve Drevet et le plasticien Claude Parent-Saura découvrent les carnets de voyage de l’explorateur Cleeve Sutherland, alors âgé de quatre-vingt dix ans. Après une longue correspondance, ils finissent par rencontrer le vieil homme. Sujet à des transes que ses médecins associent à de la démence, il vit dans un établissement psychiatrique d’Amsterdam.
Cleeve Sutherland leur confie ses découvertes ethnologiques sur cette île dont il n’a jamais voulu dévoiler l’emplacement. Ses dernières volontés sont claires : il souhaite révéler à ses deux amis les visions qu’il a eues sur l’île des chamans.
Guidés par les transes et les souvenirs de l’explorateur, Steve Drevet et Claude Parent-Saura vont reconstituer l’univers étrange de cette île et donner chair et matière à ces chamans, affublés de masques les dotant de prodigieux pouvoirs. De ce voyage allégorique naîtra un récit aux frontières de deux mondes. Les photographies, qui figurent la superposition de deux regards : celui du plasticien et du photographe, sont accompagnées d’un journal de bord compilé et revisité par Steve Drevet à partir des fragments de notes parfois obscurs légués par Sutherland lui-même.
Cette série a été présentée au festival international de photojournalisme : VISA pour l'image en 2013, et au Collège de France, par deux anthropologues à l'occasion d'un cours sur l'anthropologie de l'art.
Creatures • 11 oeuvres
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En avril 2017 je suis contacté par le directeur d'une clinique autrichienne, le docteur Nokeshima, qui[...]
En avril 2017 je suis contacté par le directeur d'une clinique autrichienne, le docteur Nokeshima, qui me propose de réaliser des portraits photographiques de patients.
Il s'agit de vingt-trois personnes souhaitant immortaliser leur convalescence avant de quitter sa clinique. Vingt-trois patients fortunés qui souhaitent garder l'anonymat le plus complet, précise-t-il. Les photographies que je ferai ne devront en aucun cas être montrées au public.
Piqué par la curiosité, je lui demande de m'envoyer une offre ainsi qu'un contrat de travail. Celui-ci est truffé de clauses m'enjoignant à la discrétion la plus totale et d'interdictions en tous genres. Pendant la durée de mon séjour, il me sera interdit de photographier ou de filmer l'intérieur de la clinique, de questionner le personnel et surtout d'avoir le moindre contact physique avec les patients. Il est stipulé que je devrai porter une combinaison spéciale pendant les prises de vue, afin de ne pas propager d'infections ou autres agents pathogènes susceptibles d'altérer le rétablissement des patients.
Le contrat est accompagné d'un cahier des charges très dense sur le style des photographies imaginé par chaque patient. Principalement des ambiances, des poses, des décors, des costumes, des maquillages inspirés de tableaux de grands maîtres de la peinture.
Nokeshima reste mystérieux quand je le questionne sur les types de soins ou d'interventions pratiqués dans sa clinique. Il évoque l'imagination sans bornes des milliardaires qu'il soigne et prétend que sa clinique est unique en son genre.
"Disons que j'œuvre modestement pour l'éternité", me dit-il.
Le 12 juillet 2017, je prends un avion pour Vienne et après une journée de route au milieu d'épaisses forêts de conifères, je parviens à la clinique de Nokeshima. En apparence, c'est un ancien hôtel de montagne des années 20, tout de granit. Tel un nid d'aigle, il surplombe une vallée boisée abritée des regards.
Les événements qui se sont déroulés dans cet établissement et les découvertes que j'ai pu y faire m'ont poussé à rendre publiques ces photographies et à envisager l'écriture d'un livre qui verra le jour prochainement.
Il s'agit de vingt-trois personnes souhaitant immortaliser leur convalescence avant de quitter sa clinique. Vingt-trois patients fortunés qui souhaitent garder l'anonymat le plus complet, précise-t-il. Les photographies que je ferai ne devront en aucun cas être montrées au public.
Piqué par la curiosité, je lui demande de m'envoyer une offre ainsi qu'un contrat de travail. Celui-ci est truffé de clauses m'enjoignant à la discrétion la plus totale et d'interdictions en tous genres. Pendant la durée de mon séjour, il me sera interdit de photographier ou de filmer l'intérieur de la clinique, de questionner le personnel et surtout d'avoir le moindre contact physique avec les patients. Il est stipulé que je devrai porter une combinaison spéciale pendant les prises de vue, afin de ne pas propager d'infections ou autres agents pathogènes susceptibles d'altérer le rétablissement des patients.
Le contrat est accompagné d'un cahier des charges très dense sur le style des photographies imaginé par chaque patient. Principalement des ambiances, des poses, des décors, des costumes, des maquillages inspirés de tableaux de grands maîtres de la peinture.
Nokeshima reste mystérieux quand je le questionne sur les types de soins ou d'interventions pratiqués dans sa clinique. Il évoque l'imagination sans bornes des milliardaires qu'il soigne et prétend que sa clinique est unique en son genre.
"Disons que j'œuvre modestement pour l'éternité", me dit-il.
Le 12 juillet 2017, je prends un avion pour Vienne et après une journée de route au milieu d'épaisses forêts de conifères, je parviens à la clinique de Nokeshima. En apparence, c'est un ancien hôtel de montagne des années 20, tout de granit. Tel un nid d'aigle, il surplombe une vallée boisée abritée des regards.
Les événements qui se sont déroulés dans cet établissement et les découvertes que j'ai pu y faire m'ont poussé à rendre publiques ces photographies et à envisager l'écriture d'un livre qui verra le jour prochainement.
Hypnagogia • 9 oeuvres
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Mon travail commence au bord des rivières, dans des endroits calmes et isolés, en pleine nature. Je[...]
Mon travail commence au bord des rivières, dans des endroits calmes et isolés, en pleine nature. Je m’assois dans un endroit confortable et porte mon attention sur le bruit blanc généré par le mouvement de l’eau. Puis j’entre dans le sommeil, en m’efforçant de rester suffisamment lucide pour ne pas m’endormir complètement. C’est cela l’hypnagogie. Aux portes du rêves, entrouvertes, surgissent des images, des apparitions, que je vais peindre ensuite à l’aquarelle.
J’ai commencé à pratiquer l’hypnagogie, enfant, par jeu, sans savoir de quoi il s'agissait. Quand j’avais 4 ou 5 ans, mes parents m’obligeaient à faire la sieste et je détestais cela. Couché dans mon lit, je fermais les yeux et je plongeais dans un état entre veille et sommeil puis je m’amusais du spectacle des images qui affleuraient à la surface de mon esprit.
Selon la rivière ou la saison, le bruit blanc généré par l’eau va être différent et va avoir une influence sur l’expérience hypnagogique et conséquemment sur la peinture.
J’aime l’idée que les rivières participent à mon travail.
De retour dans mon atelier, je numérise les aquarelles en très haute définition avec un appareil professionnel puis je les détruis. A cet instant l’image redevient aussi virtuelle que le rêve et je vais la retravailler sur mon ordinateur.
J’ai l’intuition que ces fragments de rêves font partie d’une mémoire très ancienne, primitive, car les images que je vois aujourd’hui ressemblent à celles que je voyais quand j’étais enfant. Elles sont à la fois animales, minérales, végétales et toujours non humaines. J’ai choisi d’écarter l’interprétation psychanalytique des rêves et de considérer ces images à la façon des peuples premiers, c’est à dire d’un point vue animiste ou totémique. Pour moi, ce sont des images qui s'apparentent à des entités, porteuses d’une information et d’une intériorité. Je les rends visibles grâce à l’aquarelle au bord de la rivière, puis je les rends lisibles grâce au travail sur ordinateur.
Le travail numérique me permet de prendre du recul et de dialoguer avec l’image. J’interviens peu sur l'aquarelle originelle, si ce n’est pour souligner un contour ou raviver des couleurs. Mon objectif premier n’est pas esthétique, je veux simplement ajouter une strate, une couche contemporaine, actuelle, à quelque chose qui est bien plus vieux que moi. Cette démarche m'a été inspirée par certains peuples Aborigènes. En Australie, on a retrouvé des peintures rupestres vieilles de milliers d’années et on s’est aperçu qu’elles avaient été repeintes au cours des siècles afin que l’entité, ou le totem représenté sur la roche, reste actif et puisse continuer à agir sur le monde.
L’image finale est ensuite imprimée en très haute résolution, avec des encres pigmentaires, sur une feuille de papier Washi. Le Washi est un papier artisanal confectionné par des maîtres papetiers au Japon depuis le VIIème siècle. Il a une texture organique et une résistance exceptionnelle dans le temps. Au Japon on dit de ce papier qu’il dure mille ans. Il y a en filigrane l’idée de retenir l’empreinte d’un fragment de rêve qui a duré une fraction de seconde, sur un papier qui traversera les siècles. Quant au fichier numérique, virtuel et crypté, peut-être survivra-t-il pendant des millénaires...
Sur chaque œuvre de ce projet, j’appose une paillette d’or que j’ai trouvée dans une rivière, enrobée d’une bulle de vernis-colle. J’ai commencé l’orpaillage il y a une quinzaine d’années et j’ai appris plus tard que l’or provenait de la collision d’étoiles. Ces petites paillettes portent donc en elle une mémoire extraterrestre et bien plus vieille que notre monde. L’orpaillage s’apparente pour moi à la recherche artistique qui consiste à creuser des failles, des fissures, des interstices du réel.
Les images de ce projet n’ont pas de noms explicites. Les baptiser reviendrait à les figer dans un sens, une interprétation et je souhaite qu’elles conservent une forme de virginité, de pureté, comme lorsque je les voyais enfant et que je pratiquais l'hypnagogie sans le savoir. J’ai donc choisi de leur donner un code qui commence toujours par “R”, première lettre du mot “rivière”, et une suite de chiffres qui correspondent aux coordonnées personnelles de l’endroit où je les ai rêvées puis peintes, au bord de l’eau.
Peu à peu, j’établis une cartographie de mes rêves.
Dans Le Promontoire du Songe Victor Hugo s'interroge : « L’assoupissement du corps est-il un réveil des facultés inconnues, et nous met-il en relation avec les êtres doués de ces facultés, lesquels ne sont point perceptibles à notre organisme quand la bête le complique, c’est-à-dire quand nous sommes debout, allant et venant en pleine vie terrestre ? Les phénomènes du sommeil mettent-ils la partie invisible de l’homme en communication avec la partie invisible de la nature ? »
J’ai commencé à pratiquer l’hypnagogie, enfant, par jeu, sans savoir de quoi il s'agissait. Quand j’avais 4 ou 5 ans, mes parents m’obligeaient à faire la sieste et je détestais cela. Couché dans mon lit, je fermais les yeux et je plongeais dans un état entre veille et sommeil puis je m’amusais du spectacle des images qui affleuraient à la surface de mon esprit.
Selon la rivière ou la saison, le bruit blanc généré par l’eau va être différent et va avoir une influence sur l’expérience hypnagogique et conséquemment sur la peinture.
J’aime l’idée que les rivières participent à mon travail.
De retour dans mon atelier, je numérise les aquarelles en très haute définition avec un appareil professionnel puis je les détruis. A cet instant l’image redevient aussi virtuelle que le rêve et je vais la retravailler sur mon ordinateur.
J’ai l’intuition que ces fragments de rêves font partie d’une mémoire très ancienne, primitive, car les images que je vois aujourd’hui ressemblent à celles que je voyais quand j’étais enfant. Elles sont à la fois animales, minérales, végétales et toujours non humaines. J’ai choisi d’écarter l’interprétation psychanalytique des rêves et de considérer ces images à la façon des peuples premiers, c’est à dire d’un point vue animiste ou totémique. Pour moi, ce sont des images qui s'apparentent à des entités, porteuses d’une information et d’une intériorité. Je les rends visibles grâce à l’aquarelle au bord de la rivière, puis je les rends lisibles grâce au travail sur ordinateur.
Le travail numérique me permet de prendre du recul et de dialoguer avec l’image. J’interviens peu sur l'aquarelle originelle, si ce n’est pour souligner un contour ou raviver des couleurs. Mon objectif premier n’est pas esthétique, je veux simplement ajouter une strate, une couche contemporaine, actuelle, à quelque chose qui est bien plus vieux que moi. Cette démarche m'a été inspirée par certains peuples Aborigènes. En Australie, on a retrouvé des peintures rupestres vieilles de milliers d’années et on s’est aperçu qu’elles avaient été repeintes au cours des siècles afin que l’entité, ou le totem représenté sur la roche, reste actif et puisse continuer à agir sur le monde.
L’image finale est ensuite imprimée en très haute résolution, avec des encres pigmentaires, sur une feuille de papier Washi. Le Washi est un papier artisanal confectionné par des maîtres papetiers au Japon depuis le VIIème siècle. Il a une texture organique et une résistance exceptionnelle dans le temps. Au Japon on dit de ce papier qu’il dure mille ans. Il y a en filigrane l’idée de retenir l’empreinte d’un fragment de rêve qui a duré une fraction de seconde, sur un papier qui traversera les siècles. Quant au fichier numérique, virtuel et crypté, peut-être survivra-t-il pendant des millénaires...
Sur chaque œuvre de ce projet, j’appose une paillette d’or que j’ai trouvée dans une rivière, enrobée d’une bulle de vernis-colle. J’ai commencé l’orpaillage il y a une quinzaine d’années et j’ai appris plus tard que l’or provenait de la collision d’étoiles. Ces petites paillettes portent donc en elle une mémoire extraterrestre et bien plus vieille que notre monde. L’orpaillage s’apparente pour moi à la recherche artistique qui consiste à creuser des failles, des fissures, des interstices du réel.
Les images de ce projet n’ont pas de noms explicites. Les baptiser reviendrait à les figer dans un sens, une interprétation et je souhaite qu’elles conservent une forme de virginité, de pureté, comme lorsque je les voyais enfant et que je pratiquais l'hypnagogie sans le savoir. J’ai donc choisi de leur donner un code qui commence toujours par “R”, première lettre du mot “rivière”, et une suite de chiffres qui correspondent aux coordonnées personnelles de l’endroit où je les ai rêvées puis peintes, au bord de l’eau.
Peu à peu, j’établis une cartographie de mes rêves.
Dans Le Promontoire du Songe Victor Hugo s'interroge : « L’assoupissement du corps est-il un réveil des facultés inconnues, et nous met-il en relation avec les êtres doués de ces facultés, lesquels ne sont point perceptibles à notre organisme quand la bête le complique, c’est-à-dire quand nous sommes debout, allant et venant en pleine vie terrestre ? Les phénomènes du sommeil mettent-ils la partie invisible de l’homme en communication avec la partie invisible de la nature ? »
Oeuvres Vendues • 5 oeuvres
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