Pouffet Image de profil

Pouffet

Retour à la liste Ajouté le 7 nov. 2008

Critique de la faculté de juger des beaux-arts

Critique de la faculté de juger
Des beaux-arts

Il n’y a pas de science du beau, mais il est en existe seulement une critique, et il n’y a pas non plus de belles sciences, mais seulement des beaux-arts. Car , en ce qui concerne une science du beau, il faudrait qu’on puisse y déterminer scientifiquement, c’est à dire par des raisons démonstratives, si quelque chose doit ou non être tenu pour beau ; le jugement sur la beauté, étant donné qu’il appartiendrait à la science, ne serait dès lors pas un jugement de goût. En ce qui concerne l’idée d’une belle science, une science qui , en tant que tell, devrait être belle est un non-sens. Car si l’on lui demandait, en tant que science, des principes et des preuves, on n’obtiendrait pas des formules élégantes ( bons mots).Ce qui a pu donner naissance à l’habituelle expression de belle sciences est sans aucun doute uniquement cette remarque tout à fait juste que les beaux-arts, dans toute leur perfection, exigent beaucoup de science, comme par exemple la connaissance de langues anciennes, une lecture assidue des auteurs tenus pour classique, l’histoire, la connaissance des antiquités, etc.., et parce que ces sciences historiques constituent la nécessaire préparation et le fondement des beaux-arts, en partie aussi parce qu’on y inclut la connaissance des produits des beaux-arts.(éloquence et poésie ) , on a appelé belles sciences, à la faveur d’une confusion de termes, les sciences en question.
Si l’art qui correspond à la connaissance d’un objet possible se borne à accomplir les actions nécessaires afin de le réaliser, il s’agit d’un art mécanique ; il s’appelle un art esthétique. Celui-ci est ou bien un art d’agrément quand sa fin est que le plaisir accompagne les représentations en tant que simple sensations ; c’est un des beaux-arts lorsque la fin de l’art est que le plaisir accompagne les représentations en tant que modes de connaissance.
Les arts d’agrément sont ceux qui ont pour seule fin la jouissance ; au nombre de ceux-ci sont tous les attraits qui ont le pouvoir, à une table, de contenter la société : par exemple, raconter de façon distrayante, amener la société à une conversation franche et vivante, la disposer par la plaisanterie et le rire à un certain ton de gaîté, en lequel, comme on dit, on ne peut bavarder à tort et à travers, de telle façon que personne n’assume la responsabilité de ce qu’il dit, parce qu’il ne s’agit que d’une conversation passagère et non de quelque chose qui serait destiné à fournir matière, durablement, à médiation ou à répétition. (Ce dont relève aussi la manière dont la table est dressée pour la plaisir, ou encore, dans les grands banquets, la musique de table -chose singulière qui constituant simplement comme un bruit agréable, doit entretenir la disposition des esprits à la joie et qui , sans que personne accorde jamais la moindre attention à sa composition, favorise la conversation libre entre voisins ) A quoi viennent s’ajouter tous les jeux, qui n’ont d’autre intérêt que de faire s’écouler le temps sans qu’on s’en aperçoive.
Les beaux-arts, en revanche , sont un mode de représentation qui présente en lui-même un caractère finalisé et qui bien que sans fin, contribue pourtant à la culture des facultés de l’esprit en vue de la communication sociale.
La communicabilité universelle d’un plaisir implique déjà en son concept qu’il ne saurait s’agir d’un plaisir de jouissance procédant de la simple sensation, mais d’un plaisir de la réflexion ; et en ce sens l’art esthétique, en tant qu’il est constitutif des beaux-arts, est un art qui a pour mesure la faculté de juger réfléchissants et non pas la sensation des sens.

Kant
Traduction et présentation Alain Renaut GF Flammarion

Artmajeur

Recevez notre lettre d'information pour les amateurs d'art et les collectionneurs