Ajouté le 16 nov. 2006
• Pourquoi peins-tu depuis si longtemps ?
Une semaine que je tape des mots, Microsoft Word, que je bleuis les pages d’un cahier quadrillé, de mon stylobille bleu.
Rien ne va plus, c’est la question à trois zéros.
Le style, il me faut un style, de stylo bleu-Bic, comme un style en peinture, en cuisine, en fringues, le style est une énigme.
« Le style c’est mon cul » Charles Bukowski. Le style, c’est la signature de l’artiste à un moment donné de l’histoire, à une époque donnée, avec les moyens techniques propres à ce moment là. Mais, reste une énigme…
Ce sont les artistes qui font l’art, par leur style, qui leur vient des anciens Maitres.
« L’art n’existe pas, il n’y a que des artistes » E. Gombrich
Je n’aime pas écrire sur moi. Mes images, ce n’est pas moi, mes images, c’est le style ! La peinture c’est le style ! Je suis ce style, donc c’est moi, j’adore les sophismes, ils correspondent à l’époque.
Je n’aime pas parler de moi, sauf à ma psy, transfert et contretransfert ; ça marche bien !
A mesure, je suis ce que je ne suis pas, je sais ou je suis…, quoi, qui ?
J’aime peindre, dessiner, tracer des formes, mélanger les couleurs, j’aime
Le matériel, pinceaux, toiles, papier, crayons, les odeurs, l’atelier.
Peindre est un plaisir, je peins, je prends du plaisir.
Tu prends une toile, et tu étales de la couleur,
C’est comme de la pâte, écoutez, le mot se colore, COU-LEUR, un coup sec au début de la gorge, COU, et un tortillement de la langue, genre sensuellement arrogant, bouche rouge à lèvres Christina Aguilera !, la langue titille le palais, LEUR !
Même le mot prépare ! Préliminaire, tu mélanges du blanc et du noir, une touche de terre d’ombre, tu regardes si le ton est juste, comme en musique, si ça sonne bien. Si ça tient debout, où couché, ou dans tout les sens, Je peins à plat, ça me fait mal au dos !
Je tourne autour, je peins plusieurs toiles à la fois, entre 20, 25, 30…
Je pense, donc je suis, je peins donc je pense, donc je suis, ha, encore un beau sophisme.
Je baise avec la toile, je jouis, j’éjacule des jets de couleurs, c’est bon…
Je peins, c’est du plaisir.
L’inconscient c’est du désir, refoulé ou inconnu!
Le désir, c’est vouloir tuer le père, couché avec sa mère, haïr sa femme, son voisin, ses enfants, son chien, la confiture aux figues, les endives ou aimer sa Reine, ses chiens, son patron, sa voiture, les haricots verts, des montres molles, des gares, des femmes nues et blanches, des anges ?…L’homme est mauvais par nature.
Il peut être bon par la conscience de la connaissance du bien et du mal, de la règle, de la loi du Père.
Le désir, c’est l’imaginaire du je.
« L’inconscient est structuré comme un langage » J. Lacan.
Je trace l’alphabet de mon langage, je compose en coups de pinceaux, des mots, des phrases, des chapitres, des nouvelles, des romans, des essais, des images !
L’Inconscient ! Rêve, dans la nuit, de corps de belles femmes, de chaleur intérieure, extérieure, doux comme de la soie.
« Ceci n’était qu’un rêve d’enfant » dernière case, Littel Némo !
Désir, le matin, après le thé, p’tit dèj, désir de revoir, et d’un geste plonger le corps et l’âme dans un pot de rouge. Body and soul, Dexter Gordon…Minuit quarante, quelques jours après.
Un peu onaniste, je suis seul dans l’atelier, la sono gueule, jazz, rock, nouvelles sonorités, musique d’aujourd’hui.
Nouvelle peinture, c’est la mienne, d’aujourd’hui, contemporaine, aujourd’hui et maintenant.
La peinture à toujours été contemporaine !
Il est cinq heures, le jour va tomber sur Bruxelles, en ce début de printemps.
J’adore le printemps !
Depuis tout petit, il paraît que j’ai un don, je dessine, je barbouille, mes profs, ma famille,
M’ont mis ce truc dans le crâne. Alors, j’ai appris, j’ai fais des études pour connaître les proportions, la perspective, les couleurs, l’histoire de l’art. Je n’étais plus libre. Je devais me conformer.
Travailler, réussir !
On attendait de moi, des résultats, un avenir !
Beaux-arts, Fabrique à chômeurs, comment vas-tu gagner ta vie avec ça ?
Pas d’autre alternative, faut pas croire, mais ça ne nourrit pas son homme, encore moins une famille, « Van Gogh », a crié ma mère ! Prof dans la Fabrique, un bel avenir, fournir des chômeurs à la pelle et être tous payés par le citoyen…
Magnifique, le serpent se mort la queue ! Mais je prenais mon pied, pas la peine d’aller à la fac où à l’usine, j’avais un don, je marche dans le système, j’ai donc beauxzarder !
Tu arrives dans la Fabrique, tu as 18 ans, et de suite on te demande d’avoir un style, le fameux style (de stylo), tu es jugé très vite ! Alors que toi, tu patauges avec les autres, avec les expos, les musées, les bouquins, tu apprends ! Tu essayes des tas de trucs, mais le Style, il faut du temps, faut connaître, faut apprendre.
J’ai compris que peindre, c’est apprendre à regarder. « Ce que je n’ai pas dessiné, je ne l’ai pas vu » Goethe. Il écrit dans un petit texte édité en 1821 :
« J'ai pensé depuis longtemps que le dessin est souvent mentionné dans mes confessions, dans les renseignements que j'ai donnés sur le cours de ma vie, si bien que l'on pourrait demander non sans raison pourquoi donc rien de satisfaisant au point de vue artistique n'a pu sortir de ces efforts répétés et de cette permanente prédilection d'amateur. »
Je peins pour apprendre, bingo ! Je vais tout connaître, tout avaler, des images, lire des bibliothèques, des milliers d’images à regarder et à comprendre, de quoi remplir
Plusieurs vies.
Un prof, un peintre, Michel Barthélemy, me mit le pied à l’étrier, en troisième Sciences Humaines, secondaire. Trois années avec lui. Une rencontre décisive, qui allait changer ma vie.
Grâce à lui, j’en connaissais déjà un bout, j’avais commencé à peindre à l’huile, quelques expositions, visite de musée, le Louvre pour la première fois, quatre heures de cours semaine.
J’appris à regarder, a comprendre une image, un tableau, voir ne suffit pas, à travers l’art de la peinture, on dialogue.
Je peins pour dire …
Je peins pour transmettre…
Je peins pour m’améliorer, pour être meilleur.
Je peins pour parvenir à l’excellence. De mieux en mieux, c’est ça le style !
Je peins pour ne pas mourir, je peins par amour, je peins pour me faire aimer.
Je peins pour oublier le temps, pour l’arrêter, pour vaincre mes peurs.
J’ai besoin tout les matins de réintégrer le vortex, le couloir hors temps, au-delà du temps !
La création est un vortex, un autre espace-temps…Comme le rêve où rien ne nous oblige, où
L’on ne se cogne pas au réel, apesanteur de l’âme, du corps, Body and Soul…
Assuétude, au-delà de l’alcool, des drogues et du sexe.
La Foi, déplace des montagnes (le Christ)
Elle nous éloigne du mal. Le chemin de l’excellence. Chemin de Croix..
Je peins parce que j’ai la Foi.Etre, agir, ne pas subir la lobotomie générale du cortex occidental !.
Je crois donc j’agis.
J’étais, je suis, je serai……
René Dauby… (À suivre).........Illustration: Johan Wolgang Goethe