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Mica Barbot

Retour à la liste Ajouté le 18 juil. 2008

La saudade est le mot portugais qui désigne un sentiment de nostalgie, le mal du pays ou le manque d’une personne aimée. C’est une sorte de souffrance douce, même belle, lorsque l’on sait qu’on va bientôt pouvoir y remédier. Mais elle peut devenir insoutenable, si la situation s’avère sans espoir. On raconte que certains esclaves noirs du Brésil colonial se laissaient tout simplement mourir, le cœur blessé d’une « langueur monotone » appelée le banzo, maladie incurable et mortelle, la saudade poussée à sa limite ultime.
Dieu merci, Mica Barbot n’en est pas là. Elle n’en reste pas moins tenaillée par la saudade de son Ipanema, son quartier d’origine, et elle la conjure par une démarche picturale où deux motifs s’entrelacent et se répondent : la mosaïque du trottoir du bord de mer et la montagne « Dois Irmãos » que l’on peut voir de la plage. La répétition inlassable de ces deux motifs forme comme une incantation qui la protège, c’est comme si elle se répétait à voix basse « je suis de LÀ–BAS, c’est MA montagne, je ne l’ai pas ici, mais je la conserve dans ma tête et dans mon ventre, elle est ma mère et ma fille, elle est dans moi et autour de moi », et comme cela sans désemparer, pendant qu’elle applique ses couleurs sur le support amoureusement, méthodiquement, comme une obsession.
Le brésilien est fataliste, il a appris à vivre dans l’adversité, il ne craint pas la souffrance car il l’exorcise avec son corps, par le jeu, la danse, le sport, le sexe. La souffrance, il ne s’en plaint pas car il le sait inutile, il en ricane et contre-attaque. Par la célébration. Aussi, la douce souffrance de sa saudade Dominique la transforme en une véritable fête de lumière, chaque petite pierre de la mosaïque étincelant comme un confetti céleste, scandant le profil de SA montagne.
C’est pourquoi je ne saurais considérer un tableau de cette artiste comme une simple œuvre d’art, mais plutôt comme une déclaration en bonne et due forme, une déclaration solennelle de son attachement sans vergogne et sans retenue à son Ipanema – qui est le mien d’ailleurs - une déclaration d’un amour débordant et nourricier, dont Vinicius de Morais pourrait redire « qu’il ne soit pas immortel puisque c’est flamme, mais qu’il soit infini tant qu’il dure ». Ainsi soit-elle.


Sérgio Saad

ArtMajeur

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