Ajouté le 5 janv. 2008
Ahmed Kadiri expose à la Galerie d’Art de Tanger
· Le peintre exprime sa passion pour la ville du Détroit
· Des travaux expressionnistes, d’autres abstraits avec des références à l’art naïf
Ahmed Saïd Kadiri n’y va pas par quatre chemins. Dans Tanger… ou le bonheur en bleu, sa première exposition «en solo», il se lance à corps perdu dans la représentation multiforme de son amour pour Tanger.
La passion évidente de cet autodidacte éclairé pour la ville du Détroit, où il est né il y a 36 ans, explose dans plus d’une vingtaine d’œuvres, sur les 34 accrochées à la Galerie d’Art Tanger jusqu’au 12 janvier. Une nouvelle galerie (après la récente ouverture de TanjaFenn au quartier Dradeb) accueille en cette occasion sa première exposition.
Dans cet espace situé sur un tronçon sans histoire de la rue de Hollande, que ne mettait jusque-là en valeur que la proximité de la trépidante rue du Mexique, la galerie, fenêtre largement ouverte, introduit dès la fin de l’après-midi une note inédite de lumière. Mais là n’est pas l’unique raison de la venue de ces visiteurs s’attardant sur le détail des oeuvres. La présence de la plupart d’entre eux est due au travail de communication averti réalisé par les trois cogérants de la galerie: un collectionneur de tableaux, Allal Fouadi, et deux artistes-peintres connus, Abdelaziz Bulafrakech et Omar Salhi. C’est ce dernier, autodidacte lui aussi, qui a convaincu Kadiri de mettre fin à une pause de plusieurs années, pour se remettre à ses pinceaux en 2000, année du démarrage de l’ensemble des œuvres exposées. Un ensemble des plus éclatés, où se côtoient, sur des supports divers, aussi bien des travaux expressionnistes que des tableaux abstraits, avec des références à l’art naïf. Et la variété des techniques n’est pas en reste, comme si l’artiste avait voulu, dans cette première rencontre individuelle avec le public, donner à voir des sources d’influence aussi exhaustives que possible.
En fait, la dispersion est relative, cette expo très singulière palliant l’absence de style dominant par l’omniprésence de la couleur bleu. «Blue», plus exactement, l’auteur ayant décidé de nommer quasiment toutes ses œuvres dans la langue de Shakespeare. Clin d’œil, peut-être, après l’obtention d’un DEUG en littérature anglaise, à des études ratées en leur temps pour cause de visa, en philologie anglaise dans la belle ville de Grenade.
On admirera sans réserve, par ailleurs, le foisonnement de sens que Kadiri a su en tirer, comme cette manière de dire la «Solitude» avec ce marabout perdu dans une immensité de bleu foncé pour la mer, et de bleu ciel. Tout comme ce «White and blue», où la ville a tout l’air d’un fouillis joyeux de blancheur dans un écrin de bleu, tout Tanger, que l’on retrouve aussi dans un coloris beige au sein duquel se devinent des feux rutilants, comme si la ville s’évertuait à retenir des trésors fabuleux. On ne peut pas prétendre, cependant, que la représentation de Tanger puise dans le seul expressionnisme: que dire sinon de ce «Souk barra» transfiguré par des traits tirés au cordeau? Et de «Mystic Tanjah», une huile magnifique où s’interpénètrent le bleu et le vert, dans une fulgurance d’ombres et d’émergences nacrées…? Et du verre de thé «photographié» sur une chaise pour signaler le café Hafa?
On rencontre d’autres surprises encore, comme ces encres exécutées avec une remarquable finesse. Est-ce une réminiscence du temps où, adolescent possédant déjà l’art du dessin, Ahmed Kadiri réalisait de bon gré, pour sa mère couturière, des motifs pour agrémenter les tissus?
Que de figures de style dans l’expressionnisme de Kadiri, tout de même! Voilà qui augure, à défaut de l’acquisition d’un style déjà repérable, d’un souci réel de recherche et de construction de sa propre personnalité artistique.
De notre correspondant,
Nacer OURAMDANE