Ajouté le 24 nov. 2016
Un passé riche
Tout d’abord, il m’a fallu approfondir mes connaissances en matière d’histoire de l’art, avec tous ces siècles de création en matière de peinture, sculpture, architecture, m’enrichir de toutes ces œuvres si chargées de l’esprit d’une époque. Il est bien prétentieux de tenter de créer des œuvres parfaitement nouvelles. Cependant le besoin de créer étant fondamental pour l’homme, l’expérience artistique résonna pour moi comme une recherche de la modernité, avec le désir de fonder et d’inventer une toile nouvelle. Œuvrer pour une véritable aventure moderne tout en ayant conscience que cette nouveauté serait toute relative.
Annoncer de nouvelles formes revient à proposer de nouvelles manières de penser, il faut donc essayer de développer un esprit curieux, inventif et intuitif. Mais il faut découvrir avec une grande attention et une grande modestie les œuvres déjà réalisées. Les siècles ont permis aux artistes de montrer un savoir-faire et une vision des choses.
En quête du Beau
Une œuvre d’art est souvent étonnante par sa finesse, son goût, et par sa beauté. Le mot est lancé : il faut bien avouer que je porte un regard pointu sur la beauté. J’entends par « beauté » celle des lignes, une harmonie colorée, la matière picturale, et la beauté de l’esprit, celle du peintre qui entreprend une recherche. Une œuvre d’art sera d’autant plus sublime qu’elle elle comportera l’ensemble des qualités citées, mais il s’agit aussi d’une élégance subtile et mystérieuse. Tout cela sans éléments spectaculaires et trop attendus. J’ai toujours été attiré par des œuvres qui revendiquaient la recherche du Beau. Comment étaient-elles construites pour dégager tant de beauté ? Etait-ce une question de technique ? Est-ce que l’invention de la peinture à l’huile a participé à cette aventure ? Des siècles étaient-ils plus propices que d’autres à faire surgir une création de haut niveau ? J’ai cherché des réponses en peignant moi-même mais ma quête reste encore aujourd’hui emplie d’énigmes.
Premières principales influences
Dès 1985 j’attachais beaucoup d’importance dans un dessin aux règles de composition et à la qualité du trait. Je voulais comprendre et utiliser la perspective. Mes études d’arts appliqués de 1986 à 1989 trouvaient tout leur sens : Cours d’anatomie, d’histoire de l’art, de perspective et études documentaires ponctuaient notre rythme hebdomadaire avec une moyenne de quinze heures de dessin. Je m’interrogeais également sur le sens de l’image, ce qu’elle véhicule, et je voulais créer de nouvelles situations, inattendues et étonnantes d’où mon attrait pour le mouvement d’André Breton : Je voulais explorer le monde de l’inconscient et du rêve, peindre avec le principe fondateur du Surréalisme qui mettait l’accent sur l’automatisme psychique. Je composais des scènes qui désarticulaient la réalité. J’ai compris que je marchais sur les pas des découvertes de Freud ou du dessin automatique d’André Masson.
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Au début des années 90, outre le mouvement surréaliste, la Renaissance Italienne occupait une grande place dans ma recherche picturale. Les peintres du Quattrocento et du Cinquecento m’ont beaucoup appris. L’œuvre de Sandro Botticelli est celle qui me toucha le plus par ses portraits d’âme, où, au-delà de la douceur, on ressent la psychologie, la vie intérieure des personnages. Je ne connaissais pas encore vraiment la signification des mots « idéal » ou « canons de beauté » mais son art était à mes yeux la quintessence de la beauté. Et surtout, j’étais touché par la présence de ses personnages.
Les œuvres De Léonard de Vinci m’encouragèrent à étudier son sujet de prédilection, à savoir « le mystère de la vie ». J’utilisais pour ce fait le sfumato. Dérivé du mot italien fumo la fumée, le sfumato est une technique de peinture consistant à peindre sans ligne ni contours, à la façon de la fumée. C'est un effet vaporeux, obtenu par la superposition de plusieurs couches de peinture extrêmement délicates, qui donne au sujet des contours imprécis : Il m’ouvrit la porte vers l’utilisation du fusain. Rien que par ce morceau de charbon de bois, j’arrivais à entrevoir des espaces insoupçonnés auparavant. J’ai développé un travail sur l’ombre et la lumière. Et avec la technique du pastel je travaillais le clair-obscur. Toujours sous l’influence de Vinci, j’ai commencé à dessiner dans des carnets de nombreuses planches anatomiques ainsi que des recherches multiples et oniriques.
Je m’intéressais au portrait et de 1990 à 1996 j’ai tout particulièrement étudié la physionomie. Je souhaitais construire un ensemble de « visages du monde ». Je suivais de près l’actualité du monde, je prenais conscience de l’urgence de certains événements. Et à travers toutes ses actions c’est surtout l’homme et sa part d’humanité que je retenais. Parmi les livres que je lisais à cette époque Le Journal d’Eugène Delacroix m’a beaucoup marqué. J’avoue que son œuvre me transportait, surtout ses carnets de voyage. Je sentais dans les dessins de Delacroix son incroyable liberté de trait. Et j’étais conquis par sa richesse de ses variations techniques : aquarelle, crayon, encre. Toutes ces lectures ont pu influencer mes peintures du moment. De plus je m’interrogeais beaucoup sur l’identité et la place de l’artiste, « obsession » créatrice qui a débouché sur un travail plastique maniériste et contemporain en utilisant les techniques mixtes, le papier calque, l’encre, plus particulièrement le brou de noix. Le brou de noix par sa couleur me fut inspiré par les dessins de Raphaël, de Léonard de Vinci, de Rembrandt ou de Claude Gellée dit le Lorrain. Pendant cette période je découvris aussi Claude Monet qui instaura l’idée de série. J’ai modestement fait des séries, dont une ayant pour thème les expressions du visage : Le rire, la joie, la peine, la tristesse, l’étonnement, etc. Je m’efforçais de traduire cela artistiquement. Mes œuvres plastiques étaient alors intitulées Têtes Ecriture et Visages Ecriture suivi d’un nombre. Toute œuvre invite au voyage. Et pour m’aider à montrer des visages aux multiples identités, j’écoutais de nombreuses bandes sonores aux accents orientaux. Pour m’aider à pousser l’idée de voyage encore plus loin.
De 1990 à 1993 j’étais assidu aux conférences hebdomadaires de l’Ecole Nationale des Beaux-arts de Bourges. Nous recevions des personnalités très éclectiques du monde de l’art. Je me souviens de l’américain Bill Viola, le pionnier de l’art vidéo, et de ses montages artistiques exceptionnels. Il m’a aidé à m’ouvrir aux autres formes d’expressions artistiques. Autre conférence phare, celle de Jean-Hubert Martin, le commissaire de l’exposition Les Magiciens de la Terre, qui était venu nous parler de son intérêt, sur la scène internationale de l’art contemporain, pour des artistes non-occidentaux. Il m’a aidé à ne pas hésiter à regarder ailleurs.
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Les pigments, le Mexique
De 1997 à 2002, ma peinture connaît, si je puis dire, un nouvel essor suite à un changement majeur : l’utilisation de pigments. Ce déclic s’effectua par la vision d’un documentaire sur les peintres de Oaxaca et par des visites régulières à la Galerie Matignon 32 à Paris, fondée en 1994 et dirigée par un grand amateur d’art mexicain, Alec Henriquet. Rencontres avec des œuvres de Francisco Toledo, Rodolfo Morales, ou encore Rolando Rojas. Les artistes mexicains m’ont marqué parce qu’ils relient leur pratique artistique à la vie de tous les jours et ne font pas de distinction entre des arts dits majeurs ou mineurs. La tapisserie, les céramiques peintes ont autant d’importance qu’une toile ou qu’un dessin. De plus, on sent chez eux un lien très fort à leur terre. Terre nourricière, terre des rêves, terre de la fête des morts, terre des dieux,… terre des pigments. Tout est dit.
Dans un documentaire sur les peintres d’Oaxaca le passage qui m’a marqué reste celui où l’artiste Cécilio Sanchez parle de la genèse d’un dessin. Il touche le papier en fibres sur lequel il s’apprête à peindre. Ce geste va lui indiquer le chemin à suivre pour l’œuvre à créer, une sorte de transmission instantanée. Une démarche qui n’est pas sans rappeler la peinture « automatique » des surréalistes comme Wifredo Lam.
Je me suis senti proche des peintres mexicains et de leur désir de représenter les rêves et les puissances de la nature. Ce rapport très fort à la terre m’a convaincu de peindre avec des pigments naturels, comme si je pouvais insuffler plus de vie dans le tableau. Mon interrogation fut alors tournée vers une figuration symbolique de la terre et de ses mythes. Les histoires, les rêves avaient donc un sens. D’où les disparates, une suite de dessins fantastiques qui racontaient des croyances. J’entrepris aussi une recherche sur les formes organiques, avec une nécessité d’explorer la nature et d’arriver à un vocabulaire de formes symboliques. J’avais le désir de faire surgir des formes nouvelles par la création d’animaux hybrides et fantastiques. Un mélange de bêtes naturelles et surnaturelles en quelque sorte. Le sens du détail, la composition de dessins riches de différents matériaux ont donné naissance à des dessins de petits formats très chargés, baroques et microcosmiques, d’une cosmogonie ludique. Ces dessins ont été réalisés avec des papiers mates, brillants, colorés ou transparents, collés sur des fonds d’encres et animés par la présence de petits êtres à formes animales, humaines, souvent mythologiques.
Influence du fauvisme
Quant au travail sur la toile, il évoluait assez vite vers des recherches aux couleurs dignes d’une palette fauve. C’était comme si le jaune ou le rouge devait prendre sa place avec générosité. L’idée de construire le tableau avec la perspective, digne méthode de la renaissance italienne était devenu obsolète. Dorénavant l’espace du tableau était construit par la couleur. Et la question des couleurs chaudes ou froides prenaient tout son sens. Je découvrais combien les couleurs avec leurs valeurs respectives prenaient leurs places dans l’espace du tableau. Certaines de tendance chaude venaient au premier plan et les couleurs froides en arrière. Comme chacun sait. Cependant, à ma grande surprise, il n’y avait que cette règle pour décider de leur positionnement. Mais aussi la quantité de peinture posée entrait en jeu. La pâte picturale. Révélation intéressante, comme une possibilité nouvelle de penser la peinture. Et surtout de la pratiquer. Je me suis senti proche de Paul Gauguin et de certains peintres fauves.
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Leurs rapports à la peinture étaient tels que certains les qualifier de primitifs. C’est à dire une peinture qui laisse une grande place à l’intuition. L’influence des grands maîtres fauvistes a fait que mes peintures de la période allant de 2000 à 2002 donnaient un sentiment d’étrangeté, comme un nouvel éden peuplé de silhouettes humaines et animalières. Mais l’influence du fauvisme fit naître chez moi une interrogation plus poussée sur la matière picturale et sa préparation.
Rencontres décisives
En l’an 2000 je rencontrai Marie-Laure Chazel-Lesec, galeriste et commissaire d’exposition à Vichy. Elle me proposera une exposition au musée de la Lithographie de Saint-Pourçain-sur Sioule (03) au côté des sculptures d’Alain Friaud. Ce fut le début de ventes d’œuvres auprès de collectionneurs privés. Grâce à Marie-Laure Lesec suivra une participation à une grande exposition intitulée La Bible, Formes et Couleurs, Maîtres Contemporains. Cette exposition circula de 2000 à 2005 en France et en Belgique. L’idée était de demander à quarante-cinq artistes de réputation nationale ou internationale, dont Taka Misukami, Henri Guibal, Pierre Lafoucrière, Mohammed Kacimi, de choisir un passage de la Bible et de l’interpréter selon leurs sensibilités artistiques. Aussi l’exposition montra une réflexion sur les liens entre l'art et la spiritualité contemporaines. Un D.V.D La Bible et l'Art contemporain verra le jour avec les voix off de Charlie Eldin, Roland Giraud et Arielle Séménoff. Des colloques avec des personnalités religieuses accompagnèrent l'exposition.
En février 2003 je reçus un choc artistique avec l’exposition intitulée Abdallah Benanteur, le peintre des poètes à l’Institut du Monde Arabe à Paris. La même année je rencontrai Claude Lemand galeriste et éditeur d’art à Paris. Ce fut le début d’une collaboration professionnelle. Mes pastels ont été exposés en 2004 aux côtés des sculptures de Manabu Kochi sur le thème du Portrait de L'Oiseau-Qui-N'Existe-Pas de Claude Aveline. Cette collaboration m’a beaucoup appris sur le rapport peintre-galeriste, le marché de l’art international, l’institution et les musées.
Inspirations nées de la nature
Entre 2003 à 2005 je cherchais à peindre des oiseaux après avoir observé leurs mouvements dans le ciel. Ceux-ci m’inspiraient des dessins et des toiles où je travaillais leurs arabesques, série intitulée Chorégraphies Spatiales. Je prêtais une attention particulière dans mes compositions à l’équilibre des lignes et des couleurs et j’étais soucieux de la matière picturale, de sa densité, de son épaisseur.
Entre 2004 et 2005 je travaillais sur les mouvements de la terre : comment faire ressentir ses soubresauts, ses humeurs, ses changements, un peu comme si on entrait à l’intérieur. Fusions, évasions, tensions. Souffle, calme, douceur. Toute couleur possède sa tonalité propre, chaude, froide, mais il existe une infinité de nuances intermédiaires sur lesquelles je travaillais. Je fus inspiré aussi par des séjours en Martinique : volcans, vagues, vents, les éléments me parlèrent. Cela déclencha la réalisation de tableaux qui portaient une mémoire du lieu. Je me demandais comment parler de l’île, non pas avec des descriptions figuratives ou des éléments narratifs qui pourraient facilement « raconter » et « montrer » la Martinique. Non, je dirais que je cherchais à montrer des impressions, des sensations globales. Et je cherchais à peindre tout cela avec une « exaltation » qui pourrait me rapprocher des peintres de l’abstraction lyrique. Je travaillais « la musicalité » de l’œuvre. J’ai réalisé des séries intitulées Espaces Paysages, Les Champs Aériens et Espaces en mouvements.
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De 2006 à aujourd’hui : De la couleur à la lumière
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