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Georges Troubat

Retour à la liste Ajouté le 2 févr. 2005

La couleur en partage

Georges Troubat
Tailleur à vif de la couleur


Un trapèze rouge bute contre un triangle bleu. Une ligne rose cerne un pan gris. Autour d’eux, un festival d’angles vifs et de tons lumineux dévore tout l’espace de la toile . Énergique et géométrique, la peinture de Georges Troubat s’inscrit dans la grande tradition moderne, celles des artistes abstraits russes et futuristes italiens, du début du XXe siècle.
Marginal aujourd’hui, cet univers appartient à un peintre très original. « Je me méfie des choses qui viennent trop vite. J’ai besoin de travailler la toile, de la nourrir, des heures durant », explique-t-il, travaillant à l’acrylique, avec une palette très riche, et prenant plaisir à réussir de parfaits aplats, à nuancer des dégradés, à jouer du frottis, du glacis, de la brosse, du pochoir, du couteau… Jusqu’à ce que ce qu’il nomme la « cohérence totale » surgisse, s’impose.
« Un tableau abstrait, c’est difficile. Sans fin. On n’est jamais content. Quand on invente les formes, elles sont toujours perfectibles. C’est le principe même de l’abstrait ».

Longuement travaillée, chaque toile doit être belle, résolument. « Le décoratif est l’une des fonctions de la peinture. Je ne ferai pas une œuvre qui ne serait pas décorative. Je ne fais pas de la peinture pour m’exprimer. J’aime les tons gais, vivants, contrastés ». L’époque n’est plus au savoir-faire et se méfie de l’élégance ? Qu’importe ! Troubat n’est pas un peintre à la mode mais un être à la recherche de ce qu’il est, à la reconquête d’un temps perdu. Grand amateur d’art, il s’est choisi une famille en connaissance de cause. « Je suis attiré par ceux qui construisent. André Lhote, Maurice Estève… J’aime Seurat, Cézanne, Matisse, Braque et Picasso. Toutes les périodes structurantes de la peinture m’attirent ».

L’histoire de cette peinture est celle d’un grand premier amour. Exposant au Salon d’Automne dès l’âge de dix-sept ans, travaillant alors à l’élaboration de décors de théâtre, Troubat semblait en effet, très tôt, sur une route clairement tracée. « Je voulais être architecte… Mais je me suis montré raisonnable ». Adieu palette et chevalet, adieu aussi rêves d’études, le jeune homme rejoint l’entreprise familiale. Vingt-cinq ans durant, il conçoit et fabrique… De la peinture ! Industrielle, certes. Mais dans le même temps, il se constitue une formidable bibliothèque d’histoire de l’art, où les maîtres de la non-figuration figurent en héros.
« La peinture, je n’en sors pas. Je la connais vraiment dans tous les sens » : à la fin des années quatre-vingt, avec deux amis, il ouvre à Paris une galerie nommée Point Rouge, spécialisée dans l’abstraction. Le mystique Chinois Chuh Teh Chun y côtoie le géométrique Italien Bozzolini, et d’autres très bons artistes. Rien de tel pour s’affûter l’œil ; et raviver des désirs enfouis.
« Pour peindre il faut avoir l’esprit libre ». Troubat s’en donne finalement les moyens, s’initie à la sculpture métallique, à la pratique du vitrail, à tout ce qui lui permet de cultiver « la rigueur dans la découpe ». Il revient enfin à la peinture, avec bonheur et gourmandise, abandonnant très vite la figuration pour lui préférer les formes en liberté, en suivant l’enseignement du peintre Tisserand. Il pratique aussi le collage, à partir de journaux notamment, imprimés dans des langues inconnues, comme le Russe. L’écriture l’a toujours fasciné, au point qu’il a constitué une collection d’autographes d’artistes, impressionnistes et fauves pour l’essentiel.

Peindre ? Tendre « un écran qui permet de se retourner sur soi » dit aujourd’hui celui qui n’en est qu’au commencement de son aventure d’artiste, aux portes du mystère de la Création. « Tailler à vif dans la couleur », le plaisir cher au grand Henri Matisse, est à présent celui auquel goûte Georges Troubat.


Françoise Monnin, janvier 2006
Carver of Colors

A red trapeze collides with a blue triangle. A pink line outlines an area of gray. These are surrounded by a festival of sharp angles and luminous hues which devour the entire surface of the canvas (1). George Troubat’s dynamic, geometric painting is part of the great modern movement that includes the Russian abstract artists and Italian Futurists from the early 20th century.

The highly original Troubat belongs to this now marginal world. “I don’t trust things that come too quickly. I need to work the canvas, to nourish it for hours,” he explains. Using a rich palette of acrylics, he works with pleasure to create perfect flat tints, to subtly gradate shades, to play with scumbling, glaze, brush work, stenciling, palette knives… and this until what he calls “complete coherence” emerges and imposes itself. “Creating an abstract painting is difficult. Non-ending. You’re never satisfied. The forms you invent can always be perfected. That is the very principle of abstract art.”

Each painting represents long hours of labor, and the result must be resolutely beautiful: “One of the functions of painting is to be decorative. I would not paint something that wasn’t decorative. I don’t paint to express myself. I like cheerful, lively, contrasting colors.” Are skill and elegance no longer in fashion? No matter! Troubat isn’t an artist in vogue, but a painter seeking his own identity, striving to recapture a bygone era. An enthusiastic art-lover, he deliberately chose his family: “I am drawn to builders. André Lhote, Maurice Estève… I love Seurat, Cézanne, Matisse, Braque and Picasso. I’m attracted by all the formative periods.”

Painting was Troubat’s first love. When he was seventeen years old, he exhibited at the Salon d’Automne, and worked at the time making theater decors. His destiny seemed clear: “I wanted to be an architect… but then I had to show some sense.” He abandoned his palette, his easel, and his student dreams to work in the family business, and spent the next twenty-five years creating and manufacturing industrial paints. During this time, he collected a remarkable library on the history of art, largely devoted to the non-figurative masters.

“I can’t get away from painting. I know it in every sense of the word.” In the late 1980s, Troubat and two of his friends opened Point Rouge, a gallery in Paris specializing in abstract art. Here the mystical Chinese artist Chu Teh Chun was shown alongside the geometrical works of the Italian artist Bozzolini and other prominent artists. This not only sharpened Troubat’s eye for art, but revived his long-buried dreams as well. “In order to paint, your mind must be free.” He went about acquiring the means to do so, and took up metal sculpture, stained glass, and every method to cultivate “rigorous cutting techniques.” He took up painting at last, with gusto and delight, rapidly choosing free forms over figurative painting and following the teachings of the painter Tisserand. He also does collage, often from newspapers printed in foreign languages such as Russian. Writing has always fascinated him, and he has a collection of artists’ signatures, particularly those of the Fauvists and Impressionists.

Painting? It is like stretching “a screen that allows you to return to yourself,” says this painter who is just setting off on his artistic venture, on the threshold of the mystery of Creation. “Carving in color,” a pleasure Henri Matisse held dear, is one which Georges Troubat now enjoys.


Françoise Monnin, January 2006

Quotes from the artist were recorded in Paris in December 2005

Artmajeur

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