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Patrick Blanchon

Retour à la liste Ajouté le 11 mars 2019

Démarche artistique

Aussi loin que je me souvienne le silence m’a toujours inspiré. Il était comme une toile vierge et de lui venait la multitude. Cela n’a pas toujours été tranquille, apaisant. Il y a des silences lourds, des silences pénibles à supporter. C’est sans doute dans la confrontation avec ceux-ci, ces silences difficiles, que j’ai commencé à dessiner et peindre. Je dois avoir compris très tôt la nécessité de déménager à l’extérieur de moi tout ce qui gênait à l’écoute du silence véritable.

En cela je me considère plus comme un artisan qui sans cesse reprend son ouvrage, poli ses surfaces pour ne laisser derrière lui qu’un objet qui serait réalisé dans une sorte d’anonymat. Etre un artiste, en dehors d’un statut fiscal, être un artiste vraiment, c’est bien autre chose que ce que je suis. Pour moi un artiste ce serait quelqu’un qui « est » le silence incarné et qui n’a plus  qu’à le déposer sur la toile naturellement. Etre un artiste c’est avoir effectué au préalable un sacré chemin dans sa tête et dans son cœur. La technique, la démarche plastique est souvent un labyrinthe dans lequel je me suis égaré, mais parce qu’il le fallait, et  dans la dextérité aussi.

L’idée du beau m’a pendant une bonne période, disons 15 ans   longtemps préoccupée. Tout d’abord je l’ai recherchée et j’ai donné une direction à mon travail vers celle-ci car je pensais qu’elle pouvait avoir un lien intime avec le silence. Mais le problème du beau à mon sens c’est qu’il laisse en surface. D’ailleurs, ma démarche plastique répondait assez fidèlement à ce problème que je relève. Mes surfaces étaient plates, lisses, il n’y avait pas d’épaisseur, pas vraiment de générosité non plus. Cela correspondait à l’idée fausse bien sur que je me faisais de la beauté. Une sorte de maquillage en fait comme celui que portait ma mère lorsque je l’apercevais enfant, mes toutes premières années.

Et puis il y a eut la rencontre de la vrai générosité je crois, la riche épaisseur des toiles de De Staël, de Fautrier. Et entre les deux celles de Manessier. Comme j’étais léger d’argent souvent, et que la couleur était chère pour ce genre d’ouvrage qui nécessite des tubes entiers par toile, enfin, je ne me suis pas donné les moyens d’épaissir. Et puis je crois que cela correspond aussi, dans les années 80-90 à tout un courant que je percevais et qui ne parlait que de cette « épaisseur ». Comme j’ai une sainte horreur des églises comme de la mode j’ai continué dans mon coin, à chercher d’autres solutions, souvent par la profondeur plus que par la surface.   

J’ai passé beaucoup de temps dans ma recherche  plastique à   traquer cette idée de silence, la capter, la restituer. Et c’est souvent en cherchant cela que j’ai trouvé autre chose finalement. C’est pour cela que j’ai toujours estimé la sérendipité un cran au dessus par rapport à la créativité. La créativité est utile à la collectivité et je n’en avais pas grand-chose à faire dans mon travail de la collectivité. J’ai poursuivi une démarche solitaire en ayant comme but le silence, en m’égarant, j’ai découvert des relations connexes avec le mensonge, avec l’habileté, et j’ai emprunté des sentiers pour aller vers une « vérité » de la peinture, ou une maladresse plus  ou moins spontanée, ce qu’on appelle aujourd’hui le « lâcher prise » Alors là aussi il y a tout un cheminement pour sentir en fin de compte que le travail doit à nouveau s’effectuer bien en amont du tableau. Sans discipline de vie, j’ai toujours eu le sentiment de faire de la merde. Parce que j’ai mis la barre haute. La peinture devenait une sorte de sacerdoce, une religion.

Aujourd’hui ce qui m’intéresse c’est de revenir à une forme de simplicité, de proposer un message du cœur simple  à ressentir en surface comme en profondeur, je crois que la simplicité est le fruit de beaucoup de difficultés pour moi c’est pour cela que de nombreuses expositions que j’ai réalisées s’appellent « errances » « vagabondages ». J’ai cru aussi pas mal de temps que cela pouvait être une idée forte ces notions d’errance et de vagabondage, mais en fait non, la vraie idée forte c’est bien celle que je découvre en dessous de tout ça. Restituer le silence le plus pur possible, le plus simplement possible. Car je crois que ce silence répond à toutes les questions qu’un être humain puisse se poser pour ne pas l’écouter, ne pas l’accepter.

Le dessin et la peinture figurative.

J’ai passé beaucoup de temps à faire de « beaux dessins » comme tout le monde dans ce domaine j’imagine. Mais cela ne m’a jamais satisfait vraiment. Faire un beau dessin était une manière d’entrer dans un moule et finalement d’accepter les règles. Et ces règles m’ennuyaient, en fait je n’y ai jamais rien vraiment compris et j’ai fini par placer cette notion de beau dessin dans les cases du narcissisme, de la performance. Restituer la réalité commune, celle que l’on impose commune généralement ne fonctionne plus pour moi, de part mon parcours de photographe je voulais que mon dessin et ma peinture sortent de la représentation classique. Alors j’ai déformé les visages, les corps, creusant  une veine expressionniste finalement qui existe depuis longtemps. Comme quoi la nouveauté en art correspond souvent à une ignorance ou un aveuglement dans mon cas car je connais très bien l' expressionnisme. Ma spécialité est le visage. Je ne prends jamais de modèle pour les peindre. Ils apparaissent sur la toile au travers de jus légers et ce sont des voyages que j’effectue au travers de la mémoire pour laisser soudain apparaître quelqu’un que j’ai autrefois côtoyé, ce n’est pas tant la ressemblance exacte qui m’intéresse mais plutôt d’être au plus juste avec l’émotion que j’ai conservée intacte quelque part en moi de ce visage.

Les paysages abstraits à l’huile


Je pourrais dire la même chose des paysages que plus haut des visages. C’est à chaque fois un voyage de retour à l’origine. Et puis en ayant photographiés beaucoup je ne peux les peindre de la même façon, de manière « classique ». Il y a une forme de dictature de la composition d’un paysage que j’ai découverte et qui à chaque fois que je me retrouve confronté à celle-ci m’impose de prendre le maquis. Les lignes d’horizon notamment j’essaie de les supprimer le plus souvent possible ou de les suggérer fictives, faire douter de l’horizon, faire douter du plan a longtemps été une préoccupation dans l’élaboration de ces paysages. On en revient aux apparences, à ce silence qui se trouve sous celles-ci.

L'abstraction

Ce sont des tableaux que je réalise dans des périodes de remise en question. Quand je laisse tomber tout ce qui d’ordinaire me préoccupe. C’est tenter de retrouver le silence par la liberté. De retrouver aussi une énergie, celle de l’enfance.


Artmajeur

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