Interview | Entre famille de cœur et luttes partagées : le Nouveau Printemps de Kiddy Smile

Interview | Entre famille de cœur et luttes partagées : le Nouveau Printemps de Kiddy Smile

ArtMajeur by YourArt team | 7 mai 2025 5 minutes de lecture 0 commentaires
 

À Toulouse, Le Nouveau Printemps déploie une édition placée sous le signe du lien : faire famille, se rassembler, partager. Cette constellation d’artistes et de récits donne voix à des histoires intimes, politiques, vibrantes. Pour cette édition, l’artiste Kiddy Smile a été invité à prendre part à la curation. Il nous parle de sa rencontre avec l’art contemporain, du pouvoir de la fête, et de ce que signifie aujourd’hui créer ensemble.

Kiddy Smile new color ©Andre Atangana

ArtMajeur by YourArt : Kiddy Smile, vous êtes l’artiste invité de l’édition 2025 du Nouveau Printemps, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Kiddy Smile : Je suis Kiddy Smile, un artiste. J’utilise essentiellement le médium de la musique pour raconter mes déboires amoureux, mon rapport à la société et essayer de faire un peu bouger les lignes.

ArtMajeur by YourArt : Quel lien entretenez-vous avec l’art contemporain ?

Kiddy Smile : J’ai vécu avec quelqu’un qui faisait partie de ce milieu, un artiste. J’entretenais un lien indirect avec l’art contemporain, je ne me sentais pas toujours concerné. J’avais cette idée d’un milieu replié sur soi-même, élitiste et qui ne me ressemblait pas.
C’est en discutant avec des artistes que je me suis sentie à ma place, en visitant leur ateliers, en discutant je me suis senti très accueilli et dans un rapport d’égalité. C’est surtout en rencontrant Josèfa Ntjam que j’ai compris. je lui confiais qu’en parlant avec d’autres musiciens, ils avaient du mal à comprendre que je veuille réaliser aussi mes vidéos, mes costumes.. Que je sois à beaucoup d’endroits que eux habituellement délèguent. Josèfa m’a dit “Tu es comme nous. Tu utilises plusieurs médiums pour déployer ton discours” et c’est là que je me suis reconnu.

ArtMajeur by YourArt : On vous a confié une curation : comment fait-on des choix quand on veut ouvrir le champ ? Est-ce qu’il y a eu un fil rouge ou une obsession qui vous a  guidé dans le processus ?

Kiddy Smile : Cette programmation je l’ai faite main dans la main avec Clément Postec, le directeur artistique du Nouveau Printemps. Lorsqu’il m’a proposé qu’on se rencontre et qu’on discute autour des artistes que nous avions envie d’inviter il était pour moi important de mettre en avant des artistes qui avaient une volonté de faire bouger les lignes, de perturber un ordre établi et de proposer un nouvel ordre. Des artistes qui travaillent dans la collaboration, l’esprit de groupe, la communauté et donc nous sommes très vite arrivés à ce fil rouge de la famille de cœur. La collaboration avec Yandé Diouf qui réalise la collective, c’était aussi une idée qui l'animait et c’est elle qui a proposé le thème du festival : Faire Famille.

ArtMajeur by YourArt : Cette idée de “faire famille” — ce n’est pas un slogan. Pour vous, qu’est ce qu’il signifie ce lien dans un contexte de fragmentation ?

Kiddy Smile : Pour moi c’était important, parce que je pense que l’être humain n’est pas fait pour vivre seul mais souhaite toujours intégrer un groupe. En général, on est né dans un groupe qu’est la famille biologique. Mais tout au long de notre vie, on se constitue d’autres cercles, où parfois on se sent plus à l’aise.
Et cette idée là c’était capital pour moi de la mettre en avant. Surtout en ce moment où on essaie de nous faire croire que c’est l’individualité qui prime, que c’est la loi du plus fort.
Mais sans les autres, on n’est pas grand-chose. En tant qu’artiste, il faut produire de l’art, un discours mais c’est toujours face à un public, une audience. Même penser à l’exclure l’autre est une forme de lien.

Dans mon parcours d’artiste j’ai fait des rencontres avec plusieurs personnes avec qui j’ai aujourd’hui un lien plus étroit qu’un lien fraternel. C’est cette question que nous avons explorée, surtout à une époque où on revient à des valeurs qui sont plus traditionnelles et la famille de cœur est aux antipodes de la tradition familiale.


ArtMajeur by YourArt : Est-ce qu’on peut dire que cette édition fabrique une constellation de récits, de solitudes politiques qui, en se croisant, deviennent communes ?

Kiddy Smile : Évidemment. J’aime beaucoup cette idée de constellation qui est aussi une parabole pour la convergence des luttes. Il y a beaucoup de choses qui sont dites dans les travaux des artistes invité.es, ce sont des artistes qui se questionnent sur eux même, leur appartenance à une société, à une minorité. Pour la majorité il s’agira bien-sûr d’un discours politisé.
Par exemple, si je m’interroge sur mon désir de parentalité, immédiatement ça devient politique. En tant que personne queer, même la possibilité de devenir père biologiquement s’inscrit dans un débat politique. Donc quand on questionne ces choses-là, on ne le fait pas dans une démarche politique mais une démarche introspective et personnelle.
Malheureusement, nos souffrances sociales sont révélées dans nos travaux, parce qu’ils nous interrogent nous-mêmes, et comment la société nous perçoit.

ArtMajeur by YourArt : Comment traduire tout cela sans devenir un porte-étendard ? Comment rester dans l’intime sans folkloriser le politique ?

Kiddy Smile : Il faut rester droit dans ce qu’on veut proposer en tant qu’artiste. Peut-être qu’une démarche est foncièrement politique, mais aussi très personnelle.
Et une fois qu’on expose son travail, on ne peut pas contrôler comment il est perçu ou interprété.
C’est plutôt positif que les gens puissent y voir de la beauté, ou quelque chose de politique. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout de l’expression d’un sentiment.

ArtMajeur by YourArt : Cette édition parle aussi de fête. Est-ce que la fête peut être un outil de résistance ?

Kiddy Smile : La fête que je propose, c’est un comme un sanctuaire. On peut y déposer ses frustrations, se retrouver, respirer, réfléchir... ou se débrancher.
Même sans mots, on communique. Danser, c’est aussi une forme de langage mystique.

ArtMajeur by YourArt : Y a-t-il un moment précis dans la préparation de cette édition qui vous a profondément touché ?

Kiddy Smile : Ma rencontre avec Clément. J’ai trouvé quelqu’un d’extrêmement humain, avec une volonté d’accompagner les artistes, pas de les bousculer. Un travail d’accompagnement et de réflexion plutôt que de productivité. En plus d’être un être humain que j’apprécie énormément et que j’apprends à connaître, c’est quelqu’un qui continuera à faire partie de ma vie. 

ArtMajeur by YourArt : Pour conclure, une question simple mais pas légère : qu’avez-vous appris sur vous récemment ?

Kiddy Smile : J’ai beaucoup de respect pour la technique des gens, et j'ai tendance à m’effacer quand je collabore. Ce que j’ai appris cette année, c’est à avoir plus confiance en ma capacité à expérimenter de nouveaux supports, de nouveaux médiums. Même si le résultat est moins abouti techniquement, je veux exprimer ma voix sans compromis. Peut-être moins de collaborations et plus de radicalité.

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