Polina Jourdain-Kobycheva: J'ai toujours eu besoin de m'exprimer mon monde intérier

Polina Jourdain-Kobycheva: J'ai toujours eu besoin de m'exprimer mon monde intérier

Olimpia Gaia Martinelli | 21 oct. 2023 11 minutes de lecture 0 commentaires
 

"Mon père était photographe amateur. Il faisait des photos de champignons dans les bois, de fleurs, de chats et mes portraits qaund j’ai été petite"...

Qu'est-ce qui vous a poussé à créer des œuvres d'art et à devenir un artiste ? (événements, sentiments, expériences...)

J'ai toujours eu besoin de m'exprimer mon monde intérier. Quand j'étais adolescente, je pensais apprendre à dessiner, plus tard à écrire. 

La photographie est une chose très intime pour moi. 

Mon père était photographe amateur. Il faisait des photos de champignons dans les bois, de fleurs, de chats et mes portraits qaund j’ai été petite. Rien de spécial, mais la chambre noire où il développait ses photos avait quelque chose de magique. Enfant, j'étais fasciné par cette magie. Tous ces moments passés avec mon père à regarder ses photos m'ont profondément marqué, et aujourd'hui j'ai le sentiment qu'il n'a jamais osé de développer vraiment sa passion. 

De cette époque remontent mes premières appétences pour la photographie, je garde surtout la trace indélébile d’une détermination, celle d’aller au bout de ses rêves. Témoin de la voie raisonnable que mes parents avaient choisie – celle d’ingénieur – pour « assurer le quotidien » dans une Union soviétique où la rêverie avait peu sa place, j'ai compris très jeune comment la vie nous détournait parfois de nos chemins. Je me souviens que Jacques Brel disait qu'il faut ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour… car le bonheur est notre destin véritable.

Une recherche comme celle de la beauté dans cette époque tourmentée et des déceptions après l'espoir au moment quand que la perestroïka soufflait sur son pays un vent prometteur de changement. Après quinze ans de pratique de le sociologie, je me se concentrée sur mes recherches cette harmonie, qui me semblait manques tellement.  Ce que j’aime retenir, c’est ce qui reste de la beauté des mouvements, leur poésie. J’aime observer le mystère du mouvement, sa naissance. Il apparaît et la seconde d’après, il n’est plus. D’où vient cette beauté ? 

Quel est votre parcours artistique, les techniques et les sujets que vous avez expérimentés à ce jour ?

Polina Jourdain-Kobycheva est venue à la photographie après quinze années de pratique de la sociologie, son métier d’origine. Son implication dans la société, tant sur le plan de la recherche que sur le plan de l’analyse des individus, lui a permis d’aiguiser son regard sur les hommes et sur leurs œuvres.

Ses premiers travaux furent des photos architecturales traquant le détail, scrutant la matière dont elle a tiré un nouvel ordre organisé par sa vision d’artiste. 

Puis son intérêt pour la danse a abouti sur un grand projet avec les danseurs du « Malandain Ballet Biarritz », couronné en 2016 par une exposition à la Crypte Sainte-Eugénie de Biarritz, illustrant « Le Temps d’Aimer ». Le corps y est traité en plans rapprochés pour réaliser l’improbable synthèse de l’esthétisme anatomique et l’onirisme des courbes.

La publication de deux livres d’Art, l’un sur la danse « Danse l’Absolu Délicat », l’autre sur le nu « Peinture de Lumière sur Fond Noir », annoncent et confirment un nouveau style toujours dominé par une sensibilité singulière sur la beauté.

Depuis 2018, un autre projet personnel sur la danse « En Corps », consacré aux anciens danseurs a vu le jour et continue de s’enrichir encore. A travers la représentation du corps, Polina Jourdain-Kobycheva invente un nouvel esthétisme, un nouveau langage s’appropriant l’évolution du « corps-histoire ». 

Polina Jourdain-Kobycheva propose une poétique du corps et ses mouvements pour faire de sa représentation non seulement un objet, mais un outil de pensée sur le monde. 

Par la suite son travail se poursuit autour de la Pelote basque et la danse. Cette discipline sportive, ancrée dans la tradition basque, se décline dans son travail artistique sous le prisme du corps en mouvement, mais aussi celui de la matière, plaçant son sujet dans un contexte culturel et ses transmissions locales.

En 2021 avec les Editions Arteaz, elle sort un nouvel ouvrage, « Pilota Arimak », sur l’art traditionnel de la pelote basque. Il raconte les fruits d’une histoire entre un homme, la matière et la culture locale.

En octobre 2022 avec le soutien de l’ALCA Nouvelle Aquitaine elle sort un autre ouvrage «Dantza, Pilotari!», lien entre la Cesta Punta et la danse.

Actuellement elle reviens vers son travail autours de la beauté du corps, notamment des anciens danseurs, qui a été ralenti par la crise sanitaire.

Elle développe aussi une activité d’un accompagnement thérapeutique par la photographie.


Quels sont les 3 aspects qui vous différencient des autres artistes, rendant votre travail unique ?

Je pense que ma particularité tient à l’attention que je porte aux gens avec lesquels je travaille. J’essaye toujours de créer un environnement intimiste permettant à la personne de rester elle-même devant la caméra. Par exemple, le travail sur le Nu est très délicat, et nécessite une confiance absolue. C’est important. 

Je pense que ces 3 aspects qui me différent des autres c’est :     

  • La     délicatesse      

        
  • L’humanisme

        
  • Perception     de la beauté      

D'où vient votre inspiration ?

Mon inspiration vient du calme, des moments où je me sens posée. Vous savez, ce moment où l’on a l’impression qu’il ne se passe rien. C’est lorsque l’esprit est libre pour que les idées trouvent leur place. 


Quelle est votre démarche artistique ? Quelles visions, sensations ou sentiments voulez-vous évoquer chez le spectateur ?

Je veux susciter chez les gens le sentiment de la beauté, la beauté naturelle, la vraie. 

Lorsque je réalise mes photos de nus par exemple, peu importe que la personne soit jeune ou âgée, pour moi, elle est belle, son corps révèle la beauté profonde de l’Etre.

Lorsque je photographie le mouvement par exemple, je ne cherche pas le mouvement parfait de la danse, mais le révélateur de ce mouvement. Si on recherche le mouvement parfait, alors on va voir le spectacle. Je ne recherche pas la perfection mais ce qu’il y a derrière celle-ci, ce qu’elle suggère.

J'aime aussi photographier des visages, des regards et des postures à la fois, amusées et ironiques, sérieuses et joueuses, comme pour relever un défi face à la vague d’anonymat qui écrase et uniformise les individus. Dans mes portraits, je veux également montrer, les aléas du temps qui passe, qui use les corps et les esprits, mais en même temps, une joie profonde, une assurance, ainsi qu’un plaisir de se sentir vivre, encore et encore.

Quel est le processus de création de vos œuvres ? Spontané ou avec un long processus préparatoire (technique, inspiration des classiques de l'art  ou autre)?

Cela peut-être les deux :  

  • Les     créations spontanées quand il s’agit du projet de la danse avec     le mouvement.      

        
  • Une     longue prise de vue préparée dans une studio avec la lumière bien     précise.      
     L’important c’est que l’idée initiale soit bien claire dans ma tête au départ.

Utilisez-vous une technique de travail particulière ? si oui, pouvez-vous l'expliquer ?

Ma démarche reste assez classique. Mais j’aime utiliser une lumière très contrastée. 

Si je travaille dans mon studio, je travaille avec l’éclairage high key, ou, à l’inverse en éclairage low key. 

J’aime beaucoup cette opposition. Pour moi elle représente, d’une certaine façon, la dualité du monde. 


Y a-t-il des aspects novateurs dans votre travail ? Pouvez-vous nous dire lesquels ?

Mon travail a toujours été concentré autour de la beauté du corps humain, le mouvement, la diversité, de la liberté d’être soi même et l’évolution de la perception de l’image du corps. 

J’ai passé les années à travailler et approfondir ce sujet, qui m’a intéressait dans toutes ces manifestations : dans les mouvements de la danse et du sport, dans la nudité, à tous les âges, dans les plans très rapprochés, dans les portraits et dans les émotions entres les gens. 

Avez-vous un format ou un support avec lequel vous êtes le plus à l'aise ? si oui, pourquoi ?

J’aime bien le support aluminium pour réaliser le tirage de mes photographies. Je trouve que mes photos n’ont pas vraiment besoin d’encadrements. 

J’aime aussi les tirages sur papier avec un passe-partout car cela répond plus à notre vision classique du tirage photo noir et blanc. 

Où produisez-vous vos œuvres ? A la maison, dans un atelier partagé ou dans votre propre atelier? Et dans cet espace, comment organisez-vous votre travail de création?

 J'aime travailler dans mon propre espace. Je dispose d'un petit studio que je peux organiser au mieux pour que la personne qui vient me voir pour une séance photo se sente à l'aise et en sécurité. 

J'aime créer une atmosphère conviviale avant la séance, en offrant du café et en regardant des livres.

Cela permet de relâcher les défenses, ce qui est très important pour la création d’un portrait et surtout les nus.

En fonction du projet, je travaille également en dehors du studio, par exemple dans des studios de danse. Mon dernier projet, sur le lien entre la cesta punta et la danse, a été réalisé dans un espace dédié à ce sport : le célèbre Jai Alai à Biarritz. C'était extraordinaire pour moi de travailler avec des danseurs dans cet espace atypique.


Votre travail vous amène-t-il à voyager afin de rencontrer de nouveaux collectionneurs, pour des salons ou des expositions ? Si oui, que cela vous apporte-t-il ?

Je crois qu’on voyage toujours à travers nos œuvres. 

Plus je travaille dans la création - plus je rencontre de gens et des opportunités de présenter mon travail artistique. Avec mes ouvrages je suis réguleirèment invitée aux salons des livres.

Jusqu’à présent j’ai exposé qu’en France et en Russie, mais ce fut à chaque fois une expérience très enrichissante. Cela me permet aussi de voir mon travail sous un nouvel angle. 

L’année dernière, j’ai travaillé sur le projet « Dantza, Pilotari ! » avec le soutien de la région Nouvelle Aquitaine et L’Office Public de la Langue Basque. L’article-zoom sur mon travail artistique a paru dans le revue ALCA en novembre 2022. Cela m’a permis de rencontrer des gens et de les sensibiliser à de futurs projets.

J’espère fortement que mon travail m’amènera à voyager pour réaliser le projet qui me tient vraiment à cœur - sur les anciens danseurs. 

Comment imaginez-vous l'évolution de votre travail et de votre carrière d'artiste dans le futur ?

Je reve revenie vers le projet sur la danse « En Corps. Que reste-t-il quand le corps du danseur n'est plus performant ? », consacré aux anciens danseurs. Il a été présenté pour la premiere fois dans le cadre du festival de Temps aimer la danse 2018 à Biarritz.

J’ai commencé ce projet par photographier les anciens danseurs Jacques Alberca, né en 1942, et Gilles Schamber, né en 1960. Quel devenir pour le corps du danseur face aux années qui passent ? Les photos disent une grande intériorité du mouvement, témoignent d’un danseur qui fait le choix de l’essentiel, libéré de la performance, et paradoxalement moins soumis aux contraintes. Le temps qui passe est une opportunité de faire autrement. « Le point de vue de la danse occidentale », dit Jacques Alberca, « passe encore par le prisme de la performance technique. Ce qui me questionne aujourd'hui, c'est le changement de point de vue, à savoir, s'orienter avec le temps vers des états de corps parlants, peu importe l'âge. » 

Pour moi le corps fait sens, sans anticiper sur la forme, je m’arrête sur ce que produit le corps et non sur ce qu’il risque de reproduire. A travers la représentation du corps, je parle de l’évolution du « corps-histoire ». Dans mon travail je propose une poétique du corps et ses mouvements pour faire de sa représentation non seulement un objet, mais un outil de pensée sur le monde.

Ce travail initialement purement artistique m’a permis à comprendre des multiples façons de relations de gens avec leurs corps et quel impact important cela porte sur des relations avec eux-mêmes et toutes leurs vies. 

Le fait de travailler avec des photographies de nus et d’interagir avec les modèles, d’observer leurs réactions sur ce qu'ils ressentent et la manière dont leur vie change après notre travail commun, m'a rapprochée de l'idée que la photographie peut donner un élan de l’évolution au sens de soi d'une personne et à la libération d'émotions cachées.

Bien entendu, je suis loin de faire un véritable travail thérapeutique. Je réalise simplement des photos qui aident les gens à se sentir plus confiants dans la vie, à renforcer l'estime de soi et à ressentir un regain d'énergie.

J'aimerais poursuivre mon travail dans cette voie.

Développer des valeurs de la nouvelle éthique et de la nouvelle sincérité qui nous sont parvenues avec l'ère du métamodernisme. Je ne veux pas limiter les gens à mes réflexions intimes sur l'âge, l'amour, la beauté et le vieillissement. Mais je veux que les gens soient libres de ressentir les émotions que mes photographies suscitent en eux.


Quel est le thème, le style ou la technique de votre dernière production artistique ?

La beauté des lignes, la géométrie et les contrastes de lumière ont toujours été l'un de mes principaux styles d'expression.

J'aime me rapprocher le plus possible de la surface, qu'il s'agisse d'un objet, du mur d'un bâtiment ou de la peau du corps humain.

Pour moi, la matière est unie dans son expressivité.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience d'exposition la plus importante ?

La plus grande exposition que j’ai faite a été présentée dans le cadre du festival « Le Temps d’Aimer la Danse » à Biarrirz à la Crypte Sainte Eugénie, en 2016. J’ai exposé 104 œuvres réalisées pendant deux ans dans le cadre d’une collaboration avec Ballet Malandain Biarrirz.

Si vous aviez pu créer une œuvre célèbre dans l'histoire de l'art, laquelle choisiriez-vous ? Et pourquoi ?

Je pense cela sera toujours le travail sur le corps humain et ces expressions. J’admire les anciens danseurs. 

Voici une source d'inspiration et de créativité qui n'a pas encore été suffisamment approfondiée.

J’aime idée de la comparaison du corps en mouvement avec la sculpture. Je crois que je vais faire quelques choses dans ce genre. 

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre (mort ou vif) à dîner, qui serait-ce ? Comment 

lui proposeriez-vous de passer la soirée ?

Cela peut-etre plusieurs d’artistes. Très difficile donner la prefence pour une personne vis-a-vis à toute cette richesse des talents. Jeanloup Sieff, je pense sera l’artiste la personnalité lequelle me fascine le plus.     



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