Qu'est-ce qui vous a poussé à créer des œuvres d'art et à devenir un artiste ? (événements, sentiments, expériences...)
Mon parcours artistique, entièrement autodidacte, a pris son envol lors d'un moment intime de ma vie : la perspective de maternité. Avec la préférence du père de mes enfants pour que je demeure au foyer, j'ai été inspirée à métamorphoser notre havre familial. La peinture m'a d'abord séduite, avant que la sculpture ne vienne enrichir mon expressivité.
Quel est votre parcours artistique, les techniques et les sujets que vous avez expérimentés à ce jour ?
Ma trajectoire artistique a été enrichie par des cours du soir à la prestigieuse Association des Beaux-Arts de Cannes. C'est là que j'ai découvert la délicatesse du fusain, la fluidité de l'aquarelle, la vivacité de l'acrylique, et la finesse de la gravure et de la céramique. J'ai plongé profondément dans les conventions artistiques, explorant la nature morte, la figure nue, la peinture en plein air, et l'art délicat de la sculpture en argile, de la peinture sur porcelaine à la mosaïque.
Mon esprit curieux m'a conduite à expérimenter au-delà des conventions. Mon enfance, marquée par l'absence de sucreries, m'a inspiré une idée audacieuse : utiliser de vrais bonbons dans mes œuvres. J'ai commencé par les intégrer sur toile, créant des pièces alléchantes et acidulées, préservées sous des écrins de plexiglas. Puis, en utilisant des chutes de ce même plexiglas, je l'ai chauffé, tordu, et façonné pour sculpter le "Bonbon" tel que je le conçois aujourd'hui. Une réinterprétation moderne d'un souvenir d'enfance.
Quels sont les 3 aspects qui vous différencient des autres artistes, rendant votre travail unique ?
Trois éléments distinctifs cristallisent mon art et m'éloignent du conventionnel :
Tout d'abord, ma détermination sans faille à transformer un objet aussi quotidien que le bonbon en une pièce monumentale, élevant cet élément humble à la grandeur d'une véritable œuvre d'art.
De plus, mon choix audacieux de se concentrer sur le bonbon, un symbole universellement reconnu qui transcende l'âge, l'éducation, la religion et les clivages politiques. Il unit l'humanité dans une familiarité partagée.
Enfin, mon art n'est pas simplement visuel. J'ai su capter un sujet qui titille tous les sens : du doux murmure de l'emballage au parfum sucré, du goût nostalgique à la texture familière, le tout couronné par une explosion de couleurs pour les yeux. C'est une expérience multisensorielle.
Portrait of Laurence JENK © Patrick Deguine
D'où vient votre inspiration ?
L'essence de mon art plonge ses racines dans les souvenirs d'une enfance dénuée de sucreries. En sculptant ces Bonbons, je cherche à apaiser les ombres de mon passé. Aujourd'hui, ma quête va bien au-delà d'un simple règlement de comptes personnel. À travers les torsions de mes créations, je m'exprime sur les enjeux sociétaux qui m'interpellent : l'écologie, le consumérisme effréné, la détresse des femmes maltraitées, la fragilité de la faune en détresse, entre autres. Chaque torsion dans mes œuvres est une déclaration, un appel à l'éveil face aux grandes causes de notre monde.
Quelle est votre démarche artistique ? Quelles visions, sensations ou sentiments voulez-vous évoquer chez le spectateur ?
Ma démarche artistique est d'abord introspective et personnelle, je crée avant tout pour moi-même, m'exprimant à travers mes sculptures. Mais la beauté de l'art réside aussi dans le partage, l'échange et la transmission. Je ressens une immense gratitude en ayant un public qui non seulement apprécie et comprend mes œuvres, mais aussi soutient mon parcours artistique.
Créer est pour moi une source de joie, et j'aspire à transmettre cette joie à ceux qui contemplent mon travail, qu'ils aient la possibilité d'acquérir une œuvre ou non. Je crois fermement que l'art est universel et devrait être accessible à tous, indépendamment de leur milieu socio-économique. Pour cette raison, je suis convaincue que l'art doit sortir des galeries traditionnelles et s'inviter dans des lieux publics, dans nos villes, et d'autres espaces non conventionnels, touchant ainsi un public plus large.
Mon exposition en 2018 et 2019 au Port Authority Bus Terminal à New York est un témoignage de cette vision. Pendant près d'un an et demi, j'ai eu le privilège d'exposer mes sculptures Bonbons monumentales dans cette gare fréquentée par près de 200 000 personnes chaque jour. Ce qui m'a particulièrement marquée, c'était la réaction des passants, souvent peu familiers avec le monde de l'art. Le simple fait de voir un sourire se dessiner sur leur visage à la vue de mes sculptures était pour moi une victoire en soi. La plupart d'entre eux n'achèteront peut-être jamais d'œuvre d'art, et ce n'est pas ce qui m'importe le plus. Ce qui compte vraiment, c'est d'avoir semé une graine de bonheur, d'avoir marqué leur quotidien, ne serait-ce que pour un instant. Et peut-être, un jour, quelque part, ils se remémoreront ce Bonbon monumental, même s'ils oublient mon nom. Pour moi, c'est là que réside la véritable essence de l'art.
Quel est le processus de création de vos œuvres ? Spontané ou avec un long processus préparatoire (technique, inspiration des classiques de l'art ou autre)?
Ma technique de travail varie en fonction du matériau choisi. Chaque médium nécessite une approche et une méthodologie distinctes pour garantir la qualité et l'intégrité de l'œuvre finale.
Le processus commence toujours par une phase de croquis, durant laquelle je conceptualise mon idée. Parfois, j'utilise également des simulations virtuelles pour mieux visualiser le résultat final. Une fois cette phase terminée, je me lance dans le processus de fabrication, en choisissant les techniques les plus adaptées au médium choisi. Par exemple, la réalisation d'une œuvre en bronze ou en aluminium diffère considérablement de celle en plexiglas. Le processus de fonte, de moulage et de finition est spécifique à ces métaux. De la même manière, travailler avec du polyester présente des particularités différentes de la sculpture sur marbre, qui nécessite des outils et des techniques de taille adaptés.
Utilisez-vous une technique de travail particulière ? si oui, pouvez-vous l'expliquer ?
Suite à la phase initiale de croquis, et après les éventuelles simulations numériques, le processus de création entre pleinement en jeu, nécessitant une approche technique adaptée au matériau choisi. Le façonnage du bronze ou de l'aluminium diffère profondément de celui du plexiglas. De la même manière, la maîtrise nécessaire à la réalisation d'une pièce en polyester n'est pas comparable à celle exigée par le marbre.
Y a-t-il des aspects novateurs dans votre travail ? Pouvez-vous nous dire lesquels ?
Les éléments avant-gardistes de mon travail découlent de l'impératif de s'ancrer dans la modernité. J'embrasse la technologie, faisant appel aux logiciels les plus sophistiqués, aux imprimantes 3D, tout en portant un intérêt marqué à l'intelligence artificielle, comme le chat GPT, aux NFTs et à cet univers numérique qui influence et façonne inévitablement l'art contemporain et à venir.
Avez-vous un format ou un support avec lequel vous êtes le plus à l'aise ? si oui, pourquoi ?
Le plexiglas est au cœur de ma démarche artistique. Sa réaction fascinante face à la chaleur, ses nuances variées et les possibilités créatives qu'il offre m'enchantent. Avant de sculpter dans le marbre, le bronze ou l'aluminium, je conçois toujours un prototype en plexiglas, témoignant de son rôle central dans mon processus créatif.
Où produisez-vous vos œuvres ? A la maison, dans un atelier partagé ou dans votre propre atelier? Et dans cet espace, comment organisez-vous votre travail de création?
Mon atelier est spécifiquement conçu pour donner vie à mes créations. Il est équipé de tous les outils et machines indispensables à mon processus artistique. Une zone est réservée à la peinture, garantissant un environnement sans poussière, tandis qu'une autre est dédiée à la cuisson, avec un four et une table prévue pour le traitement du plexiglas. Pour sculpter mes œuvres monumentales inspirées des Bonbons, l'espace est pensé pour permettre à plusieurs personnes de travailler simultanément autour de la table centrale.
Votre travail vous amène-t-il à voyager afin de rencontrer de nouveaux collectionneurs, pour des salons ou des expositions ? Si oui, que cela vous apporte-t-il ?
Effectivement, ma démarche artistique me conduit souvent à voyager, tant en France qu'à l'international. Ces déplacements sont l'occasion d'assister aux vernissages en mon honneur, de dévoiler mes dernières œuvres, et de tisser des liens avec collectionneurs et acteurs clés du milieu artistique. Ces voyages, loin d'être une simple formalité, sont cruciaux. Ils me permettent de renforcer mes relations professionnelles et de rester au plus près de ceux qui apprécient et soutiennent mon travail.
Comment imaginez-vous l'évolution de votre travail et de votre carrière d'artiste dans le futur ?
L'idée de la retraite semble presque étrangère à mon esprit bouillonnant de créativité. La passion de l'art, le désir de partager et d'éveiller des émotions avec mes créations ne s'estompent jamais. La thématique des Bonbons, qui a propulsé ma renommée sur la scène internationale, demeure au cœur de mes projets. Toutefois, mon ambition ne s'arrête pas là. Portée par les causes qui me tiennent à cœur, qu'il s'agisse des défis environnementaux, de la condition animale ou des travers de notre société, je souhaite les éclairer sous un jour nouveau. Toujours en m'inspirant de cette signature unique qu'est la torsion, ce que j'appelle les "twist", je projette d'explorer le monde du luxe en concevant des bijoux raffinés et des pièces de mobilier exclusives. Mais avant tout, mon souhait le plus cher reste de me réjouir dans ce que je fais et d'apporter de la joie à ceux qui admirent mon travail.
Quel est le thème, le style ou la technique de votre dernière production artistique ?
Ma création la plus récente, une œuvre de 2 mètres en plexiglas transparent ornée de motifs floraux, a été un véritable défi technique et artistique. Initialement, j'avais suggéré une alternative à ce collectionneur exigeant, consciente des défis que cette commande pourrait engendrer. Néanmoins, sa vision était précise : il désirait ces motifs floraux délicatement peints sur le plexiglas transparent. Le processus de création a été semé d'embûches, depuis la complexité du motif floral jusqu'aux complications inattendues lors de la cuisson, notamment l'émergence de bulles sur le plexiglas à certains endroits. La phase finale, celle de la torsion de cette grande œuvre, a dû être réitérée six fois pour parvenir à la perfection souhaitée. Finalement, mon client, satisfait, a approuvé l'œuvre. Ce projet m'a rappelé que, dans le monde de l'art, tout ne se passe pas toujours comme prévu, et que la persévérance est essentielle.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience d'exposition la plus importante ?
L'une des expositions les plus marquantes de ma carrière s'est tenue à Cannes en 2011, lors du sommet du G20. Sur une durée de six mois, j'ai eu l'honneur d'afficher mes 100 sculptures monumentales "Bonbons Drapeaux" mesurant 2 mètres, reposant sur des socles de 75 cm, à travers la célèbre ville de Cannes. Dans un geste symbolique, une allée prestigieuse composée des drapeaux du G20 et des pays invités, en format 80 cm, a orné l'intérieur du palais des festivals pendant les journées de conférences.
Cette exposition m'a propulsée sur la scène internationale, couronnée par 36 interviews télévisées durant la conférence. De plus, en guise de geste diplomatique, une version miniature de mes sculptures Bonbons Drapeaux, haute de 45 cm et arborant les couleurs nationales, a été gracieusement offerte par l'ancien Président français, Nicolas Sarkozy, aux 20 dirigeants des États membres ainsi qu'aux 4 Présidents des pays invités, sans oublier les leaders d'organisations influentes telles que le FMI et Greenpeace.
Si vous aviez pu créer une œuvre célèbre dans l'histoire de l'art, laquelle choisiriez-vous ? Et pourquoi ?
L'un de mes souhaits aurait été d'embrasser une inspiration semblable à celle de Marcel Duchamp lorsqu'il a audacieusement présenté un urinoir à la Society of Independent Artists à New York en 1917. Ce geste artistique audacieux a non seulement bouleversé le paysage artistique de l'époque, mais il a également remis en question la définition même d'une œuvre d'art, introduisant ainsi le concept révolutionnaire des "ready-mades".
Si vous pouviez inviter un artiste célèbre (mort ou vif) à dîner, qui serait-ce ? Comment lui proposeriez-vous de passer la soirée ?
Si j'avais l'opportunité d'inviter un artiste illustre à dîner, ce serait assurément Picasso. Je l'inviterais à partager avec moi les récits de sa vie si fascinante, tant sur le plan personnel qu'artistique. J'aimerais écouter ses anecdotes, ressentir la passion derrière chaque œuvre, et plonger dans l'abîme de sa créativité incommensurable et inspirante.
Olimpia Gaia Martinelli
