Jean-François Ferbos, une fenêtre ouverte sur le monde

Jean-François Ferbos, une fenêtre ouverte sur le monde

Selena Mattei | 31 oct. 2021 5 minutes de lecture 0 commentaires
 

Interview de l'artiste Jean-François Ferbos. Chaque fenêtre que l'artiste ouvre sur le monde permet à chaque regardeur de puiser ses propres histoires

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Qu’est ce qui vous a poussé à devenir un artiste ? Quel est votre parcours ? 

Le milieu dont je suis issu avec un beau-père artiste m'a instillé le goût de l'art et de la création. Par ailleurs, j'ai très vite ressenti le besoin d'exprimer en images les pensées et réflexions suscitées par mes lectures et mes recherches du côté de la psychanalyse dont j'ai exercé le métier pendant quelques années. Mon parcours est polymorphe, avec une appétence pour l’éducation et la psychanalyse. La peinture à l’huile, quant à elle, fait partie de ma vie depuis l’âge de 14 ans. La quotidienneté de mes préoccupations pour cet acte de peindre, tel un artisan, m'a amené très logiquement au fil des ans à l'articuler avec mes autres pratiques comme celle de la psychanalyse. 

Quelles sont les 3 choses qui vous différencient des autres artistes ?

Je ne sais pas s'il est tellement important d'être différent des autres artistes, d'autant qu'il n'existe pas de création ex nihilo, car elle s'insère, qu'on le veuille ou non et malgré les impressions de rupture, dans la continuité d'une histoire personnelle, d'une culture familiale mais également dans le sillon,  sinon de l'histoire de l'art,  dans celui d'une histoire de l'art. Ce qui est intéressant, au demeurant, c'est le frottement avec d'autres artistes, ces frottement inspirants produisant des "pas de sens", des inventions singulières. Une chose est certaine, c'est que dans mon acte de création se joue sur le fil une approche analytique en contre point d'une pulsion créatrice sans faux-semblant. 

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Votre inspiration, elle vient d’où ?

Mon inspiration est venue en premier lieu de mon beau père, Jean Sabrier, le mari de ma mère et à travers lui, de la peinture de la renaissance et de Marcel Duchamp. Aujourd'hui c'est le peintre Edward Povey, avec qui j'échange régulièrement, qui me pousse à avancer dans mes productions. Le moteur en est nos affinités électives. Mais littéralement et précisément, mon inspiration est directement le fruit de mes pensées et réflexions liées à mes lectures et à certains travaux d'écriture. 

Parlez-nous de la conception de vos œuvres, avez-vous un long travail préparatoire ou est-ce assez spontané ?

La conception de mes toiles nécessite un long travail de préparation car j'ai besoin de récolter des images, très souvent ce sont des photographies que je fais, afin de les agencer pour essayer de retrouver certaines visions qui me viennent, certains souvenirs ou certains rêves. Pour ce travail d'agencement j'utilise un logiciel de traitement de l'image. Les éléments spontanés, les créations pures surgissent quant à elles quand je me détache du modèle que je me suis donné au préalable. C'est dans ces moments de production que je me sens comme un artisan dont seule la main tenant le pinceau s'autorise à penser librement, complètement déconnectée de mes intentions initiales. 

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Que voulez-vous montrer à travers votre travail ?

Je veux montrer une fenêtre ouverte sur le monde, un monde. Et c'est depuis cette fenêtre que chaque regardeur puise ses propres histoires. Une toile n'est pas une proposition univoque et universelle, elle produit une singulière polysémie auprès de quiconque veut bien la regarder.  Je ne veux donc pas nécessairement "montrer", mais plutôt produire un effet sur le spectateur, fut-il un rejet.  

Dans votre travail utilisez-vous des techniques ou matériaux qui sortent de l’ordinaire ?

Non, je ne crois pas. Je reste assez classique. Ce qui compte pour moi, c'est l'effet produit. 

Avez-vous un format de prédilection ? Pourquoi ?
Je n'ai pas de format de prédilection. Je choisis le format en fonction de ce que je veux peindre. La priorité est donnée à mon propos et à l’agencement qu’il induit. Mais je constate qu'avec le temps, je choisis de plus grands formats

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre travail ?

La principale difficulté, c'est le manque de temps car je n'ai pas la liberté de peindre quand je veux. La deuxième difficulté, c'est le manque de modèles à photographier. Il me manque une banque d'images de bonne qualité. Enfin, je manque de place et d'espace dans mon atelier. 

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Comment travaillez-vous ? Chez vous, dans un atelier partagé, dans votre propre atelier ?
J'ai tenté de travailler, très peu de temps avec d'autres artistes. Aujourd'hui, j'ai un coin, dans mon appartement, qui me sert d'atelier. J'ai peint et peins essentiellement chez moi.

Le travail d’artiste vous amène t-il à beaucoup voyager ?

Non. En revanche certains de mes voyages de jeunesses, en Italie, m'ont beaucoup inspiré. Dès que je voyage je me rue dans les musées pour y puiser mon miel. 

Quel a été le plus beau moment de votre carrière ?

Une exposition éclair (1/2 journée) à la Maison de l'Europe à Paris. Les gens commentaient spontanément, sans jugement, les tableaux qu'ils voyaient.  

Comment voyez-vous votre travail dans dix ans ?

Je ne sais pas vraiment. Je pense que mes productions vont évoluer lentement sans changement radical, au gré de mes recherches et de mes préoccupations quotidiennes. Il y aura toujours quelque chose à voir avec l'inconscient et ses formations dans mes peintures. Certains y voient une dimension onirique ou surréaliste, ce qui ne me dérange pas car là encore, "ça parle" et la division du sujet, que ce soit celui qui peint ou celui qui regarde, n'est jamais très loin.

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Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Planifiez-vous bientôt une exposition ?

Je travaille sur la question du seuil, cet espace de transition et de mutation, celui qui fait jonction entre l'acte de création et son produit, cette coupure qui met paradoxalement en continuité le monde intérieur du peintre ou du regardeur et la toile. La toile sur laquelle je travaille en ce moment a pour thème, l'éthique de la relation. 

Si vous aviez pu créer un chef-d'œuvre de l'histoire de l'art, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Je choisirais le Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci en raison de la force du pouvoir énigmatique que recèle cette œuvre. Comme l'a écrit Jean-Marie Pontevia, "Peindre, c'est toujours faire voir le feu sous la cendre ». La question du dévoilement y est très présente.

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre pour le dîner (mort ou vif), lequel choisiriez-vous ? 

J'inviterais Edward Povey chez les vivants et Marcel Duchamp chez les morts.

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