Dominique Kerkhove (DomKcollage), je suis autodidacte

Dominique Kerkhove (DomKcollage), je suis autodidacte

Olimpia Gaia Martinelli | 10 juin 2023 8 minutes de lecture 0 commentaires
 

« Le véritable artiste est l’Arracheur Anonyme (Villeglé) ». C’est cette phrase relevée dans un livre de Villeglé qui a été le déclencheur. À partir de ce moment-là, je ne voulais plus photographier les Ready Made mais devenir cette main invisible et donc un artiste"...

Qu'est-ce qui vous a poussé à créer des œuvres d'art et à devenir un artiste ? (événements, sentiments, expériences...) 

« Le véritable artiste est l’Arracheur Anonyme (Villeglé) ». C’est cette phrase relevée dans un livre de Villeglé qui a été le déclencheur. À partir de ce moment-là, je ne voulais plus photographier les Ready Made mais devenir cette main invisible et donc un artiste. 

Quel est votre parcours artistique, les techniques et les sujets que vous avez expérimentés à ce jour ?

 Je suis autodidacte. Après avoir été l’assistant de 2 photographes de renoms à Paris dans les années 90 (Thierry Bouët et Xavier Martin), je découvre lors d’un long voyage en Inde la magie visuel des affiches déchirées. De retour à Paris, je me mets à les photographier frénétiquement durant 10 ans. Avant que la phrase de Villeglé change ma vie. Durant 5 ans, je me familiarise au collage. Arrachant partout des bouts d’affiches sur les murs des villes où je voyageais. Et puis en 2015, je montre mes premiers collages à un ami. Qui en parle à sa sœur et qui m’invite en Inde pour ma première résidence artistique. Ensuite tout s’est enchaîné, résidences en Israël, Italie et de nombreuses expositions tant en France qu’à l’étranger. Aujourd’hui mes collages sont devenus des MadeReady. 

Quels sont les 3 aspects qui vous différencient des autres artistes, rendant votre travail unique ?

 Je suis métis de religion et de couleur : noir par mon père et juif par ma mère. Cela apporte une vision différente et déchirée de la société. Ce qui m’a créé un refus de la notion du “beau” . Trop castrateur et réducteur. J’ai une vision particulière de la vie. Et ce qui explique que mes collages sont bruts et profondément humains. Cela ne rend pas mon travail unique mais particulier. 

D'où vient votre inspiration ? 

Le MadeReady n'est pas un style de collage, mais une approche qui s'exprime à travers une pluralité de formes picturales. Un jeu subtil entre mémoire volontaire et involontaire. Proche de l'art brut, il définit un positionnement résolument abstrait pour une thématique figurative de notre société. Dans mon atelier, devant la toile blanche, je sais que le plus important est non pas la « magie » mais la maîtrise du « hasard » J’assemble patiemment par juxtaposition, superposition, opposition ces morceaux d’affiches entre eux, je joue aussi bien sur les mots que sur les images pour illustrer Ce qui crée le dynamisme de la toile et son sens profond. Mes collages sont profondément liés à l’environnement urbain et sociétal dans lequel j’évolue. Ils se comprennent comme un refus, voire une dénonciation d’un monde envahis d’objets et d’images qui conditionnent nos comportements affectifs ou moraux. Je cherche à témoigner de ma perception de la société «réalité», d’un moment, d’un état.. comme on dit, mes mensonges sont aussi les vôtres. Dans mes collages se mêlent avec force mes angoisses, mes peurs, mes doutes d’hier, mes espoirs et un fatal optimisme! “ Le collage est l’art de l’indiscipline ! “ Jean Varet 

Quelle est votre démarche artistique ? Quelles visions, sensations ou sentiments voulez-vous évoquer chez le spectateur ? 

Avec mes collages ou MadeReady je mène une démarche picturale dans laquelle je me joue de l’appropriation pour « paperiser » une vision critique et colorée de la société. Je fais des MadeReady que je classe dans un Flux personnel que je résume parArtbad=Batard ! Fils caché du Mouvement des Nouveaux Réalistes, L'Artbad=Batard ! se définit par des actions de l'artiste qui délimitent le Flux, la surface et le processus : flânerie dans un contexte urbain (ville, métro), récupération-appropriation-décollage de l’artiste dans le but de créer (assemblage-composition-collage) un MadeReady à partir de fragments d’autres oeuvres préexistantes ou d’éléments hétérogènes de différentes sources parfois (affiche, livre, journaux, etc). L'ArtBatard ne renie pas ses origines. Mieux. ll s'en dont l'élément central est le papier (affiche) issu (déchiré) d'un contexte urbain. Malgré diverses tentatives de classification hiérarchique, mon travail est un mélange d’ allégorie, de concret et de matérialiste. C'est un travail narratif d'incarnation. Essayant consciemment de donner corps aux sensations, perceptions, idées et valeurs qui constituent mon univers artistique. Avec mes MadeReady, je traduis mes émotions en séries évolutives (questionnements) dont les thèmes abordent une société en plein changement industriel, moral et climatique. Des MadeReady où j’invite le spectateur à réagir sur ses propres certitudes et évidences.” 

Quel est le processus de création de vos œuvres ? Spontané ou avec un long processus préparatoire (technique, inspiration des classiques de l'art ou autre)?

 Tout dépend du sujet traité. En règle générale, mes MadeReady sont pensés en amont et l’improvisation intervient quand le sujet (visuel ) est au service du thème. Ainsi la Série, “Tribute to” est un travail sur ma vision et mon appropriation des classiques de l’art. Une invitation à créer un oedipe artistique positive. 

Utilisez-vous une technique de travail particulière ? si oui, pouvez-vous l'expliquer ? 

Je voudrais amener le spectateur à “Regarder” plus qu’à “Voir” l’art. Aussi j’incorpore dans mon travail le hashtag que je réalise avec de l’encre d’imprimerie ou de papier. Il est là pour perturber la vision de l'œuvre et inciter le spectateur à la regarder plus attentivement. Aujourd'hui le # est plus qu'un signe. C'est la nouvelle lettre universelle du XXI siècle . La partie visible d'un maillage global qui nous enferme dans un monde virtuel. Un monde où le signe précède le sens pour en devenir son signifiant tel les hiéroglyphes du temps des cavernes. Cette série évolutive dans le temps avec le # n’est pas un travail de répétition en tant que tel mais une exploration des potentialités de ce motif en tant que signe et passer ainsi de l’objet-collage à un objet visuel. 

Y a-t-il des aspects novateurs dans votre travail ? Pouvez-vous nous dire lesquels ? 

L’adage "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" est la ligne directrice de ma démarche artistique. En tant qu'artiste citoyen, le choix du papier-matériel s'inscrit dans une démarche écologique créative circulaire. Mon but est de redonner une deuxième vie à du « vieux papier » à usage unique, car destiné à être jeté, abîmé, oublié une fois l'événement consommé. Insuffler une nouvelle destinée créative à une création urbaine éphémère pour en faire une création contemporaine qui s'inscrit dans le temps. Car faire du neuf avec du vieux est un engagement citoyen. 

Avez-vous un format ou un support avec lequel vous êtes le plus à l'aise ? 

J’aime les grands formats. Parce que cela crée un rapport physique avec la toile. Mais je peux m’adapter à tous les formats.

Où produisez-vous vos œuvres ? 

Depuis quelques années, j'ai toujours transformé les divers lieux où je réside en atelier. Mais aujourd’hui, j’ai eu la chance d’investir une ancienne imprimerie à Dunkerque et d’en faire mon atelier principal. La surface du lieu me permet de créer divers espaces de travail et ainsi de créer des MadeReady de tailles différentes. Cette liberté de mouvement est primordiale pour moi. Je peux me déplacer, prendre du recul avec le temps et l’espace. De plus, je peux y organiser des “portes ouvertes” afin de présenter régulièrement mon travail 

Votre travail vous amène-t-il à voyager afin de rencontrer de nouveaux collectionneurs, pour des salons ou des expositions ?

Depuis 2015, j’ ai été invité dans diverses manifestations (résidence artistique, biennales et expositions) à l’étranger (Inde, Italie, etc) et en France. C’est toujours une occasion de présenter mon travail et de rencontrer des artistes de tous horizons et de nouveaux spectateurs. Cela est toujours enrichissant humainement et artistiquement. 

Comment imaginez-vous l'évolution de votre travail et de votre carrière d'artiste dans le futur ?

 Mon travail artistique évolue tout le temps. J’ai commencé par la photographie. Puis le collage. Et depuis peu j’ai introduit dans mon travail l’encre d'imprimerie. Cela me permet d’approfondir ma recherche picturale et d’offrir un autre angle de lecture à mon travail de collagiste. 

Quel est le thème, le style ou la technique de votre dernière production artistique ? 

Le dernier MadeReady réalisé à pour but d’interpeller le spectateur face au réchauffement continu de l'Arctique. Je me suis approprié une affiche de décoration trouvée dans la rue représentant un ours sur une banquise. J’y ai ajouté des bouts d’affiches de couleurs et de l’encre pour créer une atmosphère plus en phase avec mon questionnement face au réchauffement climatique. En tant qu’ artiste, je me dois de véhiculer, rappeler que la fonte des glaciers et des banquises est problématique et que les conséquences environnementales et humaines sont déjà graves. 

Pouvez-vous nous parler de votre expérience d'exposition la plus importante ? 

Je ne sais pas si c’est la plus importante mais lorsque j’ai réalisé mon premier “clothing art”, j’ai ressenti une grande intensité émotionnelle à déambuler dans les rues de Paris jusqu'au Grand Palais. Et de subir tous les regards. Je pense que c’est vraiment là que j’ai pris conscience que mon travail pouvait affronter la critique. 

Si vous aviez pu créer une œuvre célèbre dans l'histoire de l'art, laquelle choisiriez-vous ? Et pourquoi ? 

Le premier émois devant une œuvre d’art, je l’ai ressenti devant le tableau de Magritte : « La trahison des images ». Parce que ce tableau met en lumière le rapport entre l’objet, sa représentation et le langage. Et c’était magique pour moi. 

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre (mort ou vif) à dîner, qui serait-ce ? Comment lui proposeriez-vous de passer la soirée ?

 J’aimerai inviter pas un artiste mais plusieurs : Marc Chagall, JB Basquiat. et Michaela Spiegel. Open bar toute la soirée devant une grande bâche blanche. But réaliser un cadavre exquis » pour une création libérée des entraves de la raison.

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