Ajouté le 27 janv. 2004
On reprochait à Gustave Doré en son temps de n'être finalement qu'un bon ciseleur. on lui déniait donc la qualité d'artiste !
Voilà un bon sujet de réflexion, que j'ouvre ici. Laissez-moi votre avis, ouvrons le dialogue...
Quelle différence y-a-t-il entre un artisan potier et un artisan d'art ? Tous deux pétrissent la même glaise, la cuisent au même four, tous deux façonnent des objets usuels avec la même dextérité... Alors ?
La différence, si j'en vois une au-delà du statut social ou de la reconnaissance par des pairs, se situe dans la capacité que possède l'artiste à transmettre une émotion. Le potier nous laisse indifférent et l'on ne voit dans l'objet que l'aspect utile, pratique, vulgaire pour reprendre une expression biblique (2° lettre à Timothée 2 : 20). L'artiste, lui, nous émeut, et son travail nous impose une vision du monde personnalisée, idéalisée, qui sort du quotidien: il appose sur l'objet un titre de noblesse.
Et c'est bien là que se situe le don que possède l'artiste. La technique s'apprend. Avec volonté, détermination, patience, tout être humain normalement constitué peut devenir un bon artisan, "un bon ciseleur". Mais en aurons-nous fait un artiste? Comment lui enseigner la sensibilité, l'émotion ?
On peut apprendre à penser, à raisonner, mais comment apprendre à ressentir une émotion, ou plus difficile la donner ? Les comédiens ou les cinéastes vous diront qu'il y a des trucs, des recettes. Mais en fait, ces trucs ne sont que des choses apprises et réutilisables, cela devient un métier, un travail, loin de l'inventivité de l'artiste vrai.
Voilà donc un deuxième critère indispensable à la notion d'artiste: la créativité. L'artiste ne peut se contenter de recopier le monde qui l'entourre. L'artiste s'approprie le monde, le réécrie, le façonne, lui donne un sens. Pour cela, il force le public à aller au-delà de la simple obsvervation passive de l'oeuvre, il le bouscule dans ses certitudes, le provoque, le surprend, l'interpelle dans des sentiers que nul autre n'a auparavant parcouru.
Ce qui confère à l'artiste une autre dimension, celle de témoin de son temps, par la qualité de la réflexion qu'il apporte au public. De là, à aller vers une dimension mystique sur la signification du monde, ses origines et son devenir, il n'y a qu'un pas que certains ont franchi.
L'artiste est donc un être à part dans la société humaine, dont les productions ne sont pas indispensables à la vie, mais qui l'embellissent. Nous aurions pu nous passer de Beethoven, de Victor Hugo ou de Van Gogh, mais quel bonheur nous ont-ils donné !
Modestement, je souhaite pouvoir apporter à mes contemporains un peu de ce bonheur, que devant une image qui les séduira, ils puissent oublier un instant le monde cruel qui nous entourre.
Alors, je connaîtrai la véracité de cette parole de l'Ecriture:
"Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir". Actes 20 : 35