Claude Gauthier

L'atelier du Peintre

En quoi la peinture de Claude Gauthier peut être tenue pour naïve ? année 1986

Habituellement ,les peintres naîfs ne m'inspirent guère; un trop grand nombre d'entre eux sont à la peinture ce que sont au chant les chanteurs qui chantent faux. J'estime qu'un minimum de dons est tout de même nécessaire à l'élaboration d'une oeuvre d'art.

Toutefois, si Claude Gauthier doit être considéré comme tenant de la peinture naïve, alors, je veux bien adhérer à cette peinture là !

Au reste, aucune preuve, aucune référence, aucun critère ne peuvent démontrer, de nos jours, que tel art est supérieur à tel autre. Le seul jugement valable vient du public. Or , nous croyons savoir que Claude Gauthier a déjà reçu de sérieuses satisfactions à cet égard.

J'ai sous les yeux une toile "20 figure" intitulée "La Turbie" qui est un chef d'oeuvre de composition . Lorsqu'il atteint ce degré de perfection, je dis : "Vive l'Art Naïf" !
Il faut comprendre qu'une composition picturale est un tout complexe en un certain ordre disposé, et qu'il est nécessaire que le peintre y fasse voir le sens du rythme, de l'équilibre, de l'intelligence de l'espace peint. le spectateur ne sera sensible à la valeur du résultat obtenu que si toutes ces qualités s'offrent à son regard...Ainsi le tableau sur "La Turbie" de Claude Gauthier en administre une éclatante démonstration.

Avez vous analysé les oeuvres des peintres naïfs les plus réputés...Le douanier Rousseau, Jean Eve, Bauchamp?... Elles ont toutes en commun d'être chargées de poésies, de goût, et d'intelligence...

C'est pour cette raison que nous considérons que le plus grand de tous les peintres naïfs est Marc Chagall. D'autant qu'il possède, en outre, un don que tous les peintres naïfs possèdent : Il est un remarquable coloriste.

La couleur est le maître vocabulaire de ces néo-primitifs!
Claude Gauthier, lui aussi, est un fin coloriste. C'est André Salmon qui a dit que les "noirs" du Douanier Rousseau ne trouvaient des rivaux que dans les oeuvres de Bonnat...

Les "rouges" et les "bleus" de Claude Gauthier, eux, n'ont de concurrents que dans les tableaux de certains primitifs italiens.
Son univers chromatique est exceptionnellement riche et personnel.

C'est par la magie de ses couleurs que Chagall a produit sur trois générations de jeunes peintres une influence considérable.
Que son dessin ait paru parfois ingénu ne lui a rien enlevé de son autorité, ses harmonies se sont toujours trouvées là pour justifier les licences graphiques.

Mais il va de soit qu'un peintre naïf qui serait un piètre coloriste ne serait sauvé par rien !...

Encore que dans le cas de Claude Gauthier (du moins s'il reste entendu qu'il est bien un peintre"naïf"), une autre grande qualité vient compléter son talent de coloriste, il dessine à la perfection.
Chez lui, point de perspective fausse, comme hélas on la rencontre trop souvent dans cette catégorie picturale. Point de maladresse coupable, ou de détails puérils...

Je m'arrête pour me demander :" Alors, en quoi la peinture de Claude Gauthier peut - elle être tenue pour naïve "?

Et bien, en cela, tout simplement, qu'elle ne renferme aucun des poncifs classiques de telle ou telle autre tendance ? C'est là que réside la force des naïfs. Leur peinture ne ressemble à aucune autre; ce qui constitue une démonstration par l'absurde de son originalité...

Et il est bien normal qu'un jour une place leur soit faite dans l'histoire moderne de l'Art. Un musée leur a été ouvert à Nice...

Les collectionneurs qui les honorent de leurs achats sont maintenant trop nombreux pour que cette forme d'expression plastique puisse être tenue à l'écart.

En tout état de cause, si Claude Gauthier était né avant l'avènement de l'art dit "naif", son talent se serait imposé de toute façon.

Il avait des sentiments personnels à extérioriser...Il désirait mettre en valeur par la traduction sur la toile, les sites qu'il aime...

Il y serait parvenu vaille que vaille. Sachant que personne ne peut reproduire parfaitement la réalité, il se serait senti la liberté, l'autorisation morale, d'interpréter celle - ci à sa manière.

Après tout, avons nous déjà vu un paysage dans lequel la présence du soleil nous ait ébloui au point de nous obliger à fermer les yeux? Non, n'est - ce pas ? Donc, à partir de cette impuissance, pour le plasticien, de se livrer à une imitation parfaite de la nature, toutes les traductions deviennent possibles. Il suffit d'en découvrir une qui corresponde aux aptitudes et au caractère du peintre!

Il n'y a pas deux artistes qui se ressemblent vraiment, comme il n'y a pas d'empreintes digitales identiques. Les moins personnels des créateurs ont quand même une personnalité...

Et pour ce qui concerne Claude Gauthier, celle - ci est très forte. Car elle est faite de sincérité (l'atout numéro un des naïfs)...Elle est faite aussi d'un sens aigu de ce qui est "pittoresque" - au sens éthymologique du terme - ... Il sait choisir ses sujets. Ceux - ci sont souvent humbles, parce qu'il leur porte une affection particulière...

Max Ernst m'a dit un jour à Seillans, que Marcel Duchamp selon lui, pratiquait l'anti art..., Ce qui est grave... Et ce qui pourrait bien sûr se dire de certains faux naïfs.

Pour ce qui concerne Claude Gauthier, je parlerais volontiers d'un art "autre"...Son néo-primitivisme est si spécial qu'il fait de lui un "authentique chef d'Ecole".
Il a créé une esthétique nouvelle à laquelle pourront adhérer tous eux qui veulent être " vrai" sans tomber dans la naïveté frustrante...L'absence de toute technique vidant d'une grande partie de ses attraits l'action de peindre.

Claude Gauthier, à l'inverse de presque tous ceux parmi lesquels on veut le ranger, n'ignore pas les lois essentielles du dessin et de ses harmonies de couleurs. Je le trouve même très savant sur certains points.

En résumé, cet artiste sympathique, dont je n'ai fait la connaissance qu'assez tardivement, m'apporte une occasion rêvée de me liver à de multiples réflexions sur un mode d'expression qui, je l'avoue, m'était jusqu'ici resté assez étranger. Je l'en remercie.

Jacques Sarcelles

Un univers enchanteur où tout est "net" comme se plait à le dire son auteur, la mer toujours bleue, les fleurs épanouies...telle est la vision de Claude Gauthier qui voit cette année se réaliser ce que bon nombre d'artistes ont toujours rêvé tout bas sans pouvoir le prononcer tout haut: sa première rétrospective.

Avant de clore ce XXe siècle, Claude Gauthier a été invité par la commune de Buzançais, terre d'élection de sa famille, à présenter le bilan de 35 ans d'activité de peintre.

C'est un moment privilégié mais tout autant redoutable pour un artiste de réunir les toiles qui ont ponctué son évolution.

Il s'agit certes d'une consécration. Cependant l'auteur, plus que tout autre spectateur, analyse sa carrière et ne peut se soustraire au parcours des nombreuses remises en question qui ont suscité sa créativité.

C'est donc une épreuve qui sied le plus souvent aux maîtres qui ont résisté au crible du temps.

Pourtant Claude Gauthier, malgré son oeuvre considérable, éparpillée dans le monde entier, qui dénombre pas moins de 250 expositions, n'est sûrement pas parvenu au terme de sa réflexion.

Sa productivité ne cesse de s'intensifier et gageons que cette rétrospective prendra toutes les allures d'un hommage rendu à un travail acharné, décidé à explorer les multiples recoins de son identité picturale.

Le nom de Claude Gauthier a déjà traversé l'Europe et a porté la banière de la peinture naïve outre atlantique;
Pourtant un bon nombre d'admirateurs s'attachent à poser la question de la "naïveté" de son travail. Il ne faut pas s'en étonner. Jean Eve n'a pas encore reçu les palmes de la naïveté et que dire du Douanier Rousseau qui dénonçait lui même l'article "naïf" en justifiant sa peinture auprès de son contemporain Picasso :"Nous sommes les deux plus grands peintres de notre époque : toi dans le genre archaïque et moi dans le genre moderne" ?

Le vocable "naïf" quand il désigne la peinture, ne désigne pas un style où l'on classerait des artistes sur le seul critère de la qualité plastique ou moins bien assimilée par rapport à la peinture figurative. Dans le cas qui nous occupe, le mot "Naïf" renvoie davantage à une démarche innée de la création artistique.

Chaque artiste laisse pleinement libre cours à son instinct pictural. il recrée alors un temps et un espace qui lui sont propres. Au fur et à mesure de l'évolution de son art, il apprend à habiter plus intensement l'univers qui révèle son identité, sa vision intérieure, sa poésie personnelle...

Certains pourraient y voir un travail d'école: avec ses lignes de force, ses contrastes....comme si l'oeuvre était vue au travers d'un vitrail.

Dans ce jeu kaléidoscopique, Claude Gauthier n'a fait que transmettre sa vision onirique, celle qui vient à notre rencontre dans le secret de notre chambre ou, comme disait André Breton "celle qui cogne à la fenêtre" ! Ce n'est pas la vision perçue par notre globe oculaire, c'est celle de notre mémoire, du sentiment, du désir du bien être.

Ainsi le peintre a t'il rompu avec toute référence au temps réel ou à l'espace concret pour récréer ces composantes grâce à un langage autonome.

Si Wilhem Uhde, le premier biographe d'Henri Rousseau, a retenu Louis Vivin parmi les grands noms de la peinture naïve française pour ses représentations rigoureuses d'architectures, on retiendra Claude gauthier, franc-tireur de la figuration illusionniste, qui fera de la peinture naïve une pure invention de peintre.

Madame Anne Devroye - Stilz
Conservateur du Musée International d'Art Naïf Anatole Jakosky
Nice

Le Monégasque Claude Gauthier est un peintre naïf qui a partagé sa vie entre son art et la Sûreté Publique de la Principauté.

A travers son oeuvre, s'il ne recherche donc aucune référence esthétique il ne se sépare pas pour autant des canons de la construction picturale, de l'harmonie des couleurs et des critères artistiques liés à sa passion.

Toile après toile, il laisse ainsi transparaître ses rêves , ses intuitions, ses obsessions, ses pulsions...

Homme simple, sensible et doué, doté d'un don d'observation hors du commun, il joue tout naturellement avec les sites de la Principauté et les paysages de la Méditerranée. Comme ces lieux incitent à la poésie, aux voyages initiatiques, il force en douceur le visiteur à se fixer dans "les royaumes" enchantés et colorés de ses tableaux.

Car, à la différence des artistes épris de figuratif, Claude Gauthier cherche, sans répit, de nouveaux motifs, d'autres paysages dans sa géographie merveilleuse.

L'artiste, à la fois rigoureux et original, veut montrer, sesibiliser, émerveiller, informer sur les beautés qui l'entourent. Mais, avec les pieds sur terre.

Il y puise dans sa palette pléthore de constructions monumentales où la recherche de perspectives sert de point d'ancrage à l'harmonie de composition paysagère. L'ensemble est symbolisé par autant de traits, cercles, arabesques, silhouettes,teintes tendres...qui échappent au monde imparfait d'aujourd'hui.

Pour alarmer? Pour inciter à respecter cette nature? Pour éviter l'oubli des clichés d'antan? Certes, la démarche l'indique d'elle - même. Mais l'artiste sait également que la nature azuréenne est absolue et ce n'est pas pour rien si les dieux s'y sont longtemps penchés.

"Ma peinture reflète mon esprit, annonce t'il fièrement. Je suis toujours dans un ascendant positif. Même dans le magma négatif de tous les problèmes qui pertubent la planète. Car j'ai confiance dans l'être humain, dans l'humanité. S'il avait été vraiment un prédateur aveugle, notre planète existerait - elle encore? Ma peinture est un véritable miroir de ma conscience à la recherche de la connaissance".

Alors, en virtuose des tonalités éclatantes,ce Monégasque part à la recherche des secrets perdus. Pour cela,il multiplie les techniques des bleutés de la Côte, joue avec les bistres et les verts, les contrastes, les matières.Jusqu'à ce que son "monde de Disney" apparaîsse avec ces êtres évoquant une histoire, mieux encore: un conte. Comme s'ils avaient flairé le danger d'un monde sans joie! Toujours en douceur, comme le caractère de l'artiste!

Outre cette façon originale d'inviter à une escale monégasque ou azuréenne, en parfait autodidacte,Claude Gauthier travaille en parallèle sur l'art primitif Maya, imbrique avec un plaisir évident les sarments de vigne, s'essaye à d'autres thèmes favoris, tels la Chine, le Cirque, le Mexique.

Un ouvrage écrit par Anne Stilz Devroye, conservateur du Musée International d'Art Naïf de Nice, et paru aux Editions Syner,lui a été consacré :"Rencontre avec Gauthier".Au fil des pages l'auteur rend hommage au peintre monégasque et à son art.

Jacques Sarcelles le présente aussi dans un ouvrage paru dans la collection Artis-Documenta.

Ce n'est pas sans raison s'il est perpétuellement sollicité par les instances éducatives,culturelles et événementielles de la Principauté pour symboliser célébrations, expositions,projets, spectacles,cowparade, maquettes de timbres, etc.

Jean - Marie Fiorucci