Richard Brachais

A la fois paisible et tumultueuse, la peinture de Richard Brachais offre la confrontation d’éléments figuratifs et de leur trace, de leur déclinaison en touches abstraites. Ce travail pictural révèle un processus de composition et de décomposition, de faire et de défaire : Faire apparaître un paysage, des brins d’herbe, un chardon…Défaire leur évidence en décomposant la forme, les lignes, la couleur qui font écho au motif initial. La figuration est au premier plan, mais très vite l’abstraction apparaît. Souvent entre terre et ciel, il y a d’abord l’envie de célébrer un paysage, puis de s’en détacher pour emmener le regard ailleurs. Paysage, « dépaysage », concentration sur le motif et détachement : en fait, le paysage semble un prétexte à peindre autre chose, à nous transposer dans une dimension plastique abstraite où le rythme de la touche fait vibrer la surface. Les tons vert et bleu dominent dans cette palette qui jouant sur un motif initial, le détourne en déclinant son impact, ses fragments, ses stigmates. Dans cette danse d’azur, l’ellipse atteste du passage d’un motif tellurique à une correspondance céleste. Au premier plan, nous sommes sur terre, puis s’opère un transport vers l’ailleurs évanescent d’un ciel travaillé en volutes onctueuses : nous accédons par la peinture à une autre dimension, au-delà du motif. En effet, le tableau pose d’abord un motif, puis s’en détache, même si dans sa décomposition, les éléments naturels restent suggérés dans la forme ou la couleur. C’est alors au regardeur de construire sa propre lecture à partir de chaque repère visuel qui lui est proposé dans ce croisement entre éléments concrets et abstraits. Double lecture, en fait : au-delà de l’image vient l’interrogation sur la manière de représenter les choses, l’environnement dont l’homme n’est plus le centre. Dans sa fragmentation de l’environnement représenté, il y a donc une invitation à réfléchir sur le devenir de la nature et de la place que l’homme y occupe. En premier lieu la figuration témoigne d’une nature prégnante dans l’esprit de l’artiste, si bien que sur la toile, on reconnaît, on peut nommer : l’herbe, le chardon, l’arbre ou le nuage. Dans le détachement qui vient ensuite, s’opère la fusion entre figuration et abstraction, grâce à l’espace plastique offrant rythme et profondeur.
Sylvain Resse-Marest / 2007