Magpiper (2023) Dessin par Arnaud Dubois

Magpiper in Wonderland

PYTOGRAPHIE



A l’heure où la fauvette caresse de ses mains l’aurore matinale qui blanchit la campagne, un animal s’inscrit sur le registre urbain, qui peut paraitre pour certains quelque peu cagne.

Au sein des rubans blancs qui tapissent la nuit, la déesse aux yeux pie sort d’une boite un bon petit diable aux reflets de moire. Toutes glyphes en avant, cet animal surgit.

La pie sans faire de pause, fait des bonds progressifs à l’aide de ses rémiges sur la page de l’aube. Mécanique, typographique, la pie fait la pige.

Arrivée en fin d’une ligne imagimot, la pie saute de côté pour recommencer sa belle écriture de pleins et de déliés : elle a tout d’une Rémigeton, jusqu’au charriot. La pie se meut à la mesure de ses pas, typographiquement, de pica en pica, chasse sur les talus urbains fissa fissa, poinçonne les alinéas pour attirer les vers à soi. Japy la pie jappe « tchak tchack tchack » et jacasse : elle a du caractère, clarendon dans la voix, du corps et de la chasse, et claironne sur les toits. Son chef d’accusation : son délit d’opinion. C’est une tirelire qui peut déclencher l’ire de celui qu’elle tire de ses rêves et réveille.

Cette foutue caractérielle mais futée, au tempérament de feu bien trempé, juché sur deux pinceaux, gobe les vermisseaux.

Elle glisse, grave, glyphe sur la page blanche de sa journée, se fixe lorsqu’elle n’a plus rien de bon à tirer.
Alors elle prend congé de nous la congénère pour s’en aller errer dans les bois et fougères.

En quête de vermines, de vers et vermisseaux, Margot laboure les lignes, gratte de ses pinceaux. La pie pointe pique et tire frappe de son marteau les bijoux qui l’attirent qu’elle emmagasine en secret dans son nid.

Elle ne semble pas réfléchir avant d’écrire, taille les vers en rondelles et piaille en rondeaux, rançonne les charançons, passacaille et chaconne.
Cette tactilo grave, reine des dactylos, appose son paraphe sur strophes et paragraphes et apostrophe. Elle a à son actif beaucoup de catastrophes.

Elle fait couler bien de l’encre, bien des opéras. Pie voleuse, pie menteuse, c’est la gazza ladra. Magpie fait sa gazette des p’tits potins mondains, la pie fait sa gazelle depuis tôt le matin et fait son édition, son journal quotidien par mots et par typons.

Elle fait feu sur tout ce qui a graisse à ses yeux
Son corps, gras et pansu fièrement se balance.
Sa queue, elle, fait fût, une hampe quand se meut
Une rampe quand se hâte, une haste quand s’élance.

On peut l’accuser de délit de ponction : en effet, elle extirpe et étripe; c’est sans compter sur son délié de jonction : car en fait, elle écrit et édite.

C’est un oiseau qui possède je ne sais quoi de fluet et de grassouillet à la fois, un juke box à plusieurs ritournelles, un chatterbox à plusieurs crécelles.


C’est une didone de la casse qui transforme son tableau de chasse en henné, une friponne de basse classe qui ne fait pas partie de la caste des aînés. Est-ce à cause de sa voix de stentor du jabot ?

On peut dire que si son ramage et son plumage se rapporte à l’empattement de son jambage
La pie sera une sirène de tapage.

Elle ne fait pas à priori partie de l’élite de la passion même si elle possède une particule qui fait la bascule et même si la pie se donne de l’apparat quand ce qui brille est un appât. Cleptomane patentée des cryptogrammes dorés, la pie des larcins se donne de grands airs dans son smoking pie du soir et du matin. Son œil en contrepoinçon guette les contrefaçons.

Si on voulait la traduire sommairement comme dans un préambule on dirait que la pie est dans une version grasse italique :

La gazza ladra est en gras, en italique ; elle est penchée en avant et tout en oblique. A cela s’ajoutent quelques rafales de reflets violets dans ses rémiges qui rappellent le raisin.
Au milieu d’un champ fleuri elle ne manque pas de pica.

Au sein de sa « police », elle a beau se cacher, rien n’y fait ; il est aisé de la retrouver.
C’est une tour de pie terminée par un « e » qui scrute l’horizon en quête de filons.
Mi fugue mi gredin, mi guigue mi raisin, nous fait un œil de pie pour tirer son filin, filon qu’elle extirpe du voile de la terre et qu’elle avale en l’air d’une becquée de fer.


Petit tour de Piis

La Pie plus pétulante à son poste se presse
Et, de son propre poids met en pièces les mottes
Malgré sa promptitude tient à la paresse ;
Pour mieux corriger les coquilles et les fautes

La pie est une tour, penchée, prompte et pansue. Elle guette sans cesse, sans trêve est à l’affût. Une tour de « p » penchée précédée d’un piquet, un « poinçon, un pieu, une pique ou un poignard » qui percent tous les « e », les lards de part en part.

L'I droit comme un piquet établit son empire;
Il précède la peine, et prévient le plaisir,
grâce à lui le rire de la pie se trahit
Et par l'I prolongé la fortunée glapit.

Des poinçons et des pieds elle fait un double usage,
Surprenant la pudeur et la peur au passage

Quelque chose colle au fond : il reste un peu de gras
Scriptori pro pena detur pica pica

Hic versus est scriptus, qui scripsit sit liberatus
Car en effet, il n’en peut pie !

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