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André Quétard

Назад к списку Добавлено 30 июл. 2014 г.

FIGABSTION: MA NOUVELLE DEMARCHE ARTISTIQUE

Entassés dans tous les coins de l'atelier, mais aussi parfois exposés au petit bonheur sur quelque meuble ou accrochés le long des murs, les tableaux d’André Quétard se disputent une place et envient le dernier né qui prend encore ses aises sur le chevalet. Le regard va et vient, étourdi de couleurs, dans la lumière blanche qui inonde la pièce. Des motifs s'imposent. Voici une boîte de Vache qui rit, voici des visages de petits bonshommes à la Sempé, voici des branchages... Ici, un coin de tableau qu'on croirait tout droit venu d'un dripping de Jackson Pollock ; là, un fragment de Loire rappelant Olivier Debré ; là encore, le souvenir d'un paysage abstrait de Zao Wou-Ki... Et puis, un numéro récurrent, le 72, des lettres, quelques mots tels que Bacchanale ou bien Orléans. On distingue aussi de longues frises de motifs ou de signes qui semblent issus d'un ailleurs indéfinissable…
Mais posons plus longuement nos yeux sur chaque toile, prenons un peu de recul : dans quel univers se trouve exactement notre boîte à fromage hilare associée par un vers, soigneusement calligraphié, à la célèbre fable du Corbeau et du Renard ? A quel ensemble se rattachent les compositions picturales dont nous ne voyons que des fragments ? A quel monde renvoient ces noms, ces arabesques indéchiffrables ? Les questions se bousculent car voilà que le réel se perd dans des espaces de couleurs fondues, rythmés parfois d'une géométrie de bandes verticales et horizontales qui se croisent ou s'ignorent, apparemment indifférentes à l’éventuelle signification de leur dentelle graphique.
De telles peintures sont-elles abstraites ou figuratives ? Difficile de se prononcer. Il semble bien que nous soyons ici dans une catégorie intermédiaire à laquelle il conviendrait de donner une appellation propre. C’est précisément ce qu’a fait André Quétard en forgeant le néologisme de FIGABSTION pour caractériser les œuvres qu’il peint depuis 2010.
Image d'un monde réel ou irréel, la peinture figurative prend pour modèle des éléments identifiables, reconnus, fussent-ils parfois déformés. Jusqu'en 1910, date de la première aquarelle abstraite de Kandinsky, la peinture ne dérogeait pas à la règle qui lui assignait pour mission de représenter le réel. Puis est venue une autre forme de création : « J'appelle art abstrait, écrit Michel Seuphor, tout art qui ne contient aucun rappel, aucune évocation de la réalité observée, que cette réalité soit ou ne soit pas le point de départ de l'artiste. »
Pendant de nombreuses années, comme d'autres peintres, André Quétard a oscillé entre le figuratif et l'abstrait car aucune démarche créatrice ne saurait être irréversible. Mais un jour, il a voulu faire autre chose. « Après cinquante ans d'alternance de peinture figurative et de peinture abstraite, confie l'artiste, j'ai décidé, à partir de 2010, de devenir un peintre figabstif. Figabstion est une contraction de figuration et abstraction. J'ai finalement été un peu las de ces deux formes de création qui, pratiquées de façon exclusive, brident les possibilités d'expression. »

Prisonnière de l'identifiable et depuis longtemps déjà concurrencée par la photographie, la peinture figurative, selon André Quétard, semble avoir atteint ses limites, fût-ce à travers la Nouvelle Figuration qui a fait la transition entre l'abstraction hégémonique des années 50 et la Figuration Narrative, théorisée au cœur des années 60. Quant à la peinture abstraite, l'artiste l'estime aujourd'hui « dépassée », du moins répétitive lorsqu'on en maîtrise la technique.
André Quétard a donc voulu explorer d'autres voies de la création artistique, « voir plus loin » selon sa propre expression. Pour lui, figabstion rime avec libération, émancipation des codes habituels. Cette peinture repose sur le hasard, l'instinct, et se sent particulièrement en phase avec l'art aborigène qui, lui aussi, associe fréquemment le figuratif et l'abstrait, notamment sur les totems ou dans la gravure de coquillages nacrés. Indépendante, la peinture figabstive ne se fixe aucun tabou, associant parfois à sa propre inspiration des référents artistiques connus, comme autant de clins d'œil, mêlant volontiers des mots, des chiffres, des symboles ou des pictogrammes aux éléments traditionnels d'un tableau, sans message particulier, mais dans le souci constant d'une osmose plastique.
La fusion qu'établit André Quétard entre le figuratif et l'abstrait ne s'inscrit pas nécessairement dans les seules dimensions de la toile. Elle va parfois au-delà et trouve alors un prolongement dans notre propre espace. En témoignent des chaises comme des totems, peints eux aussi très librement et étroitement associés à des tableaux figabstifs, dans une même harmonie chromatique. En témoignent également des éléments extérieurs tels qu'une plante ou une fenêtre dont l'ombre, apparue fortuitement sur la toile, va se trouver définitivement intégrée à la composition comme une intrusion de la réalité dans l'univers autonome de la peinture. Par le jeu du regard, tout se passe alors comme si l'œuvre générait à ses côtés un objet identifiable, tangible (siège, fenêtre...) et, dans l'autre sens, comme si cet objet perdait son image dans le tableau ou s'y réduisait à un fantôme de lui-même. Mais chez André Quétard, tout élément concret peut aussi devenir le support d'une création libre qui en modifie la perception, au-delà de nos habitudes : une fois parés de motifs inclassables, un tabouret, un fauteuil, un buffet... perdront leur fonction première et entreront dans le monde figabstif, pour le plus grand plaisir des yeux.

Christian Jamet

Auteur de plusieurs ouvrages sur la
peinture, Christian Jamet est aussi romancier.
Il vit et travaille à Orléans
Merci à toi Christian, qui a su si bien expliquer ma démarche artistique. André

Artmajeur

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