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Kouider Medjahed

Back to list Added Sep 28, 2009

Le sculpteur aux dimensions inaccessibles
Source : El_watan, Mercredi 12 Octobre 2011





Il faut au contraire prendre le temps de les méditer une par une pour comprendre à quel point son travail d’artisan, en apparence banal, est complexe. L’artiste compose avec le vide, comme le ferait un musicien avec les silences ou un romancier avec les non-dits. Mieux encore, l’artiste semble créer plus que des univers, des «multivers» pour reprendre la terminologie des cosmologistes, à tel point qu’il faut peut-être se placer dans une dimension supérieure pour en saisir la forme. Ces «tores» difformes et entremêlés échappent à toute capacité de recomposition de l’œil et invitent donc à une véritable gymnastique de l’esprit, pour en approcher le sens profond.
Son contemporain, néanmoins son aîné Mohamed Boukerche, nous a déjà étonnés avec ses calligraphies sculptées dans le bois, mais là, on peut toujours suivre les flexions du verbe à trois dimensions enroulé dans un bloc compact. Ce n’est pas le cas chez Kouider Medjahed, avec qui le vide fait partie intégrante de l’œuvre, rendant des faces entières inaccessibles aux sens habitués aux orientations classiques : face, profil, haut, bas, etc. Ses œuvres sont déroutantes. L’artiste, selon ses rares déclarations à la presse, a été amené à une double transgression. La première est symbolique, elle est liée au tabou entourant la représentation de la femme cultivée par la société dans laquelle il évolue, la seconde est plus concrète et a trait à une espèce d’interdit qui frappe l’acquisition du matériau (orme, platane, olivier, thuya) avec lequel il confectionne ses travaux.
L’orme en particulier qui pousse dans sa région (Sabra) est protégé par la réglementation forestière et les bois nobles qui peuvent en constituer la matière première de substitution sont chers sur le marché, en tout cas assez pour ne pas rentrer dans ses frais. En plus donc de se retrouver parfois dans l’obligation de contourner la loi, en allant recueillir illégalement quelques troncs d’orme, il doit donc aussi contourner la censure ou plus exactement une autocensure insidieuse qui fixe les limites de la représentation picturale.
Le style de Kouider Medjahed est sans doute né de ce conflit entre le désir d’aller jusqu’au bout de son imaginaire et la pesanteur de ses attaches sociales assumées avec plus ou moins de compromis. Malgré tout, son idéal féminin, source de son inspiration, est omniprésent. Chez lui, la femme est magnifiée mais uniquement quand elle est représentée seule, c’est-à-dire, lorsqu’elle exhibe ses propres formes.
Cette image de la femme idéale est accentuée dans ses représentations de couples entremêlés dans une espèce de yin et de yang en trois dimensions. La partie masculine, plus foncée, est vue comme une excroissance, presque une tumeur, rugueuse et informe sur la peau maculée de l’être féminin. C’est comme si l’élan créatif de l’artiste nous renvoyait à des représentations enfouies dans l’imaginaire, comme celle de l’homme (Adam et Eve) chassé du Paradis pour avoir goutté au fruit interdit. La féminité comme origine du monde est apparemment une des psychés archaïques mise en relief par l’artiste, qui célèbre cette espèce de «mandala» avec magie en introduisant, dans ses travaux exposés dans cette galerie, un instrument de musique effrayant et envoûtant à la fois. Les cordes de la lyre enchanteresse contrastent avec le support diabolique de l’instrument placé au centre de toutes ses «figurines».

Kouider Medjahed expose à la galerie
Espace Lotus-Pigier , à Oran, du 6 au 21 octobre


Djamel Benachour

Artmajeur

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