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Abdelaziz Charkaoui

Back to list Added Apr 1, 2010

Galerie Venise-Cadre

Thursday 15 April 2010
Friday 30 April 2010

La réussite artistique d’Abdelaziz Charkaoui, impossible de confondre avec son
célèbre homonyme tellement leurs styles sont différents, nous fait penser à
celle du berger, héros d’un texte de lecture de notre enfance, qui écoutait les
leçons du dehors de la classe et qui donnait toujours les meilleures réponses à un
maître étonné. En effet cet artiste à proximité de l’ambiance de l’Ecole des Beaux Arts
de Tétouan, dans ses plus belles années, sous la direction de l’inoubliable Monsieur
Serghini, a tout compris des secrets de l’art de peindre le monde et les vivants,
fascinante réalisation pour les jeunes marocains, sans jamais pénétrer dans le sein de
son espace d’apprentissage. Ses instincts d’observation se sont alors aiguisés,
comme l’ouie de celui qui écoute des murmures envoûtants derrière une porte close.
Le résultat aujourd’hui est admirable, car les autodidactes mettent toujours un point
d’honneur à s’exprimer mieux que ceux qui ont reçu paisiblement leur savoir. La
peinture d’Abdelaziz Charkaoui est tendue par cette volonté sans répit de quête d’une
perfection, aperçue chez les maîtres de la grande peinture européenne.
Ce qu’il l’a aidé et encouragé à oser aborder ces lieux de l’exigence absolue, c’est
encore sa passion, mais aussi sa grande culture littéraire. Cet effort tyrannique est
visible sur son visage, même caché par une barbe touffue, par l’exorbitant regard de
ses yeux mobiles.
La peinture d’Abdelaziz Charkaoui est totalement assujettie à son implacable regard,
quasi-mécanique, qui ne laisse rien au hasard. Voici comment lui-même juge son
parcourt : « C’est sûr que ma formation d’autodidacte m’a appris à ne compter que
sur moi-même pour mener à bout mes recherches, comme elle m’a appris à remettre
en questions tous les résultats. Mais c’est surtout la peur de céder à la facilité et à
l’improvisation qui me pousse à toujours encadrer mes pulsions créatrices.»
Cette envie absolue d’être peintre se paye par une tyrannie sans répit de ce même art
désiré. Il faut, pour surmonter l’épuisement qu’elle occasionne, mener une vie très
paisible. Abdelaziz Cherkaoui semble vivre paisiblement, aidé par notre époque qui
dédouane les artistes marocains des démons de l’incompréhension meurtrière.
Voyons attentivement cette peinture remplie de maîtrise et d’exigence. Telle qu’est
aujourd’hui, elle ressemble à des séquences d’une mise en scène d’un monde réel et
La mise en scène du nord rêvé à la fois. Un monde aperçu et réévalué par la fascination qu’il exerce sur cet
artiste. C’est le nord du Maroc, qui subit un traitement semblable à celui de la figure
de la bien-aimée dans la tête d’un amoureux passionné. En fait l’attachement
d’Abdelaziz Charkaoui à sa région est redoublé par l’amour de cet artiste à l’acte
même de peindre. C’est ce renforcement de ses sentiments d’affection qui subjugue
dans les ouvres de ce peintre, parce que celui qui les reçoit est surpris par tant de
minutie et de doigté dans la présentation de ses sujets. Seuls les peintres du nord ont
pris leur région comme sujet de leur peinture, les autres ont vu dans leur
environnement des prétextes, et les abstraits ont quasiment ignoré leurs attaches
géographiques au profit d’une fascination narcissique pour leur subjectivité affolée.
Abdelaziz Charkaoui ne cesse de faire le portrait d’une région et renouvelle son
premier amour, celui le plus fort et le plus indéfectible de son enfance. Nous croyons
qu’il n’y là aucun raidissement régionaliste, c’est une recherche de synergie entre un
art désiré et une région aimée, pour aboutir à des réalisations d’une exigence
impossible à atteindre autrement.
D’ailleurs sa maîtrise avérée semble aujourd’hui le détourner un peu de ces sujets
pour une représentation de paysages vides, et simplement occupés par une nature qui
entoure quelques totems en pierres.
La peinture de cet artiste refuse absolument tout ce qui est laid et bas, parce que seule
son idée d’une beauté virginale pouvait mobiliser son énergie incroyable pour
l’atteindre. C’est dans cet esprit qu’il peint tous ses sujets, pour les rendre dignes de
la peinture même, entourés d’une lumière qui les rehausse, et les rend admirables.
Les photographies qui doivent être en amont de ses tableaux sont souvent
recomposées, et deviennent ainsi comme les dessins en aquarelle des peintres
anciens, glanés rapidement devant des motifs rencontrés au hasard, pour enrichir de
détails le chef-d’oeuvre insatiable de perfections.
Ce sont surtout la lumière et le dessin qui donnent la grande puissance à la peinture
d’Abdelaziz Charkaoui, qui a la chance d’avoir à la portée de son regard des sujets
infinis pour alimenter son appétit dévorante. Il use superbement du dessin pour
arracher l’adhésion d’un spectateur à la vue d’une vie connue, et la lumière souveraine
ajoute un lyrisme quasi-musical, qui l’enchante et fait chavirer ses émotions. Un vrai
traquenard pour toute sensibilité, pourvue qu’elle ne soit pas émoussée et blasée.
Toute peinture semblable à celle d’Abdelaziz Charkaoui, malgré son décalage par
rapport aux audaces artistiques actuelles, réponde au besoin de voir la vie ici
rehaussée, dans le temps de son déni. L’esprit aimable et loyal de l’artiste est ainsi
reflété dans chaque détail du plus prestigieux au plus trivial, et ses tableaux sont des
natures mortes comportant des présences humaines, et devant eux nous avons la
sensation de quelques prodiges et miracles, tellement il atteint ce stade de précision
dans les rendus des éléments, et que rien ne semble indiquer tout le labeur qu’ils ont
demandés. La lumière occulte ou met en évidence un monde rendu intime par sa
saisie singulière, qui le présente neuf et immaculé, comme re-inventé par le peintre.
Abdelaziz Charkaoui n’est pas un dernier orientaliste venant, dans son propre pays,
ressasser l’envie d’une vie autre et aperçue de loin. Il est intimement dans ce qu’il
peint, et tente de capter le nord, sa terre, comme un espace et un temps réel et
mythologique, à la manière des classiques pour la Grèce des héros. Au seul artiste que
nous pouvons comparer sa tentative audacieuse de se hisser au niveau des maîtres, est
celle, malgré les siècles qui les séparent, de l’anglais Gainsborough, autodidacte lui
aussi. Ce dernier ne songeait qu’à saisir les portraits de ses contemporains, avec une
virtuosité obtenue par son insistante volonté, et les entourait de paysages où luimême
désirait vivre.
Nous terminons ce texte par une déclaration de ce peintre, sa profession de foi dans
son art :
« La peinture est un amour sans limites de la vie, c’est du militantisme, dans la mesure
où elle peut ouvrir de nouveaux horizons pour voir et vivre autrement. ». Après cela,
que faut-il ajouter ? Rien.
Azzouz Tnifass

Artmajeur

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