Voilà plus de dix ans qu'Anic peint, entre expressionnisme et abstraction. Pour l'essentiel des oeuvres de grand format, toutes nées du corps à corps de l'artiste avec la couleur et le papier, son support de prédilection. Des oeuvres pleines de forces et de violences, pleines du geste même de peindre - étaler la couleur, à grands coup de pinceau ou directement à la main. Sait-elle à l'avance ce qu'elle va peindre? Non. Ni modèle, ni pensée préalable. Pas de retenue non plus: peindre pour Anic - un immense plaisir, dit-elle, c'est se laisser aller à de grands moments de liberté. En 2013, elle s'est juste dit qu'elle avait envie de moins de couleurs et de plus d'abstraction, d'épure... Au commencement, la même urgence de peindre, s'approprier la couleur, travailler les creux et les blancs, trouver le rythme, ménager des silences. Anic travaille vite, d'un geste ample, déposant sur le papier toutes sortes de griffures et d'écoulements... Comme une calligraphie. De là est née sa dernière grande série: sur le blanc du papier, le noir domine ponctué çà et là d'éclats de couleurs; des éclats de rouille ou de feu - ceux de quelque vaisseau fantôme, d'un train abandonné ou d'un orage passé? des verts dilués - ceux de quelque rivière ou d'une cascade? des pâleurs roses, celles d'une aube ou d'un soleil couchant? tout à coup, le geste s'est arrêté, comme surpris. et c'est sans doute ce qu'Anic vient chercher dans l'acte de peindre: la surprise. Une montagne qui pleure, un glacier qui craque sur lui-même, une grotte mystérieuse, un viaduc dans la brume, un chemin de croix, un verre à moitié vide. Et lorsque la surprise est advenue, l'oeuvre est achevée. il ne reste plus qu'à la nommer, pour la faire partager au spectateur.
Caroline Laroche, Historienne de l'art - 11 avril 2015