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Valérie Crausaz

Retour à la liste Ajouté le 13 oct. 2009

DESSINE-MOI UNE FORME…

Arrivée dans l’atelier de Valérie Crausaz : face à l’entrée, un empilement de formes peintes découpées dans des plaques offset (feuilles d’aluminium servant aux imprimeurs). Une curieuse envie : les regarder, avant les peintures, jouer avec. Des formes simples, directes, radicales, bref évidentes.
Pourquoi évidentes ? Je regarde enfin les dessins et les peintures, accrochés au mur, posées au sol. Les formes foisonnent, oscillent, pivotent, tournoient, et toujours l’évidence.

Jusqu’en 2002, un bonhomme d’un graphisme enfantin, souvent peint en gris coloré, structurait la surface et faisait jouer les formes entre elles. Aujourd’hui, le bonhomme a disparu pour laisser la place à une luxuriance de motifs végétaux, animaliers ou simplement graphiques – rayures, cercles, disques, barres… Ils sont peints au pochoir (positif ou négatif), comme les formes ont été découpées : sans hésitation, comme découpe un enfant. Leur efficacité est renforcée par une gamme colorée intense d’accords heurtés, jouant souvent des complémentaires et travaillée en aplats. Les formes se superposent, s’intercalent, chevauchent dans un mouvement accentué par le jeu des valeurs. L’œil se modèle à une luminosité très contrastée, abrupte, qui décale les plans, sculpte l’espace en zones d’ombre et de lumière où se déploient, s’épanchent les formes. Leur association semble improbable, un hasard non maîtrisé. Nées de la même main, les formes finiront bien par se la donner. En farandole bruyante, l’enchaînement joyeux fait cascader la lumière.

Je pense au Cirque d’Alexander Calder, tout en fragilité et pourtant tellement fort dans son évidence plastique, à ses Mobiles. Nombreux sont les artistes qui ont axé leurs recherches sur le travail des formes « abstraites ». D’Henri Matisse à Shirley Jaffe, en passant par Hans Arp et Stuart Davis, les propositions divergent. Mais Valérie Crausaz n’a pas puisé chez ces artistes son vocabulaire formel. C’est par la vitalité qu’elle impulse à ses peintures et œuvres sur papier qu’elle partage leur univers. Ses formes ne sont pas épurées comme celles de Matisse, elles n’ont pas la sophistication de celles de Shirley Jaffe. Elles ne sont pas élégantes comme celles de Hans Arp, leur agencement n’est pas savamment calculé comme dans les œuvres de Stuart Davis. Elles sont abruptes, à l’emporte-pièce, s’imposent d’elles-mêmes par la puissance de leur graphisme et la gaieté de leurs couleurs. Si Calder est évoqué avec son Cirque, c’est qu’il y a la même joie, la même jubilation enfantine à faire danser les formes, à les faire tinter entre elles.

La matière est toujours travaillée en fonction de la technique. Il n’y a pas de redite d’une technique à l’autre. Une onctuosité crémeuse pour les peintures à la cire, un toucher velouté pour les dessins, une opacité mate pour les monotypes. Si la spontanéité a guidé la découpe des formes, le hasard leur distribution, c’est un certain entêtement qui modèle, aère, écrase la matière.
La forme est triturée jusqu’à satiété. Épanouie, saturée, illuminée, sonore, elle nous fait entrer dans la danse. L’évidence est là. Fraîcheur et obstination de l’enfance, générosité et acquis de la maturité permettent à Valérie Crausaz d’oser une telle aventure.

Marielle Barascud
8 juillet 2003

Artmajeur

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