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Petra Schubert Lechner

Retour à la liste Ajouté le 10 juin 2006

Petra Schubert - Unir par Jean-Paul Gavard-Perret

Etrange poésie que celle des oeuvres de Petra Schubert.L'artiste est prête à révéler la nature- à être un passeur- pour restituer un dialogue poétique avec elle.
Celle-là à travers sa “trivialité positive” (Baudelaire) ou sa mutation se trouve soudain pérennisée par l'aléa. Ce dernier n'est pas aléatoire et ne se veut en rien iconoclaste par rapport au lieu où il est inséré. « Depuis toujours, mon interprétation picturale est basée sur l'interaction, l'échange avec la nature et l'exploration de la mémoire personnelle et collective » écrit celle qui fait sienne phrase de l'anthropologue indien Ajit Mookerjee : « Pour l'artiste comme pour celui qui la contemple, l'oeuvre représente un chemin vers la vérité et la réalisation de soi ».
Reprenant dans diverses cultures le symbolisme des couleurs Petra Schubert par la diversité de ses techniques - huile, acrylique, pastel, aérographe, collage, relief, sculpture - casse le silence du monde voire du cosmos pour sortir l’être de son engloutissement. Du travail émerge la volupté de formes simples et des couleurs vives souvent à fort contraste. Elles créent divers types de métamorphoses du proche (« coquelicots ») au lointain (« paysages géologiques ») en des dialogues plastiques profonds. Surgit chaque fois une aube qui ramène la nuit au jour.
Le vivant s’incorpore fantasmatiquement à la matière dans ce retour. Il devient paradoxalement un pas en avant. Le monde échappe à l’obscur en des confins inconnus. De la mémoire de l’artiste remontent des images complices, des mains offertes, des secrets. Tout un substrat traumatique se retire. Etrangère à la résignation l’œuvre file vers l’accomplissement d’un désir et d’une raison. Pour cela Petra Schubert garde toujours une bougie qui danse dans sa main. L'ombre dans laquelle elle ne cesse de pénétrer s’écorne, se restreint. Les suites d’émergences deviennent des traces, des indices riches de promesses. Elles remontent aux sources du vivant.
Créer revient à participer à la fascination que la vie suscite. L'œuvre - de la chair des coquelicots aux minéralités d'improbables horizons - transforme la vision en une expérience cosmique. Aimant à rêver qu'un jour nous trouverons en nous réveillant toute l'atmosphère colorée par de merveilleuses coulées vertes, rouges, bleues, l'artiste invente des appels de vallée à vallée, des bains orientaux au milieu d'une brume absurde que la couleur elle-même à la fois dilue et répand. Elle sait nous faire tâtonner dans un air parfois rouge sang et parfois bleu pétrole.
Petra Schubert crée donc un monde de défi dans lequel elle réalise des infiltrations apaisantes. Une osmose s'en dégage. Elle laisse rayonner un univers de formes et de lumière qui font s'interpénétrer et s'éclairer réciproquement deux réalités. La clarté colorée se répand pour l'érection d'un monde commun à tous les êtres, un monde où les mannequins de De Chirico se mettraient en marche parmi nous tandis qu'au détour d'un pan de mur rouge pourrait bien se découvrir bientôt la tête d'une femme que Magritte nomma la mémoire.
Il nous faut donc suivre l'injonction de l'œuvre afin d'aborder ses territoires inconnus, ses fleurs et ses paysages ouverts à tous les vents et où nous pouvons suivre des trajectoires presque intemporelles. L'artiste est une de celles qui dépassent ce point où se méfier des images cesse d'avoir un sens. Avec elle (re)commence un poème cosmique. Il prouve que les images ne vont jamais trop loin. Il faut donc imaginer Petra Schubert comme la vigie de minuits polaires. Ceux-ci embrassent autre chose qu'une condition terrestre car l'art repousse l'espace afin de façonner un voyage sans fin.
Nous pénétrons de la sorte un étrange séjour : on erre dans un va-et-vient entre le proche et le lointain. Chaque oeuvre de l'artiste pèse sur notre séjour terrestre par les espaces poétiques qu'elle élabore en son cortège de lointains dans le réel. Son horizon devient béant même si pourtant des dimensions le commandent en des couleurs qui signifient à la fois des bords et des débordements. Nous dégageant de notre sol, de notre lieu, la créatrice entraîne en son génie du lieu pour une épiphanie qui fait signe et appelle la paix.
Jean-Paul Gavard-Perret
Professeur à l'Université de Savoie et critique d'art

Artmajeur

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