Ajouté le 18 févr. 2013
Nadyn Kuntz, matrice idéiste
Elle travaille exclusivement à l'huile sur toile de lin au pinceau levé. Sur la
base d’un jus de couleur rouge, des tâches se forment de façon aléatoire et lui
servent de matrice pour fabriquer un spectacle symboliste digne de la fin des
temps et du recommencement.
Nadyn Kuntz construit des scènes où les créatures grouillent et remuent,
où les anges et les démons côtoient les hommes, où les corps se fondent
dans les visages. Elle enrobe, superpose et relie pour mieux souligner les
correspondances visibles.
“ Les sujets que je peins n'existent pas. C'est le hasard des taches qui me
sert d'inspiration ; Mon œil construit inconsciemment la scène avec ce rouge
comme source d'inspiration qui symbolise pour moi le berceau de la vie.
J’illustre la douleur, la folie, l’enfantement… La femme occupe toujours une
place essentielle pour raconter la vie, avec ce qu'elle a de beau, mais aussi
avec ses peines et ses douleurs.”
Son récit figuratif, se lie comme un plein compressible. Le vide a peu de
place. Elle investit la surface presque sans interruption, invitant le spectateur à
circuler entre la grande et la petite histoire, entre le détail et le tout.
Les signes de la transformation, les stigmates de l’évolution opèrent
le réel sans contradiction. L’artiste isole les personnages mais ne les
décontextualisent pas. Ni héros, ni victimes, ce sont simplement des êtres
naturels ou supranaturels au dédoublement vampirique qui prolifèrent,
s’affrontent et se confondent. Le débordement a lieu dans les retrouvailles
avec l’autre. Des dizaines de figures se pressent ainsi pour composer les
multiples facettes de l’œuvre. Dans cette confusion des masses, de perte de
la forme et de l’identité, le monde se déchiffre mais c’est aussi un lieu où il
peut s’inventer. Il prend forme au delà et en deçà de la description. Lettres et
signes s’agrègent et se dispersent au gré des impulsions picturales de l’artiste.
A la fois symétrique et chaotique, la structure oscille.
Attirantes et troublantes, les œuvres de Nadyn Kuntz sont un piège tendu
aux interprétations. Dans son agencement idéiste, elle élie la femme comme
support de l’idée. Elle permet une méditation, fait galoper une imagination
enflammée. Pour ménager la part du rêve ou du cauchemar, le suggérer
devient préférable au montrer.
Légendes, croyances, poésie… L’artiste mixe une histoire inédite de
l’humanité mythique. Son psychisme abrite conflits, tourments et heureux
événements. Ces chemins et méandres accompagnent l’inconscient au plus
près de son processus. Ils se nourrissent de l’Eros et du Thanatos dans une
représentation ligamenteuse, attachée à la chair, où tout se relie. Cyclique et
sans fin, ce désir pétrifiant et cette force de mort s’inventent au croisement
de la beauté et de l’horreur. Entre récompense et châtiment, les rapports de
pouvoir et de désir se confondent. Dans cet acte sublimatoire, l’étrange s’érige
avec audace et force. Sensualité, sexualité et supplices charnels sont mis hors
du temps laissant le spectateur à vif et à sang.
Canoline Critiks