Ajouté le 11 déc. 2004
Je peins depuis l’âge de 15 ans, avec une véritable fascination pour la peinture à l’huile. J’ai beaucoup appris par moi-même, en lisant, en pratiquant en cherchant, en observant... Peindre m’est une nécessité quotidienne, à laquelle je ne cherche pas d’explication, elle me traverse et me dépasse.
Mes tableaux sont puisés directement dans la matière et la couleur, parfois dans le tracé au fusain , mais le plus souvent sans dessein préalable, ni esquisse. Quand je commence à peindre, j’ai la tête emplie de mots, d’idées, de thèmes, ou de titres mais la première chose qui m’importe, au delà du sujet, est de trouver sur ma toile les « harmoniques », les rythmes fondamentaux qui soutiendront l’équilibre du tout… Ensuite le tableau s’élabore soit très vite dans le geste, ou plus lentement par un long travail de superposition de couleurs. Alors, je fouaille les pattes, je gratte la toile, j’efface, j’inonde, j’étale, je brosse, je tire, j’essuie, ce sont des activités très physiques, pendant lesquelles je fais le vide en moi. J’essaie de lâcher prise, de mettre en retrait mes intentions et ma volonté de faire, pour laisser le plus de place possible à l’instinct. Car ce que je fais de meilleur se fait dans le dépassement de moi.
Je considère la peinture comme un langage en soi, à part et puissant. C’est sans doute pour cela que les mots, sont pour moi une source essentielle d’inspiration. Ce langage permet de traduire des choses qui ne sauraient être entièrement dites autrement que par l’écriture de tout un livre qui leur serait dédié. C’est un langage complémentaire, un langage du non dit, un langage du « mot sur le bout de la langue », du silence et du bruit, du sentiment et de l’émotion, des odeurs, des saveurs, de l’instant, un langage capable de résumer en un mot le tout de la vraie vie qui ne cesse de balancer entre la grâce et le sordide.
Récemment je me suis rendue compte que le dessin était une forme d’écriture essentielle à ce langage. Récemment je me suis rendue compte aussi que la raison pour laquelle je peignais résidait dans une soif d’expression intarissable à propos de tout et de rien, de l’essentiel et de l’insignifiant, de l’au delà du dire. Alors j’ai laissé ma main faire, et le dessin s’est posé sur la matière informe de mes débuts. Et j’ai commencé à parler, parler, parler sans limite. Et je me suis rendue compte enfin, avec une délectation infinie, que je pouvais me permettre de passer du coq à l’âne ou au chimpanzé et que tout cela tenait très bien la route.