Peter Knapp : L'Art de Capturer le Temps

Peter Knapp : L'Art de Capturer le Temps

Jean Dubreil | 24 mars 2025 10 minutes de lecture 0 commentaires
 

Peter Knapp a marqué l’histoire de la photographie et du design avec des expositions majeures à travers le monde, notamment sur la mode et la représentation humaine, de Paris à Genève, Barcelone et New York. Son influence perdure, et ses œuvres sont conservées dans des institutions prestigieuses, témoignant de son impact durable sur le monde de l'art.

Peter Knapp

Peter Knapp est un photographe, graphiste et directeur artistique suisse dont l'œuvre a profondément marqué l’histoire de la photographie de mode et du design graphique. Son approche novatrice, mêlant dynamisme et modernité, a révolutionné la mise en page des magazines et influencé des générations de créateurs.

En tant que directeur artistique du magazine Elle dans les années 1950 et 1960, il a introduit un langage visuel audacieux, jouant sur le mouvement et la composition pour sublimer l’image. Son travail photographique, reconnu pour son style épuré et expressif, dépasse largement le cadre de la mode pour s’étendre au cinéma, à l’illustration et aux arts visuels.

À travers une carrière jalonnée d’innovations, Peter Knapp a contribué à redéfinir la relation entre l’image et le texte, affirmant son statut de créateur incontournable du XXe siècle.


Jeunesse et formation

Peter Knapp naît le 5 juin 1931 à Bäretswil, en Suisse. Dès son plus jeune âge, il manifeste un intérêt pour le dessin et la mise en page, une passion encouragée par son environnement familial et scolaire.

En 1946, à l’âge de 15 ans, il intègre l’École des arts appliqués de Zurich, où il suit une formation en graphisme et en illustration. Il y est particulièrement marqué par l’enseignement de Johannes Itten, figure emblématique du Bauhaus, qui lui inculque les principes fondamentaux de la couleur et de la composition.

À la fin de ses études, il commence à travailler comme graphiste pour des agences de publicité en Suisse avant de s’installer à Paris en 1952. Ce déménagement marque un tournant décisif : il plonge dans l’effervescence culturelle parisienne et se rapproche du monde de l’édition et de la mode, où il imposera progressivement son style novateur.


Débuts dans la direction artistique

En 1952, à l’âge de 21 ans, Peter Knapp s’installe à Paris, attiré par l’énergie créative de la capitale et les opportunités qu’elle offre aux artistes et designers. Il trouve rapidement du travail dans le milieu de l’édition et du graphisme, collaborant avec diverses maisons d’édition et agences de publicité.

Dans les années 1950, Knapp rejoint le Nouveau Fémina, un magazine prestigieux, où il occupe le rôle de directeur artistique. Là, il met en place des mises en page novatrices, intégrant des éléments visuels modernes qui influenceront la photographie et le design de l’époque. Parallèlement, il travaille également pour les Galeries Lafayette, une institution française, où il est responsable de la direction artistique, contribuant à moderniser l'identité visuelle de ce grand magasin emblématique.

Knapp collabore étroitement avec Jean Widmer, Pierre Pothier et Slavik, trois figures influentes du design graphique et de l'architecture de l'époque. C'est avec Slavik qu'il réalise certains de ses projets les plus célèbres.

En 1954, Slavik quitte son poste aux Galeries Lafayette pour rejoindre l'agence Publicis. Là, il fonde un nouveau bureau de design, pour lequel Peter Knapp joue un rôle clé. Ensemble, ils participent à l’aménagement du drugstore des Champs-Élysées, une décoration révolutionnaire pour l’époque, alliant modernisme, fonctionnalité et design avant-gardiste. Ce projet marque un tournant dans l’histoire du design urbain et commercial à Paris, et la collaboration entre Knapp et Slavik contribue à l’évolution du design moderne en France.

En 1956, Peter Knapp et Slavik travaillent ensemble pour l'Exposition universelle de Bruxelles, où ils réalisent des pavillons pour des entreprises comme le tabac, les banques et les assurances. Les pavillons sont conçus dans un style moderne et épuré, avec une attention particulière portée aux matériaux et à la lumière, des éléments qui sont devenus des marques de fabrique du design de l'époque. Ce projet contribue à leur notoriété internationale, notamment dans le domaine du design d’expositions.

Installations à New York et suite de sa carrière

Par la suite, Peter Knapp décide de s’installer à New York, où il continue à travailler comme graphiste et peintre. À New York, il explore de nouvelles avenues créatives, enrichissant son travail graphique avec des influences américaines et internationales tout en continuant de développer son art pictural. Sa carrière prend une nouvelle direction, mais son travail de graphiste et de directeur artistique dans les années précédentes continue de marquer son héritage dans le monde du design.

Ces années de collaboration et d'expérimentations dans le design graphique ont consolidé l’identité visuelle de Peter Knapp, et ont marqué l’évolution du design au cours des années 1950 et 1960.

Son talent et son sens novateur de la mise en page lui ouvrent les portes de la presse. En 1959, il est recruté comme directeur artistique du magazine Elle, une publication alors en pleine évolution sous la direction de Hélène Lazareff. Son arrivée marque un véritable tournant pour le journal : Knapp dynamise la mise en page, introduit des formats plus audacieux et accorde une place centrale à l’image.

Sous son impulsion, Elle adopte un style résolument moderne, où le texte et la photographie interagissent avec fluidité. Inspiré par le Bauhaus et l’esthétique du cinéma, il joue avec les contrastes, les couleurs et les cadrages inattendus. Il privilégie des compositions dynamiques, brisant la rigidité traditionnelle des mises en page pour insuffler une sensation de mouvement et de liberté.

Durant les années 1960, il collabore avec de nombreux photographes de renom, tout en développant lui-même une approche visuelle singulière qui influencera durablement la photographie de mode. Son travail au sein de Elle contribue à faire du magazine un précurseur en matière de graphisme et d’esthétique éditoriale, inspirant toute une génération de directeurs artistiques et de créateurs.

Après avoir commencé sa carrière à l'École des Arts Appliqués de Zurich, Peter Knapp se lance dans le monde du graphisme et des arts visuels, travaillant d'abord dans l'atelier de Paul Marquet, un grand nom du graphisme suisse. Ce premier poste marque une étape cruciale dans sa carrière, car il lui permet de développer son style unique, mêlant créativité et rigueur graphique.


Photographie et exploration artistique

Au fil des années 1960, Peter Knapp ne se contente plus de diriger l’identité visuelle des magazines : il passe lui-même derrière l’objectif. Son regard de graphiste influence profondément son approche photographique, qui se distingue par un sens aigu du mouvement, des contrastes et de la mise en scène.

Son style se caractérise par une recherche constante de dynamisme. Il joue avec des cadrages audacieux, des angles inhabituels et des compositions asymétriques, rompant avec les conventions figées de la photographie de mode traditionnelle. Inspiré par le cinéma et le design graphique, il intègre des éléments de flou, de superposition et d’effets de perspective, donnant à ses images une impression de légèreté et de fluidité.

Dans le domaine de la mode, son approche innovante séduit les plus grandes maisons de couture et les créateurs emblématiques de son époque, avec lesquels il collabore régulièrement :

  • André Courrèges, dont il sublime l’esthétique futuriste et les coupes géométriques avec des mises en scène en mouvement.

  • Paco Rabanne, en capturant l’audace de ses robes métalliques et de ses créations avant-gardistes.

  • Yves Saint Laurent, avec qui il accompagne l’essor du smoking féminin et des silhouettes structurées, mettant en valeur l’élégance moderne du couturier.

  • Emanuel Ungaro, dont il magnifie les tissus fluides et les couleurs vibrantes à travers des compositions dynamiques.

  • Karl Lagerfeld, en photographiant ses collections avec une approche graphique et contemporaine.

  • Azzedine Alaïa, pour qui il capture la précision sculpturale des vêtements, mettant en lumière la puissance et la sensualité des coupes ajustées du créateur.

En parallèle, il travaille pour les plus grands magazines de mode tels que Elle, Vogue, Stern et le Sunday Times Magazine, réalisant des séries emblématiques. Il met en scène des mannequins iconiques comme Twiggy, Jean Shrimpton, Pat Cleveland et Farida Khelfa, incarnations de l’énergie nouvelle des années 1960 à 1980.

Toujours en quête d’expérimentations, Knapp alterne entre noir et blanc et couleurs vives, joue avec la lumière naturelle et artificielle, et intègre parfois des éléments graphiques à ses compositions. Sa vision dépasse largement la simple photographie de mode, s’imposant comme une véritable exploration artistique de l’image et du mouvement.

Cinéma, peinture et autres domaines artistiques

Le cinéma et les travaux audiovisuels

Dans les années 1970 et 1980, Peter Knapp s’intéresse au film et à la vidéo, prolongeant son obsession pour le mouvement et la narration visuelle. Il réalise plusieurs documentaires, notamment sur l’art et la mode.

Il travaille pour la télévision française, réalisant des films culturels et des reportages, dont certains pour TF1 et Antenne 2. Parmi ses réalisations, on trouve :

  • "Vêtements, langage et modernité" (1981), un documentaire explorant la mode comme un langage visuel.

  • Des films sur les créateurs de mode, où il filme les coulisses des défilés et capte l'énergie des créateurs tels que Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld.

  • Des génériques et animations pour la télévision, utilisant son sens du graphisme et du rythme.

Son travail audiovisuel prolonge son approche photographique en intégrant dynamisme, cadrages graphiques et jeux de lumière.


La peinture et l’illustration

En parallèle, Peter Knapp se consacre à la peinture et au dessin, influencé par son bagage graphique et le Bauhaus. Son travail pictural est caractérisé par :

  • Des compositions abstraites jouant avec les formes géométriques et la couleur.

  • Une réflexion sur la typographie et le mouvement, dans la continuité de ses recherches en graphisme.

  • Des œuvres sur toile, mais aussi des installations et des sérigraphies, où il expérimente la superposition et la transparence.

Il illustre également plusieurs ouvrages et réalise des affiches culturelles, notamment pour des expositions et des événements artistiques en France et en Suisse.

Expositions et reconnaissance artistique

Le travail de Peter Knapp a été exposé dans de nombreuses institutions prestigieuses, témoignant de son influence dans les arts visuels :

  • Centre Pompidou (Paris) : exposition collective sur le graphisme et la photographie.

  • Musée de l’Élysée (Lausanne) : grande rétrospective sur son œuvre photographique en 2016.

  • Cité de la Mode et du Design (Paris) : exposition sur la mode et l’image.

  • Musée des Arts Décoratifs (Paris) : mise en lumière de son impact sur l’édition et la photographie de mode.

Peter Knapp a connu une carrière prolifique, avec de nombreuses expositions marquantes qui ont traversé les frontières et marqué l'histoire de la photographie et du design visuel. Parmi ses expositions les plus notables, on peut citer en 2018, "Dancing in the Street. Peter Knapp et la Mode 1960-1970" à la Cité de la mode et du design à Paris, qui a exploré son influence sur la mode dans les années 1960 et 1970. En 2017, il est de nouveau mis à l’honneur avec "Quand la photographie de mode devient art" à la Galerie Berthet-Aittouarès à Paris, soulignant son rôle dans la transformation de la photographie de mode en une forme artistique. Ses expositions en 2016, "L’homme est partout", ont été présentées à la Fondation Carzou en France et à la Fondation Stämpfli en Espagne, portant sur la représentation humaine dans son travail. Ces expositions sont accompagnées par plusieurs autres au fil des ans, notamment en 2014 avec "Rio sur Seine" au Musée d’art et d’histoire à Saint-Denis, et "Elles. 101 regards sur les femmes" au Musée des Suisses à Genève, marquant son exploration de thèmes sociaux et culturels à travers son objectif.

Tout au long de sa carrière, son œuvre a également été intégrée dans de prestigieuses collections à travers le monde, incluant le Centre de la Photographie à Genève, la Fondation pour la photographie suisse à Winterthour, et le Musée Nicéphore-Niépce à Chalon-sur-Saône, France. Ces expositions et la reconnaissance de son travail dans ces collections internationales témoignent de l'impact durable de Peter Knapp sur l'art visuel, sa capacité à traverser les époques et à inspirer de nouvelles générations d'artistes et de créateurs.

Héritage et influence

Son influence se retrouve dans les travaux de photographes contemporains comme Jean-Paul Goude, Nick Knight ou encore Peter Lindbergh, qui ont adopté une approche expérimentale de l’image de mode.

L’impact de Knapp dépasse le cadre de la photographie et touche aussi le graphisme et le design éditorial. Des directeurs artistiques comme Fabien Baron (Vogue Paris, Harper’s Bazaar) et David Carson (Ray Gun) reconnaissent son influence dans leur approche innovante du design graphique.

Dans la photographie de mode, des créateurs comme Mario Testino et Inez & Vinoodh reprennent son jeu sur le mouvement et la spontanéité. Son travail inspire également des vidéastes et réalisateurs de clips comme Michel Gondry, qui explore des concepts visuels similaires en jouant sur l’espace et le temps.

Peter Knapp reste l’une des figures les plus marquantes de l’histoire de la photographie de mode et du design graphique. Son apport à l’art visuel est fondamental, non seulement pour sa réinvention de la photographie de mode, mais aussi pour l’innovation qu’il a apportée à la mise en page des magazines. Son travail a contribué à l’émergence d’une nouvelle manière de concevoir l’image, mêlant graphisme, mouvement et modernité. Ses photographies dynamiques, son sens du cadrage et sa capacité à introduire un mouvement fluide dans des images statiques ont changé le regard porté sur la mode et influencé plusieurs générations de créateurs, photographes et directeurs artistiques.

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