O.M.A. refuse d'être enfermé dans un style

O.M.A. refuse d'être enfermé dans un style

Nicolas Sarazin | 2 déc. 2021 6 minutes de lecture 0 commentaires
 

O.M.A. revendique la liberté, elle est à la base de son identité artistique. Elle ne vois aucun intérêt de refaire plusieurs fois la même chose, et évidemment de faire ce que d'autres ont déjà fait.

61a0fd3dae0c64.14678791_9a087dde-7645-4af3-ad45-461e9247bb7a.jpegQu’est ce qui vous a poussé à devenir un artiste ? Quel est votre parcours ? 

Je présente depuis l'enfance une personnalité atypique, qui s'est traduit dès le plus jeune âge dans les domaines créatifs. Je fréquentais par ailleurs plus volontiers les bibliothèques et les musées parisiens plutôt que les jeunes de mon âge. Mon souci de justice et d'égalité m'a poussé vers de longues études de droit et l'occupation une quinzaine d'années d'un emploi public très sérieux. Mais j'ai fini par comprendre que la littérature et l'art visuel, auxquels je continuais de consacrer tout mon temps non rémunéré, pouvaient avoir plus d'impact social. Le décès de ma grand-mère, elle-même artiste peintre m'ayant beaucoup appris, a été le déclencheur Je me suis autorisé à le devenir moi-même.

Quelles sont les 3 choses qui vous différencient des autres artistes ?

L’œuvre que je construis se distingue immédiatement par sa grande variété de sujets, de techniques, de supports, et même de manières de peindre. Alors qu'il est courant d'entendre dire à un jeune artiste qu'il "finira par trouver son style", je refuse précisément d'être enfermé dans un style. Je revendique cette liberté, elle est à la base de mon identité artistique. Je ne vois aucun intérêt de refaire plusieurs fois la même chose, et évidemment de faire ce que d'autres ont déjà fait et dont j'ai connaissance. Cependant, la présence d'écriture est assez récurrente dans mes travaux. Je ne crois pas vraiment à la pertinence du maintien de la distinction entre les arts, abstrait et figuratif par exemple, mais aussi peinture et sculpture, ou encore littérature et arts visuels. A défaut d'écriture sur la toile, les titres, soigneusement choisis, sont souvent révélateurs d'une autre dimension de l’œuvre. Enfin, mes réalisations portent inévitablement la trace de mon regard décalé. L'humour, parfois noir, tient une place essentielle dans ma manière de m'adresser au monde.

13584146-2020-tribute-to-dock-annegarn-oma.jpeg

Votre inspiration, elle vient d’où ?

Je fais feu de tout bois qui m'émeut. Inversement, la pratique artistique me permet de supporter cette émotion. Je n'ai pas la télévision, pas de tablette ni de smartphone, afin de limiter les agressions médiatiques, mais les nouvelles principales, bonnes ou mauvaises, finissent toujours par me parvenir. Mes recherches de fond portent sur l'enfance, les relations, le vivant, et leurs déclinaisons que sont la maternité, le temps qui passe, la disparition, la mémoire, le corps, la féminité, la nature. Mon art a vocation à porter témoignage.

Parlez-nous de la conception de vos œuvres, avez-vous un long travail préparatoire ou est-ce assez spontané ?

Je n'effectue aucun travail préparatoire, par choix. De même, je cherche toujours à dessiner le plus simplement possible dès que le sujet s'y prête, même si je sais que le regard du public actuel a une appétence pour l'hyperréalisme. J'aime beaucoup l'art gestuel et l'art enfantin, à mes yeux la spontanéité est la seule manière d'être authentique et de faire naître l'émotion, bonne ou mauvaise. Je pourrai faire du beau ou du consensuel mais je veux faire du vrai. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucune réflexion en amont. Je garde certaines idées en tête plusieurs mois ou années jusqu'à ce que je me sente complètement prêt à "passer à l'acte" artistique. Mais dès que je touche la toile, c'est définitif. Quitte à la jeter après :  beaucoup de travail, mais tout ne me satisfait pas évidemment. Il n'y a qu'une seule toile à ce jour pour laquelle j'ai effectué un travail préparatoire, au sens où j'en ai peint deux avant la 3e que j'ai gardée : il s'agit des "Prédateurs", sur le thème difficile de la pédocriminalité. 

Que voulez-vous montrer à travers votre travail ?

Je n'ai rien à montrer, ou à démontrer. Paradoxalement, par mes toiles je cherche à faire entendre, toutes proportions gardées, à la manière du "Cri" de Munch. Je voudrais sortir l'humanité de la léthargie où elle me semble engluée, lui faire sentir l'urgence de vivre réellement. 

Dans votre travail utilisez-vous des techniques ou matériaux qui sortent de l’ordinaire ?

Absolument tout peut me servir, d'autant que je n'aime pas alimenter les décharges : j'ai ainsi pu utiliser du sel, la taille de crayons, les clés qui servent à retendre la toile, un miroir, etc. J'ai une énorme réserve de petits "trésors", glanés ici ou là. Quand je crée, j'attrape l'outil qu'il me faut en fonction du rendu et de la couleur, ce peut même être un feutre lambda! Je suis très curieux d'essayer de nouvelles choses et n'ai aucun a priori. La peinture acrylique reste ce que j'utilise le plus, même si je trouve parfois qu'elle ne sèche pas encore assez vite!

14523278-2021-adele-guidant-le-peuple-oma.jpeg

Avez-vous un format de prédilection ? Pourquoi ?
Plus le temps passe, plus mes formats grandissent. J'ai peint beaucoup de 40 par 50 cm, afin que le plus grand nombre puisse acquérir mes toiles, ce que ne permettent pas des "formats musée" en terme de place et de finances. Cette taille s'harmonise également assez bien à ma façon de peindre, avec des pinceaux fins. J'aime beaucoup les formats carrés, qui n'imposent pas de "paysage" ou de "portrait".

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre travail ?

Ma principale difficulté est de faire connaitre mon travail. Je ne possède pas les réseaux dont peuvent bénéficier d'autres artistes, de par leur formation, milieu ou ancienneté. Les échanges autour de mon travail me font défaut.

Comment travaillez-vous ? Chez vous, dans un atelier partagé, dans votre propre atelier ?
Je viens de m'installer à Dieppe dans un atelier ouvert au public.

Le travail d’artiste vous amène t-il à beaucoup voyager ?

J'aimerais beaucoup que cela soit le cas! Les voyages et les échanges nourrissent l'ouverture d'esprit nécessaire à chaque artiste, et à chaque personne plus généralement.

14562350-2021-vierge-mutilee-au-bord-de-saint-pair-oma.jpeg

Quel a été le plus beau moment de votre carrière ?

Quand une visiteuse a ri en voyant un de mes tableaux : incroyable, elle avait compris la blague qu'il contenait ! 

Comment voyez-vous votre travail dans dix ans ?

Impossible de prévoir les découvertes fortuites inévitables et les modifications d'environnement qui rejailliront sur mon travail. J'espère seulement être surpris. 

Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Planifiez-vous bientôt une exposition ?

Je participe au salon Art Shopping du 22 au 24 octobre 2021 au carrousel du Louvre à Paris. Mon actuel travail au long cours portent sur plusieurs tableaux relatifs aux libertés.

Si vous aviez pu créer un chef-d'œuvre de l'histoire de l'art, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Artemisia Gentileschi, "Judith décapitant Holopherne" : Quand je le vois, je me dis "YES!". En réalité, ça parle d'elle, de ce qu'elle a vécu en tant que jeune artiste femme. Et ça fait du bien de voir les méchants décapités.L'art permet toujours cela, plus le droit (et c'est très bien comme cela!)

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre pour le dîner (mort ou vif), lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?

Georges Brassens : la musique a une grande importance dans mon art visuel. Il jouerait de la guitare, ce serait fantastique. Et accessoirement, j'essaierai de lui tirer le portrait!

Artistes associés
Voir plus d'articles

Artmajeur

Recevez notre lettre d'information pour les amateurs d'art et les collectionneurs