Gérard Esquerre, l'inspiration qui provient d'un état perceptuel

Gérard Esquerre, l'inspiration qui provient d'un état perceptuel

Olimpia Gaia Martinelli | 30 mars 2022 5 minutes de lecture 0 commentaires
 

L'œuvre de Gérard Esquerre, pionnier de l'art numérique et artiste aux multiples facettes, procède d'un état perceptif quasi permanent...

Qu’est ce qui vous a poussé à devenir un artiste ? Quel est votre parcours ? 

Un dessin de mon père, découvert par hasard quand j’étais jeune enfant, m’a tellement marqué que j’ai voulu dessiner aussi (c’était un avion réalisé de manière réaliste au crayon, quand il était adolescent). Voyant mon intérêt, mes parents m’offrirent ma première boîte de peinture à l’huile à 12 ans et je peignais ma première toile à 13. Souhaitant très tôt être enseignant, je fis des études d’arts plastiques. Ces études concernaient tous les domaines : dessin pur, anatomie, perspective, peinture, sculpture, sans oublier l’histoire de l’art. Devenu professeur et toujours curieux de toutes les techniques de la création d’image, j’étudiais ensuite ce qu’on appelait "l’audiovisuel" (photo, son, vidéo, cinéma). En 1982 j’étais nommé Conseiller artistique du Ministère de la Culture pour la région de Haute-Normandie. Parallèlement, j’ai toujours continué à créer avec toutes les techniques que je connaissais et bientôt l’informatique.

Quelles sont les 3 choses qui vous différencient des autres artistes ?

J'ai fait des études d'Arts Plastiques et Visuels, d'Histoire de l'Art. Dès le début de la vulgarisation informatique, j'ai pensé que le numérique pouvait apporter beaucoup à l'Art et je me suis formé à la création numérique. Je ne veux pas me restreindre à une technique d'expression plastique particulière : peinture, sculpture, dessin, photographie ou informatique. Je veux avoir le choix de m'exprimer en choisissant la technique appropriée à mon projet du moment.

Votre inspiration, elle vient d’où ?

Mes principales sources d’inspiration viennent d’un état perceptif quasi permanent. Je vis avec tous les sens en éveil. J’enregistre tout sans même y penser. Ensuite une sorte de filtre de la personnalité fait que certaines choses ressortent et d’autres pas. À partir de là mon cheminement qui pourrait apparaître comme guidé par le hasard est en fait guidé par un travail de réflexion constant. 

Parlez-nous de la conception de vos œuvres, avez-vous un long travail préparatoire ou est-ce assez spontané ?

Les idées prennent forme avec le travail. Le plus difficile est de déterminer ce qu'une idée deviendra : sa taille, sa forme, sa matière, ses couleurs en général. C'est une première ébauche qui va évoluer vers l'œuvre terminée. J'ajouterais que j'éprouve une intense nécessité de créer "quelque chose", tous les jours. 

Que voulez-vous montrer à travers votre travail ?

Il ne s'agit pas, pour moi, de montrer quelque chose mais plutôt de faire partager la somme de sensations, de pensées et d'émotions que j'ai mises dans la création de l'œuvre. Si le spectateur n'en perçoit même qu'une petite partie, j'en serai très heureux. J'aimerais aussi qu'il puisse percevoir l'enthousiasme qui m'a animé dans la création.

Dans votre travail utilisez-vous des techniques ou matériaux qui sortent de l’ordinaire ?

Dans mon cheminement créatif j'utilise beaucoup la photo numérique. Elle me permet de photographier une étape de l'œuvre en cours. Je peux alors modifier à volonté la photo de cette étape sur mon ordinateur, grâce à une tablette graphique. Puis je retourne modifier l'œuvre en fonction de cette évolution. Souvent je recommence ce type d'opérations jusqu'au moment où je ressens que l'œuvre est terminée. Pour la sculpture j'aime travailler des morceaux de carrosserie de voitures que je découpe et que je soude au chalumeau. Je les peins ensuite comme des toiles qui auraient ainsi trois dimensions.

Avez-vous un format de prédilection ? Pourquoi ?

J'aime le format carré parce qu'il est un fort symbole d'équilibre. Mais je n'oublie jamais que la plupart des images créées par l'homme sont inscrites dans des rectangles le plus souvent horizontaux.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre travail ?

Ma plus grande difficulté est le temps. Je n'ai pas assez de temps pour réaliser tout ce que mon imagination me dicte en permanence. Mon autre difficulté est de partager ce que je réalise : je souhaite montrer mes œuvres au plus grand nombre. Trouver des lieux où exposer dans des conditions satisfaisantes est très difficile. 

Comment travaillez-vous ? Chez vous, dans un atelier partagé, dans votre propre atelier ?

J'ai trois lieux de travail dans ma maison : un atelier pour le dessin et la peinture, un bureau pour tout ce qui relève de l'informatique et de la photo, et un atelier extérieur pour la sculpture et l'utilisation du chalumeau oxyacétylénique. 

Le travail d’artiste vous amène t-il à beaucoup voyager ?

Je voyage surtout et beaucoup dans ma tête, mais j'aimerais faire davantage voyager mon appareil photo qui me sert de carnet de croquis.

Quel a été le plus beau moment de votre carrière ?

À chaque nouvelle œuvre je me dis que c'est le plus beau moment de ma carrière !

Comment voyez-vous votre travail dans dix ans ?

Je ne vois déjà pas mon prochain travail... Je ne veux surtout pas prévoir et préfère me laisser surprendre par le hasard et la spontanéité.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Planifiez-vous bientôt une exposition ?

Voir L'Arc de Triomphe empaqueté de Christo m'a bouleversé et m'a donné envie de reprendre en peinture une série sur le thème de l'oubli, du manque, de l'absence, de la frustration, que j'avais commencée il y a plusieurs années. J'aimerais consacrer ensuite une exposition à ce thème.

Si vous aviez pu créer un chef-d'œuvre de l'histoire de l'art, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?

Les demoiselles d'Avignon de Picasso en 1907, parce que cette œuvre est un tournant de l'art moderne, tant par son esthétique que par son sujet (pour l'époque). Elle rompt avec tout ce qui s’est fait auparavant et annonce tout ce qui se fera par la suite.

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre pour le dîner (mort ou vif), lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?

J'inviterais Picasso avec un immense respect. J'essaierais de continuer à découvrir comment il a su rester un enfant jusqu'à 92 ans et je prolongerais avec lui le merveilleux film d'Henri-Georges Clouzot "Le mystère Picasso" de 1955.

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