DAVID MICHELANGELO HUGO BOSS (2021) Gravure par Tony Rubino.
Contre la censure de l'art
Mon top 10 a sélectionné les meilleurs chefs-d'œuvre de nudité, de crudité, de sensualité, parfois d'érotisme et, par conséquent, extrêmement "scandaleux", "démoniaques" et parfois "dangereux", pour les yeux des spectateurs les plus sensibles à l'extériorisation des sinuosités du corps humain, des personnages que j'oserais juger dignes d'un saut dans le temps, à l'époque du Braghettone, Daniele da Volterra (1509-1566), un artiste qui, à la fin du XVIe siècle, a gagné le surnom susmentionné, une sorte de M. Slip lorsqu'il est traduit littéralement de l'italien, car il a été appelé, à la suite du Concile de Trente, à couvrir la nudité du Jugement dernier de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine en prévoyant de la dissimuler derrière des culottes et des robes. Aux "Braghettone", messieurs et dames, je voudrais signaler les contenus qui sont aujourd'hui diffusés sur le web et les médias sociaux, canaux de communication où se déversent à chaque minute des images et des vidéos de jeunes filles dont on peut apercevoir les tétons, ou de figures capturées alors qu'elles s'adonnent au twerking le plus explicite, ou prises dans des micro tangas dans des poses plutôt invitantes et clins d'œil. A ce stade, le membre de David, les seins d'Olympia, les fesses des baigneuses de Courbet, muettes, statufiées et surtout conçues uniquement pour être observées, contemplées, et non pour susciter l'envie d'entamer de longues conversations privées, semblent-ils si néfastes à notre société à la dérive ? De plus, vous ne pensez pas au long travail de conception et de réalisation des chefs-d'œuvre susmentionnés, ainsi qu'au contexte historique et artistique qu'ils représentent, d'autant plus si on les compare au "cul ignorant " d'un anonyme affiché sur Instagram. Après cet emportement, je vous laisse avec les chefs-d'œuvre, en espérant que l'histoire derrière chaque œuvre vous fera prendre conscience qu'au-delà d'un organe génital, d'un sein et d'une fesse, il y a une valeur intellectuelle inestimable, que la postérité mérite de connaître, car il n'y a pas d'obscénité si ce qui est exposé est expliqué, contextualisé, raconté, analysé et bien raconté dans son intention de création. C'est probablement la superficialité de notre époque qui a transformé les chefs-d'œuvre de l'art en simples morceaux de chair commerciaux, exposés pour susciter je ne sais quelle pensée érotique ou, le plus souvent, pour devenir des témoignages vides utilisés dans le but d'inviter à un simple gaspillage d'argent.
Édouard Manet, Déjeuner sur l'herbe , 1862-1863. Huile sur toile, 208×264 cm. Paris : Musée d'Orsay.
Top 10
10. Édouard Manet, Déjeuner sur l'herbe, 1862-1863
Fermez les yeux, ou préparez-vous, vous qui êtes encore dans le temps, à aller confesser vos péchés, car les œuvres à partir de dix représentent une descente aux enfers, un endroit où, comme une sorte de Virgile, j'ai choisi Manet comme premier compagnon, une figure qui me conduira sur le chemin du purgatoire vers la damnation éternelle, symboliquement représentée par l'œuvre numéro un ! Bon, pardon, je me suis un peu emporté, je vais reprendre mon sérieux pour ouvrir ce classement avec le Déjeuner sur l'herbe du maître français précité, une toile où une femme nue est assise devant deux hommes aisés, vêtus de vêtements sombres. La figure féminine, qui tourne son regard directement vers le spectateur, a pris une pose décontractée, ignorant le scandale que sa présence a suscité dans le public de l'époque qui, déjà déconcerté par la technique picturale utilisée par l'artiste, a immédiatement compris que la jeune femme, qui n'était ni une nymphe ni une déesse, devait être une prostituée impudique, sujet interdit à l'époque où le tableau a été réalisé, la présence du nu ne pouvant être justifiée que par une référence à la mythologie ou à l'allégorie. Enfin, il convient de noter que pour la réalisation de cet "affront", Manet s'est inspiré du Concert champêtre du Titien et probablement aussi de quelques gravures du XVIe siècle de Marcantonio Raimondi d'après le Jugement de Paris de Raphaël, sources d'inspiration transformées en une composition délibérément aliénante et provocante.
Édouard Manet, Olympia , 1863. Huile sur toile,130,5×190 cm. Paris : Musée d'Orsay.
9. Édouard Manet, Olympia, 1863
Au numéro neuf, probablement situé dans le cercle du purgatoire des lubriques, désormais peut-être aussi peuplé par les voyeurs des vidéos Instagram sensuelles susmentionnées, se trouve un autre chef-d'œuvre représentant une prostituée provocante : l'Olympia de Manet. Le tableau, qui représente une femme dévêtue allongée sur un lit, décidée à tourner son regard, sans révéler la moindre émotion, vers le spectateur, offre une autre interprétation inédite du nu féminin qui, directe et sans concession, a défié la morale bourgeoise de son époque. À l'image froide et réaliste de la courtisane susmentionnée s'ajoute une sorte de "profanation" de la tradition, puisque la pose qu'elle prend est surtout celle que la tradition classique attribue à la figure de Vénus, transformée en une association grossière avec la prostitution. De plus, le choix du titre du tableau n'a jamais été aussi approprié, car le nom d'Olympia était de loin le plus répandu parmi les courtisanes du XIXe siècle, à associer également à la présence du chat noir, symbole érotique lié à la sexualité féminine, et au sujet de la servante, qui a l'intention de remettre au modèle le cadeau très floral de l'un de ses clients. Enfin, le lit défait et l'orchidée sensuelle dans les cheveux, ainsi que les bijoux portés sans grand raffinement, indiquent également que la jeune femme mène une "vie publique" intense.
Francisco Goya, La maja desnuda, 1790-1800. Huile sur toile, 97×190 cm. Musée du Prado, Madrid.
8. Francisco Goya, La maja desnuda, 1790-1800
De la France, nous passons à l'Espagne, toujours dans l'intention d'impliquer, d'éduquer et de "convertir" les "Braghettons" du monde, en prenant cette fois comme exemple la Maja desnuda de Francisco Goya, une toile représentant une jeune femme nue qui, avec une extrême assurance et sans la moindre pudeur, croise le regard du spectateur en se couchant, la tête à gauche de l'œuvre et les mains croisées derrière la nuque, pour mettre en évidence la protubérance de ses seins. Maintenant, vous pouvez vous demander, et si vous ne l'avez pas fait, je vais le faire pour vous, pourquoi Maya est en position 8, donc plus scandaleuse qu'Olympia ? La réponse se trouve dans le pubis, car l'œuvre du maître espagnol montre, d'une manière tout à fait inédite pour l'époque, les poils de l'aine et la linea nigra, cette fine bande de peau qui relie le mont de Vénus au nombril. Il convient ici d'introduire le contexte dans lequel le tableau a été réalisé, à savoir l'Espagne du XVIIIe siècle, un pays dans lequel les peintures de nu étaient interdites car contraires à la doctrine chrétienne, à tel point que nombre d'entre elles ont été brûlées sur ordre de l'Inquisition. Malgré cela, le commanditaire de l'œuvre, l'imprudent militaire et politicien espagnol Manuel Godoy, possédait une riche collection de chefs-d'œuvre de ce genre, bien que la Maya Desnuda, peut-être la plus explicite de ces œuvres, n'ait été exposée qu'au moyen d'un mécanisme de superposition, les plus bigots ne pouvant voir que la version vêtue du même sujet, représentée par la Maja Vestida, une peinture légèrement postérieure.
Amedeo Modigliani, Nu couché , 1917. Huile sur toile, 60 cm × 92 cm. Collection privée de Liu Yiqian.
7. Amedeo Modigliani, Nu couché , 1917
Imaginez-vous à Paris en décembre 1917, attendant dans le froid, peut-être dans une file d'attente, parmi la multitude de personnes qui se sont pressées pour assister à la première exposition personnelle de Modigliani, qui, organisée dans la galerie de la marchande d'art Berthe Weill, a été brusquement et prématurément interrompue par une descente de police malveillante, dont le but était d'enlever certaines des œuvres exposées qui étaient considérées comme dépassant la pudeur. Parmi toutes les peintures exposées lors de l'événement et sur lesquelles tombait l'accusation susmentionnée, on pouvait également voir la représentation d'une jeune femme aux cheveux noirs et au maquillage marqué, qui, langoureusement allongée sur un lit rouge, tournait son regard aveugle vers le spectateur : il s'agit du Nu couché de 1917. Tout comme dans l'exemple de la Maja Desnuda mentionné ci-dessus, le sujet du scandale dans ce chef-d'œuvre parisien était, une fois de plus, la présence de poils, qui, à cette occasion, devenaient visibles non seulement dans le pubis, mais aussi dans les aisselles de la modèle, représentant probablement la compagne de l'artiste, Jeanne Hébuterne, ou Elvira La Quique, la célèbre prostituée, chanteuse et mannequin de Montparnasse.
Edvard Munch, Puberté , 1894-95. Huile sur toile, 151,5 cm × 110 cm. Galerie nationale, Oslo.
6. Edvard Munch, Puberté , 1894-95
Si l'on représentait aujourd'hui une figure nue, dont l'enfance est saisie à cet âge proche de la puberté, les pires accusations éclateraient probablement à l'encontre du peintre, qui serait presque certainement désigné comme un amant pervers des mineurs. En réalité, le chef-d'œuvre thématique de Munch, qui ne doit en aucun cas être interprété avec la malveillance susmentionnée, confronte le spectateur à un changement physique évident, destiné à impliquer toute l'humanité dans cette période de transition qui relie l'enfance à l'âge adulte. En effet, Puberté représente une jeune fille dans l'intimité de sa chambre, qui semble gênée devant notre regard, capable de saisir l'immaturité de son physique qui, caché dans son pubis, mais révélé par ses petits seins immatures, n'a pas encore atteint son plein développement. En même temps, ce corps immature projette, grâce à la lumière provenant de la gauche du support, une ombre inquiétante et menaçante qui, placée sur le côté droit de la petite pièce, semble présager l'avenir dramatique de l'effigie, ou extérioriser son état intérieur consciemment tourmenté. Il semblerait que, de la même manière que chaque petite fille sait déjà qu'elle deviendra une femme, elle pressent la puissance de sa future sexualité, capable de faire souffrir les hommes, qui en tireront d'abord du plaisir, puis de la douleur et du désespoir.
5. Egon Schiele, Jeune femme nue debout avec des bas oranges, 1914
"Aucune œuvre d'art érotique n'est une saleté, quand elle est artistiquement pertinente, elle ne devient une saleté que par l'intermédiaire du spectateur, si le spectateur est un porc". Si les mots de Schiele vous ont démasqué dans votre identité espiègle, alors, bons gourmets que vous êtes, je vous invite à contempler dans la solitude son explicite Jeune femme nue debout en bas orange (1914). Ou, si comme moi, et comme le maître susmentionné, vous reconnaissez sa valeur artistique, remarquable est sa description, prête à résumer comment le corps droit et fier d'une femme qui, ne daignant pas nous donner le moindre indice de son regard, se présente en bas orange à nouer soi-même, génère la vision d'une figure éventuellement solitaire, mélancolique et désespérée, à première vue grotesque et défavorable. En même temps, ce mode de représentation reflète l'adoration plus typique du maître pour le sexe féminin, qui a souvent évité de représenter les femmes dans des poses passives pour les immortaliser dans des poses directes, quelque peu impudiques, souvent entrelacées et provocantes, qui, comme Schiele lui-même l'a dit, sont souvent provocantes. En d'autres termes, il s'agit de chefs-d'œuvre à contempler dans leur valeur historico-artistique, plutôt qu'à travers des associations fantaisistes de lumière rouge qui, à l'instar de Circé avec les compagnons d'Ulysse, transforment les hommes en porcs.
Gustave Courbet, Le Sommeil, 1866. Huile sur toile, 135×200 cm. Petit Palais, Paris.
4. Gustave Courbet, Le Sommeil, 1866.
Niveau de malice atteint au numéro 4 : très élevé ! Peut-être entendons-nous déjà les sept trompettes des anges de l'Apocalypse de Dürer, alors que se déroulent les ravages de la planète Terre, royaume des créatures espiègles et lascives, avides de contempler des œuvres d'art érotiques telles que le Sommeil de Courbet, une huile sur toile représentant deux femmes enlacées sensuellement, allongées sur un lit défait, comme si elles venaient de terminer une étreinte amoureuse. Le tableau en question, qui pour son sujet exclusivement féminin suscite encore l'étonnement, voire le choc de certains, a échappé à la violence des plus puritains, puisqu'il a été réalisé pour la collection privée du diplomate turc Khalil Bey. Le Sommeil n'a d'ailleurs été exposé au public pour la première fois qu'en 1988, à l'occasion d'une exposition new-yorkaise consacrée au maître français. Enfin, dernière curiosité : le modèle brun du tableau est Joanna Hiffernan, une jeune fille qui a également posé pour La jeune fille en blanc de James Whistler à l'époque où le chef-d'œuvre a été peint.
Niki de Saint Phalle, Hon, 1966
3. Niki de Saint Phalle, Hon, 1966
En troisième position de notre classement, nous trouvons Niki de Saint Phalle (1930-2002), peintre, sculpteur, cinéaste et maquettiste française, qui a créé en 1966 pour le grand hall du Moderna Museet de Stockholm, le Hon, une sculpture représentant une énorme Nana, couchée sur le dos, les jambes repliées et ouvertes, à partir de laquelle le spectateur doit passer, en entrant directement par le sexe, pour trouver des amusements de toutes sortes, placés à l'intérieur de différentes parties du corps de l'œuvre. Ce chemin est présenté comme une grande déesse de la fertilité à explorer, prête à accueillir, puis à donner naissance aux visiteurs qui la traversent. Le caractère non pornographique de ce qui vient d'être décrit est souligné par le fait que Nana représente une femme enceinte maternelle qui, colorée de couleurs vives, rappelle les teintes vives qui ornent les œufs de Pâques. Contrairement aux œuvres susmentionnées, la mentalité suédoise éclairée et ouverte de la fin des années 1960 a fait que l'œuvre, bien que représentant un certain choc et n'ayant été exposée que pendant trois mois, a été accueillie sans aucune protestation, à tel point que des familles entières se sont déplacées pour la voir, accompagnées de leurs enfants.
Gustave Courbet, L'Origine du monde , 1866. Huile sur toile, 46×55 cm. Musée d'Orsay, Paris.
2. Gustave Courbet, L'Origine du monde, 1866
Gustave Courbet, L'Origine du monde (1866) : sous nos yeux, le gros plan "obscène" de la zone pubienne d'un torse féminin, s'étendant des cuisses aux seins, trouve sa place sur un drap "froissé", ce qui nous fait penser à l'intimité d'une chambre à coucher. À ce stade, il semble nécessaire de préciser que ce n'est pas le sujet en soi qui a fait sensation, mais la technique d'exécution de l'œuvre, qui a rendu le sujet extrêmement réaliste et presque anatomique, sans recourir à des artifices stylistiques historiques ou classiques pour représenter ce qui, comme le titre l'indique, est en fait l'origine de notre monde. Il est donc impossible de considérer la peinture à l'huile comme une image pornographique, car il s'agit plutôt d'un chef-d'œuvre d'amplitude picturale, réalisé grâce à l'étude de la tradition figurative italienne du tonalisme, qui a donné naissance à un réalisme cru capable de susciter le malaise même aujourd'hui, alors qu'une provocation d'il y a 157 ans est toujours d'actualité. Mais Courbet n'a pas agi seul, puisque c'est précisément à son époque que se sont répandues les premières photographies érotiques, prises par exemple par le Français Auguste Belloc, qui a utilisé des prises de vue similaires à celles chères au peintre. Je suis sûr que vous allez maintenant aller chercher les photographies de Belloc sur Google, profitez-en !
DAVID (2022)Peinture de Kosta Morr .
1. Michel-Ange, David, 1501-1504
Le David en marbre de 1501-1504 présente une posture fière et debout, tandis qu'il tourne la tête vers la gauche, semblant fixer un point lointain, ruminant probablement l'accomplissement du geste guerrier qu'il va devoir accomplir contre le géant Goliath. C'est dans la tradition grecque que Michel-Ange a choisi de représenter ce moment statique, car les héros classiques, puissants et musclés, étaient généralement immortalisés dans l'instant qui précède l'action, c'est-à-dire dans une sorte d'arrêt sur image qui, dans ce contexte particulier, apporte une accumulation de tension qui ne sera libérée qu'au moment de la mise à mort proprement dite. À ce stade, je sais que vous avez été déçus, car vous pensiez qu'en première place il y avait en fait une œuvre bien plus "obscène" que celle-ci, mais en réalité, en faisant cela, j'ai atteint mon objectif : m'opposer à la vague contemporaine de censure ! En effet, le David de Michel-Ange, dans cette conclusion démasqué dans sa valeur artistique plutôt que dans son obscénité, a récemment été le protagoniste d'actes de censure, officialisés et malheureusement viralisés par quelques cas frappants, tels que ceux qui ont eu lieu en Floride et à Glasgow. Je vous renvoie ici à l'introduction, craignant une censure, plutôt que de l'obscène, de la culture figurative, source inépuisable de nourriture pour l'imagination, à tel point que Michel-Ange lui-même, pour son David, s'est inspiré du plus ancien et plus nu Doriforo de Polyclitus. Or, vers qui se tourneront les artistes de demain si les grands modèles sont injustement censurés ?